Elles sont deux au monde : Clearstream (à Luxembourg, paradis fiscal, bancaire et judiciaire) et Euroclear.
J’ai décrit leur fonctionnement d’une manière imagée dans mon livre
Je préfère copier-coller un extrait plutôt que me répéter (je sais, c’est long mais ceux qui savent peuvent passer à la suite).
Disons qu’elles dépendent et "appartiennent" au delà de leurs actionnaires respectifs aux banques les plus importantes de la planète...
5. La nuit, tous les chats des banquiers sont gris
Il était une fois une multinationale de la finance et un petit écrivain. Un beau matin, le petit écrivain rencontre un gros barbu, le portait tout craché de Karl Marx. Il se met à lui raconter sa vie et celle de la multinationale. Le gros barbu a été un des premiers salariés de la multinationale à l’époque où celle-ci était une petite société de rien du tout. C’était le temps où elle était encore une coopérative bancaire. Après tout, les banquiers avaient bien le droit de faire comme les ouvriers.
C’était le début des années 70. Une époque bénie où les garçons portaient des pantalons avec des pattes d’éléphant et les filles des mini jupes. Le gros barbu qui ressemblait à Karl Marx et avait des cheveux longs était son numéro trois et son chargé de clientèle.
Dans ces années-là, le Luxembourg était déjà un pays très accueillant pour les banques et les banquiers. Un paradis pour capitalistes et fumeurs de gros cigares. Si on cherche le Luxembourg sur un globe, il faut prendre une loupe. C’est minuscule comme une crotte de mouche. Ce petit pays est un grand Duché avec un grand Duc, une grande Duchesse, un grand Evêque et plein de tout petits hommes politiques et de tout petits journalistes.
Il y a très longtemps, ce petit pays coincé entre la France et l’Allemagne, vivait essentiellement de l’agriculture. Après la Seconde Guerre, les Luxembourgeois se sont retrouvés complètement fauchés et les comptes du grand Duc à sec. Les Luxembourgeois n’avaient pas d’armée, pas de pétrole,
pas d’équipe de football valable. Ils n’avaient que des champs à perte de vue avec des vaches dessus. En plus, ils parlaient le luxembourgeois, une langue bizarre, mélange d’allemand et de flamand, qu’ils étaient les seuls à comprendre.
Les années passaient et ils étaient toujours aussi pauvres. Ils se demandaient comment faire pour tirer leur épingle du jeu dans ce foutu monde. Il leur fallait trouver un business particulier. C’était une époque où les patrons de grosses sociétés, dont beaucoup étaient américaines, voulaient investir en Europe pour la reconstruire. Leurs amis banquiers cherchaient à éviter les regards indiscrets pour monter des affaires. Un mur séparait l’Europe en deux et la guerre était terrible avec les communistes qui avaient des espions partout. Les Américains avaient besoin d’un petit pays pas trop regardant.
Les banquiers sont des messieurs très riches et très malins qui aiment bien se retrouver ensemble pour jouer au Monopoly. Avec des vrais billets. Les banquiers sont très puissants car avec leurs banques, ils ont accès aux secrets de la planète. Et les secrets, c’est bien connu, il faut les préserver pour les faire prospérer. D’ailleurs, le métier de banquier pourrait se résumer à vendre et faire fructifier des secrets.
Un jour, les banquiers jetèrent leur dévolu sur le petit pays qui leur faisait des yeux si doux. C’était le début des années 70 et le début des ordinateurs performants. Des IBM. International Business Machine Corporation.
- Nous allons y construire une grande Tour et y installer plein d’ordinateurs, dit un banquier français en pointant du doigt le Luxembourg sur une carte.
- Avec des gardiens devant la Tour, et des coffre- forts dans les caves, renchérit un banquier italien. L’argent nous servira de garantie et on ne commercera qu’avec des promesses
- Voilà mon chèque pour démarrer, souffla le banquier américain (avec un air d’Américain et plein de zéros derrière.)
- Pas besoin de chèque cher ami, faites-nous un virement, répliqua le banquier luxembourgeois.
Et ils se mirent à rigoler. Mais doucement pour ne pas qu’on les entende. Ils venaient d’inventer l’argent virtuel, la compensation bancaire et la mondialisation financière.
Les banquiers ont alors déposé leur fortune qui était d’abord celle de leurs clients dans les coffres forts de la Tour du petit pays. Ils ont appelé ce trésor leur fonds de garantie et se sont mis à chercher des partenaires pour avoir encore plus d’argent dans leurs coffres. La règle du jeu était simple comme bonjour. L’argent ne devait pas bouger. Par contre, ils pouvaient jouer avec. Acheter. Vendre. Le placer, le déplacer. Comme au Monopoly. En fin de journée, les ordinateurs faisaient les comptes. Leur banque allait devenir la banque des banques. Et la banque des promesses toujours tenues.
Avec ce système, il n’y avait plus de déplacement physique de l’argent et des valeurs. Tout se faisait par des écritures comptables, des chiffres dans des colonnes. Je te prête. Tu me rembourses. J’additionne, je soustrais. Des informaticiens de tous les pays ont été embauchés pour compenser les pertes
et les gains des uns et des autres et pour inventer des véhicules financiers performants. Le but était d’être le plus discret, le plus sûr et surtout le plus rapide. Car le temps, c’est bien connu, c’est de l’argent.
On verse un million de francs dans son agence bancaire à Monaco. Le temps de se retourner, l’argent a déjà filé sur un compte à Paris, est revenu sous forme d’un placement à Jersey. Pour effectuer ces virements, sans le savoir, vous avez utilisé un véhicule financier. C’est comme une voiture qui irait super vite avec une plaque minéralogique et des remorques pour mettre l’argent, l’or ou vos paquets d’actions.
La question amusante à se poser pourrait être : Peut-on suivre à la trace ces véhicules financiers sans jamais les perdre de vue ? Difficile.
Les banquiers et leurs informaticiens ont beaucoup phosphoré les dix premières années pour améliorer leur système. Ils étaient contents. Ils étaient au c¦ur de ce qu’on allait appeler la dématérialisation de l’argent