Paul Klee dit de l’art : « Il ne rend pas le visible, il rend visible ». Quoi ? « L’invisible ». Or, si l’art rend visible l’invisible, voilà un paradoxe que notre doute méthodique aura bien du mal à souffrir, lui que seules les évidences satisfont. Toutefois, l’art du paradoxe ou le paradoxe de l’art suppose un savoir-faire auquel tout le monde ne peut pas prétendre.
Castoriadis, par exemple, a dévoilé à sa manière le sens de l’œuvre d’art. Celle-ci implique, selon le philosophe, à la fois un Envers et un Endroit. L’Endroit de l’œuvre est la Forme finie, la dimension plastique de la chose. L’Envers, c’est l’Abîme, le Néant duquel se détache la Forme et la rend pleinement originale, puisque, provenant du Néant, elle ne s’inscrit pas dans la suite logique de ce qui s’est déjà accompli. Autrement dit, un chef-d’œuvre provoque en nous le sentiment du sublime parce que l’infini de l’Abîme constitue le fond (sans fond) d’une forme qui le manifeste ainsi.
Mais l’art contemporain, c’est-à-dire postmoderne, a cru bon atteindre le sentiment sublime du plaisir et de la souffrance en faisant éclater toutes les formes et en dénonçant l’insuffisance de notre imagination. Il en résulte dans nos musées d’« art » contemporain, l’exhibition de la banalité, de l’informe et des cris qui, en réalité, ne manifestent ou ne trahissent qu’eux-mêmes. Il suffit de voir une Compression de César pour s’en convaincre. Ce n’est pas en tendant un miroir au (prétendu) vide de notre modernité que l’on crée d’une part, qu’on dénonce vraiment ce vide d’autre part. Nos faussaires d’artistes ne font que renforcer les simulacres par du simulacre.
Il est donc urgent de retrouver des discours portés haut et fort, sur les conditions de possibilité du Jugement esthétique afin que son autorité dissipe l’arbitraire de l’autoritarisme auquel conduit le relativisme postmoderne pour lequel tout est une question de forces…