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Commentaire de Argo

sur Lettre ouverte tibétaine au sieur Mélenchon


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Argo Argo 11 avril 2008 14:03

Le problème des articles et commentaires est qu’ils reflètent le fait quà partir exactement des mêmes faits historiques, les interprétations chinoises et tibétaines ont toujours divergé (et celles de leurs supporters, idem).

Il est vrai que depuis son unification (au septième siècle après Jésus-Christ par le roi Songtsen Gampo), l’histoire tibétaine est complètement imbriquée avec celle de la Chine. En faisant simple :

Le Tibet fût lui même propriétaire/envahisseur de la Chine, brièvement de 763 à environ 800.

Il fut envahi comme la Chine par les mongols (Gengis Khan) et mis sous tutelle de la dynastie mongole des Yuan fondée par Kubilaï Khan et qui régna entre 1271 et 1368. Selon les Chinois, le Khan donna le contrôle du Tibet aux Yuan. Selon les Tibétains, Chine et Tibet étaient deux entités distinctes au sein de l’empire Mongol (première embrouille).

La dynastie Ming (1368-1644), d’origine Han (l’ethnie majoritaire de la Chine) hérita, selon les Chinois, de la dynastie précédente des Yuan le droit de régner sur le Tibet. Cette version est évidemment contestée par les Tibétains (deuxième embrouille).

Enfin sous la dynastie mandchoue des Qing (1644-1911) qui balaya à la fois le dernier Khan et les Ming, la relation entre la Chine et le Tibet se radicalisa véritablement. La prise de contrôle militaire du Tibet et sa mise sous tutelle par les Chinois apparaît plus clairement. Mais là encore, les Tibétains considèrent que le Tibet n’était qu’un vague protectorat sous les Qing et que les officiels tibétains continuaient à le gouverner (troisième embrouille).

Avec la fin de la dysnastie mandchoue au début du XXème siècle, la chine se désintégra (luttes entre les seigneurs de la guerre) et le Tibet fut la proie des anglais. En 1904, leurs troupes, menées par Sir Younghusband, en prennent le contrôle. A l’époque les Tibétains demandèrent l’aide des Qing, mais en vain car il y avait assez de problèmes internes comme ça. Ceci est considéré aujourd’hui comme une grave erreur par la Chine.

Enfin, le Tibet a été incorporé de force à la République Populaire de Chine (RPC) par Mao Zedong en 1950.

Bref, selon la version, le Tibet fût Chinois depuis le XIIIème / XIVème siècle ou jamais Chinois (ou si peu). Et ça continue sur AgoraVox, comme le confirment votre article et celui de Lilian hier et je crois que personne ne tranchera.

Trois remarques quand même.

Diversité et intégration sont l’essence même de la civilisation Chinoise (et une grosse partie du problème actuel). Pour un Chinois, les dynasties "envahisseuses" Mongols ou Mandchoues sont absolument chinoises même si elles ne sont pas Han (l’ethnie majoritaire de la Chine qui compte aujourd’hui pour 92% de la population). Aujourd’hui, on compte en Chine 24 ethnies chinoises et 55 minorités non chinoises. Selon leur Constitution de 1982, la Chine est une " République socialiste unitaire et multinationale ". Evidemment le Han diffuse partout, selon la politique de sinisation (de colonisation pour les détracteurs de la Chine) qui consiste à " ajouter du sable partout pour épaissir le ciment ", vocabulaire officiel Chinois. Ainsi, les Han constituent aujourd’hui la majorité de la population dans 20 provinces sur 22, à l’exception du Ouïgour (Xinjiang) et du Tibet. Probablement plus pour longtemps.

Le critère de la langue est délicat à manier. Il y a environ 200 langues pratiquées en Chine. L’ethnie majoritaire Han elle même, se scinde d’un point de vue linguistique en deux : ceux qui parlent le chinois mandarin ou putonghua (environ 67%) et ceux qui parlent l’une des 24 langues chinoises autres que le mandarin (environ 38O millions de personnes, présentes principalement dans le Sud-Est du pays), dont le wu (77,1 millions), le cantonais (52 millions), le jinyu (45 millions), le hakka (36 millions), le gan (20,5 millions), etc.

Les 1 200 000 morts sont un chiffre avancé par les Tibétains et contredits par les Chinois. Chiffre également contesté par Patrick French, un écrivain anglais président de l’association Free Tibet Campaign qui a eu accès aux archives du gouvernement Tibétain en exil et avance le chiffre de 500 000, incluant la famine qui suivit le fameux " Grand bon en avant" de Mao et dans une moindre mesure la révolution culturelle. Cela-dit, rien que la grande famine qui sévit en Chine entre 1958 et 1962 (conséquence du " grand bond en avant ") fit entre 30 et 40 millions de morts en Chine.

En résumé, on peut voir la Chine (Taiwan inclus) comme un tout, comme un pays multiculturel et multinational de 1,3 milliards d’habitants. C’est la position officielle chinoise.

On peut aussi la découper, le Tibet ici, le Sichuan là, le Xinjiang, etc. en mille morceaux. Mais ce n’est plus la Chine de 1.3 milliards d’habitants, alors. Et ce n’est plus la position officielle Chinoise, évidemment.

C’est difficile à résoudre, cela n’a rien à voir avec la colonisation en Afrique, le sport, les JO ou le CIO, ni même avec les droits de l’homme (ce sont des problèmes réels mais distincts) et ce n’est pas en deux phrases péremptoires et trois amalgames que les uns ou les autres pourront imposer un point de vue.

Comme disait De Gaulle, « La Chine est un vaste pays, et qui est peuplé de Chinois ». Ca c’est envoyé !


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