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Commentaire de Walid Haïdar

sur Le lobby : une réalité bonne ou mauvaise ?


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Walid Haïdar 22 avril 2008 18:13

 Article utile, sujet crucial !

Au passage je tiens à signaler à quel point ça fait du bien de lire un débat apaisé et courtois sur AgoraVox : merci à tous.

Il a été dit plus haut que le lobbyisme était une activité normale en démocratie (à condition qu’elle soit transparente et suive un cadre législatif bien défini).

Le lobbyisme permettrait en effet, entre autres, à certains groupes minoritaires et peu médiatisés de faire valoir leurs intérêts au près de ceux qui votent et proposent les lois.

Je suis en désaccord radical avec tout ceci, et pourtant, je déteste les opinions dépourvues de nuances.

Je suis en désaccord radical avec ces idées, pour plusieurs raisons :

 

1/ Si l’on autorise le lobbying en France (c’est à dire si on révise la constitution), on l’autorisera à tous y compris aux gros. Or je m’excuse, mais je ne suis pas près à débattre du fait que les plus gros lobbyistes seront les plus influents : c’est une évidence. Je ne parle pas des plus gros financièrement. Je parle des plus gros tout court.

Ceci met à mal l’idée selon laquelle le lobbyisme permettrait aux petits groupes de se faire entendre, puisqu’à chaque fois que leurs intérêts seront en conflit avec ceux de grs lobbyistes, ils ne seront pas écoutés. Ceci sera d’autant plus accentué que le lobbyisme sera de vigueur d’ailleurs.

 

2/ Le lobbyisme est un système que je trouve absolument anti démocratique. Pour moi, la démocratie, ce n’est pas une campagne de pub. Or quand on défend ses intérêts auprès de qui que ce soit, on se fait de la pub. C’est vrai tout le temps : celui qui défend ses intérêts n’est pas objectif, la conjugaison des campagnes de pubs de tous les groupes d’intérêts ne donne pas la meilleur formule pour la défense des intérêts de la nation dans son ensemble : cette conjugaison favorise d’abord, ceux qui viennent défendre leurs intérêts, et parmi eux ceux qui sont les plus influents, et donc en général les plus gros. 

 

3/ Finalement, le lobbyisme en démocratie participe d’une conception assez faiblement éthique, et peu ambitieuse. Le lobbyisme, à l’intérieur de la démocratie, démultiplie la démarche du citoyen, quand elle ne la court-circuite pas. C’est à dire que si l’on veut défendre ses intérêts et ceux de ses causes/entreprises/autres préférés, on est plus citoyen seulement, mais on est en plus membre de tel ou tel groupe d’intérêt citoyen. On pose un bulletin dans l’urne un certain nombre de fois au cours de sa vie, on participe à des débats avec ses concitoyens, et avec ses élus, mais ce n’est pas suffisant. Pour aider les élus à prendre des décisions qui tiennent compte de tous les groupes d’intérêts, ou d’un maximum, on va leur expliquer ce qu’il faut faire en essayant de les séduire dans les couloirs. Comment penser une seule seconde que le lobbyisme n’est pas une relation perverse, car mensongère, au même titre que la publicité ?

 

Mais me dirons certains, qu’est-ce qu’on fait, pour que les politiques ouvrent les yeux sur tel ou tel sujet précis ? Si par exemple, je veux sensibiliser les décideurs au problème des conditions de vie dans les prisons françaises, ce serait pas mal que je puisse monter une asso et que je puisse venir les en informer à l’assemblée non ?

Et ben non, ce serait pas bien. Parcequ’il n’y a pas QUE le problème des prisons, et parceque quoi qu’il arrive, et quel que soit le nombre de lobbyistes et de groupes de pressions présents à l’assemblée, les députés traiteront sans répit d’une multitude de sujet tout aussi importants.

Peut-on croire une seconde, que la conjugaison des influences des lobbyies permet le meilleur éclairage possible sur les problèmes et les enjeux pour la nation ? Les élus sont des taupes qui ne voient pas le jour ? qui ne sont pas en contact avec la réalité ?

Je ne le pense pas, et je ne pense pas que leur éclairage puisse être amélioré par des groupes d’intérêts. Les groupes d’intérêts, c’est foncièrement malhonnête, même si ça l’est plus ou moins.

J’ai, et j’espère que d’autres avec moi, une idée autrement plus élevée de la démocratie.

Aujourd’hui, nous bénéficions avec internet d’un outil extraordinaire pour faire circuler l’information. La démocratie doit s’approprier profondément cet outil (par un processus qui sera ou ne sera pas, mais que je me garderais bien de définir ici, même si j’ai quelques idées évidemment de choses à mettre en oeuvre pour aller dans ce sens).

S’approprier profondément cet outil, c’est donc l’appropriation de l’information qui concerne soi-même, mais aussi les autres, ses concitoyens. Et lorsqu’on a une meilleure conscience, une conscience plus élargie de l’autre, de sa situation, des problématiques qui le concernent, on est plus à même, lors du débat démocratique, d’orienter les questions et les réponses de ce débat, dans le sens de l’intérêt de la nation.

C’est ainsi que l’on vote pour un projet élaboré dans des conditions démocratique.

De cette façon, la plus libre et plus intense circulation de l’information améliore le débat démocratique.

Mais cette appropriation ne peut se réaliser correctement si les partis et les gouvernants ne s’y adaptent pas.

Un parti, dans ce contexte, n’a pas de ligne de parti, mais plutôt des valeurs et des idéaux de parti. Le contenu de ce parti (sa démarche politique, ses propositions, ses idées, ses actions), doit être défini de façon dynamique et relative aux problèmes qui sont posés à tel endroit, dans tel domaine, et à tel instant.

Un gouvernement, dans ce contexte, devra libérer tout l’espace décisionel pour lequel il n’est pas qualifié,ou pour lequel il n’est pas le mieux qualifié, à ceux qui sont les mieux qualifiés, ou en déclinant ce pouvoir décisionel sous une forme coopérative, avec ces derniers.

Aux gouvernants, et avant eux, aux partis, doit revenir l’élaboration, à travers un débat démocratique des sympatisants et/ou des membres du parti, des stratégies à mettre en oeuvre pour défendre les intérêts de la nation/de l’europe/de la communauté humaine dans son ensemble.

Finalement, c’est l’articulation pertinente de l’état, des partis et des citoyens qui fait une démocratie véritable et vivace.

La publicité auprès des parlementaires, c’est d’une grossièreté sans bornes, et d’une efficacité négative (ou si rarement positive) pour l’intérêt général, positive pour les défenseurs les plus dterminés de leurs propres inétérêts, de leurs propres causes.


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