Ouaisss ! Je suis une catégorie de chômeurs à moi toute seule : ceux qui ont cherché du taff comme des shadoks et se sont toujours retrouvés en deuxième position dans la sélection. C’est bien deuxième, non ? Surtout quand on est plus de 100 sur la ligne de départ. Sauf que le chômage c’est binaire : tu as la place ou tu ne l’as pas. Et si tu ne l’as pas, dans ton classement, c’est juste parce que tu n’es pas très motivé, hein ?
D’après toi, on ressent quoi quand on se fait jeter d’une boîte après x années de bons et loyaux services, toujours dispo, jamais malade, compétent, ho oui, qu’est-ce que tu étais compétent... ça nous fend le cœur de devoir nous séparer de toi ! Même si tu te dis que tu es juste une victime collatérale de la guerre économique, ça te fait un peu chier de perdre d’entrée de jeu 35% de ton dernier salaire, parce que ça fait un peu punition, non, quand même, alors que tu n’as rien demandé.
Bref, si tu es fort dans ta tête et capable de surmonter cette première bonne grosse baffe dans ta face, tu te met très rapidement à chercher du boulot, parce que tu sais que les chômeurs, c’est pire que les sardines en terme de péremption : plus le temps passe et moins on en veut dans les boîtes.
Tu collectionnes les refus à tes candidatures, quand tu ne collectiones pas le vide, vu que les lettres de refus ne sont même plus à la mode, mais tu ne baisses pas les bras, parce que tu as un moral d’acier et que tu as foi dans tes compétences, que tu sais que seuls les chômeurs-branleurs restent sur le carreau et que comme tu te bats comme un lion, la morale de l’histoire veut que tu gagnes à la fin.
Sauf... rien. Si ce n’est que tu a explosé les statistiques (avec 100 mecs sur un job, au bout de 100 candidatures, tu dois mécaniquement avoir le job, non ?) et que même si cette fois, tu as raté le job d’un poil de cul, t’es toujours au chomdu, que tes potes ne t’appellent plus et que même dans ta famille, on te regarde de travers. Parce que c’est bien connu : quand on cherche, on trouve. Toujours ce soupçon dégueu d’être une victime consentante...
Si tu es un mutant, tu cherches toujours, malgré ta vie qui part en couille, tes factures qui s’accumulent, les contrôles de l’ANPE, les ASSEDICS et la DDTEFP, le soupçon permanent d’être un enculé de profiteur, la peur de ne pas y arriver, alors que tes 23 mois d’ARE sont bien entamés et que bientôt, tu vas basculer dans la grande pauvreté.
Comme je ne suis pas un mutant, que j’ai postulé à tout et même à n’importe quoi, que je n’ai pas vocation à me faire traiter de profiteur en permanence en vivant très largement sous le seuil de pauvreté, je me suis en quelque sorte auto-radiée. Je n’ai pas trouvé de taff, j’ai créé le mien, juste pour qu’on arrête de me harceler. Je suis un putain de traitre à la cause, parce que grâce aux gens comme moi, grâce à tous ces salopards qui n’en pouvaient plus de se faire criminaliser à longueur de temps pour une bouchée de pain, il y en a qui ont pu se vanter de la baisse du chômage !
Voilà l’envers du décor. Voilà la vraie vie quand on a le nez dedans, loin des grandes théories et des putains de statistiques officielles !
Purée, aujourd’hui, je suis vraiment de mauvais poil, on dirait !