bon voilà je vous l’ai retrouvée, Calmos, pas la peine d’en faire un plat..
Ana est une jeune Rom "yougoslave", une de ces "voleuses" que la police passe son temps à arrêter et qui me donnent souvent un sentiment d’impuissance : celui de ne pouvoir juguler cette forme très particulière de délinquance. Avec mes collègues, sur dix-huit mois, nous avons dû la recevoir une vingtaine de fois. On pourrait en conclure qu’elle n’est pas très douée ou qu’elle fait preuve d’un art consommé pour se faire arrêter, mais si l’on rapporte cela au nombre de pavillons qu’elle a pu visiter seule ou avec tel ou tel de ses cousins ou cousines, et elle travaille tous les jours, "les accidents du travail" sont plutôt rares ! J’avoue que je l’aime bien. Elle est sympathique, toujours souriante, à la fois fragile comme une enfant et déjà volontaire et décidée comme une femme. Pour autant elle doit arrêter de voler.
Mon sentiment d’impuissance s’est renforcé dans la mesure où Ana, petite blonde aux yeux espiègles, est non seulement prisonnière de son peuple et de sa culture mais que toute sa vie est d’ores et déjà programmée. Comme celle de nos enfants, direz-vous. Sans doute, à la seule différence que la sienne passe par la rapine et que, très vite, dès l’adolescence, il lui faut voler pour constituer sa dot et espérer trouver un mari. Espérance en partie déçue dans la mesure où la majorité de ces unions sont arrangées et forcées.
La durée de vie d’une petite voleuse est courte et Ana ne sera bientôt plus en âge de passer à travers les filets de la justice française. Accessoirement, elle partira sur d’autres terrains d’action plus favorables, dans des pays où la justice renonce à les poursuivre, mais cette situation ne pourra pas perdurer. C’est pour cette raison qu’il n’est pas rare de croiser dans les couloirs du métro parisien ou les banlieues pavillonnaires des Roms de huit ou neuf ans, la palme revenant à un enfant que la police arrêta en pleine action sur les trottoirs des Champs Élysées, âgé d’à peine six ans !