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Commentaire de Peretz

sur Réforme des institutions : le yoyo de Sisyphe


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Peretz Peretz 11 juillet 2008 09:45

Dans l’indifférence générale notre Président touche-à-tout profite de la période des vacances pour montrer à ses troupes qu’il va s’occuper enfin du problème de notre Constitution. Dans l’indifférence générale parce que pour la majorité de la population, une Constitution, « on ne sait pas trop à quoi ça sert » ou « de toute façon on n’y comprend rien… »

C’est normal, à part la première celle de 1791, elles ont toutes été conçues par des hommes de pouvoir, à commencer par Napoléon qui a rédigé celle de 1795 à son idée. Il a d’ailleurs eut vite fait de supprimer le Tribunat seul résidu du pouvoir populaire qui aurait pu le gêner. Rien n’a été fait depuis pour simplifier le vocabulaire typiquement juridique adopté par leurs rédacteurs, alors que celui de la première Constitution était limpide. Rien n’a été fait non plus pour expliquer ce qui inspirait les initiateurs, les constituants, quels étaient leurs objectifs profonds en rédigeant les articles qui y figurent. Au départ il fallait, comme le préconisait Montesquieu de séparer les trois pouvoirs. Le suffrage qui élisait l’Assemblée nationale était censitaire comme on sait. Il était loin d’aboutir à une représentation fidèle de la population. Ce suffrage devenu plus universel en 1945, est resté censitaire dans les faits puisqu‘il ne représente toujours pas la souveraineté populaire comme le voudrait le principe démocratique : les quelque 30% d’ouvriers et employés qui existent dans la population sont absents de l’Assemblée nationale alors que 50% des députés sont des fonctionnaires.

Alors en quoi une « révision » de la Constitution pourrait améliorer les choses ? En rien, si l’on en croit ce que veut Sarkozy qui consiste essentiellement à rassurer nos chers représentants, nos députés donc, qui se sentent mal depuis longtemps : à gauche comme à droite, ils ont le sentiment, et ils n’ont pas tort, « qu’ils ne servent à rien ». « Des super godillots, voilà à quoi la Constitution de 1958-62 réduit la majorité de l’Assemblée nationale !. Le seul cas où l’Assemblée nationale pourrait faire valoir son droit de regard sur l’action de l’Exécutif, est déterminé par le fameux article 49-3 qui établit la censure ou le manque de confiance dans le gouvernement suivi en général par la dissolution de l’Assemblée nationale prononcée par le Président de la République. Celui-ci renvoie alors les députés à leurs foyers…et à une nouvelle candidature aléatoire. Il espère alors qu’une nouvelle Assemblée nationale sera plus docile. Mais c’est risquer, on l’a vu avec J.Chirac, de favoriser l’opposition, devenue majoritaire à son tour, dans une Assemblée composée de nouveaux godillots au service du nouveau Premier ministre.

Pour encore mieux museler l’Assemblée nationale et donner pratiquement tout pouvoir à l’Exécutif (il ne s’agissait surtout pas de tomber dans l’instabilité gouvernementale de la 4 e République au régime parlementaire honni), la Constitution limite son droit à déposer une loi sur le bureau de l’Assemblée : une fois par mois un député peut déposer une « proposition » de loi. Alors que le gouvernement, lui, dispose d’un droit quasi permanent de déposer un « projet » de loi. Remarques la sémantique : une humble proposition d’un côté, et le poids d’un véritable projet de l’autre !

Le dispositif destiné à renforcer le pouvoir personnel, ne serait pas complet sans les droits du Président de nommer ceux qui lui plaisent aux postes de direction des institutions importantes. A qui la faute ? A cet homme providentiel à qui l’électorat a fait confiance en 1958, qui avait enfin promis un gouvernement fort et stable. On en voit maintenant les effets pervers. On ne se rendait pas compte, à part quelques-uns assez lucides, comme Mendès-France, qu’on continuerait jusqu’à nos jours à donner un blanc-seing aussi large à l’Exécutif. Ce qui revient à dire que la légalité accordée par le système électoral majoritaire l’emporte désormais sur la légitimité pourtant supérieure du peuple souverain. Même s’agissant d’un référendum (traité de Lisbonne) on arrive par une règle constitutionnelle aberrante, grâce au Congrès, à en contourner le sens.

Par ailleurs toute notre société est maintenant régie par un système qui accepte les dogmes économiques libéraux sous le prétexte du principe de réalité qui dit que l’entreprise est source de travail et qu’il faut lui laisser le champ libre… (et l’homme dans tout ça ?). La Constitution, quelle qu’elle soit et les lois qu’on en tire, les organismes qui y sont institués, notamment pour régler les trois pouvoirs, est la base de la démocratie, donc de la vie quotidienne. Or rien n’existe pour réguler le pouvoir économique. Il faudrait donc l’adapter aux nouvelles circonstances économiques, dans une société où les grandes entreprises et autres groupes de pression utilisent le chantage à l’emploi, dès qu’on ose remettre en question leur liberté d’action (délocalisation, plans sociaux, prétendue concurrence des services publics…).

Sarkozy qui n’est plus à un effet d’annonce près ne va présenter qu’un toilettage de pacotille, aux députés un peu honteux de n’être que de simples figurants, obligés, (sinon adieu les prébendes), d’avaler les couleuvres qu’on leur présente. Il pense calmer un peu les quelques députés qui, même parmi ses troupes, auraient encore quelques scrupules.

Notons que la plupart des propositions de la commission Balladur, un peu trop démocratiques, sont oubliées. Le mandat unique ? Bof ! De toute façon, dans la répartition déséquilibrée des pouvoirs entre Exécutif et Législatif en faveur du premier, ça ne servirait pas à grand’chose, si ce n’est à satisfaire l’électorat, dépité de voir en permanence ses représentants disparaître du paysage parlementaire. Comme il ne s’agit pas d’une disposition constitutionnelle mais d’une simple loi électorale, on pourra toujours en parler plus tard.

Pour compléter ce tableau déprimant, Sarkozy s’apprête à donner un os à ronger à la gauche en projetant d’instituer le référendum d’origine citoyenne. Espérant avoir en compensation un supplément de pouvoir personnel. Enfin plus de démocratie, me diras-tu : augmenter le pouvoir du Président est légitime puisqu’il est élu directement au suffrage universel, et instituer le référendum sur pétition populaire, rien de plus démocratique. C’est oublier que la démocratie, par définition, dénie tout pouvoir personnel à un homme comme à une oligarchie. Quant au référendum attends de voir sous quelles conditions tu pourras faire entendre ta voix. Si les conditions d’application sont du même ordre que celles de l’article 72-1 de notre Constitution actuelle qui donne bien un droit de pétition aux habitants des communes de plus de 36.000 habitants, il sera inutilisable en pratique, car le référendum reste soumis à l’approbation des assemblées délibératives : tu seras encore grugé. Pareillement pour ce droit de nominations des directeurs d’organismes nationaux soi-disant contrôlables par le Congrès, dans des conditions telles que le droit de veto à une nomination n’a aucune chance d’aboutir.

Des projets de changement constitutionnels importants ont été proposés par A.Montebourg, par C.Lepage, par F.Bayrou. Ils voulaient redonner des couleurs à l’Assemblée nationale, notamment en établissant une modification de l’ordre du jour des propositions de lois, et en modifiant la loi électorale pour donner la parole davantage à l’opposition par une « dose » de proportionnelle. Mais Sarkozy n’en veut pas : il craint que cette disposition ne modifie trop le rapport de force entre lui, le « chef » de l’Exécutif et des députés récalcitrants.

Rapport de forces. Tout est là. Quel pouvoir donner au peuple dit souverain dans une véritable démocratie ?Si ce dernier parvient exceptionnellement à exercer ce pouvoir lors des référendums, on s’arrange pour le lui enlever comme on le voit pour le traité de Lisbonne.

Toi pauvre citoyen(ne) toujours considéré(e) comme mineur(e), tu crois pouvoir t’immiscer dans des affaires qui en fait ont toujours été l’apanage des oligarques, tes tuteurs, que de bonne foi tu as élus au suffrage dit universel. Jusqu’à ces derniers temps, tes ascendants plus ou moins lointains, peu éduqués dans l’ensemble, l’admettaient. Mais depuis quelque temps tu sembles être devenu adulte. Tu n’es peut-être pas aussi naïf(ve) que le pensent tes tuteurs puisque tu sais, que toute Constitution en définitive, régit ta vie de tous les jours en répartissant plus ou moins avec justice-justesse des pouvoirs économico-politiques dans une société plus ou moins démocratique, plus ou moins égalitaire, plus ou moins libertaire. Tu dois absolument t’intéresser à ta Constitution.


Pour un cercle de constituants dans ma région des Alpes-de-Haute-Provence, contacts sur mon blog « www.citoyenreferent.fr ». ou par mail : [email protected]

Utopique une Constitution citoyenne ? Peut-être, mais étant donné notre monde tel qu’il va, il faut être prêt, en cas de besoin.
Amicalement , Louis Peretz



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