Un rite de passage est une frontière séparant le monde entre deux entités inconciliables, ceux qui l’ont passée et ceux qui sont restés en dessous. Ceux qui ont réussi ont travaillé dur pour y parvenir, ils revendiquent donc légitimement la reconnaissance de cet acquis symbolique ; ils y accordent donc une grande importance. Pour ceux qui n’ont pas passé, il n’existe que deux solutions : reconnaître la valeur du passage, et donc se déprécier eux-mêmes comme inférieurs à ceux qui y sont parvenus, ou la rejeter.
Cependant, dans la réalité, quels que soient les critères choisis, l’humanité ne peut jamais être divisée naturellement en deux ensembles totalement disjoints, car les états des individus se situent toujours dans des espaces continus ; la frontière symbolisée par le rite de passage n’est donc pas la reconnaissance d’une faille naturelle mais au contraire une barrière placée arbitrairement dans un milieu qui ne change que par variations infimes.
Ainsi, avant d’y avoir des bacheliers et des recalés, il y a des élèves qui ont 10 et d’autres qui ont 9 ; on ne peut pas pourtant affirmer que leur niveau soit radicalement différent. De même, le développement d’un enfant ne permet pas de dire sérieusement que l’on devient adulte d’un seul coup.
Il est de plus important de comprendre que la division du monde en deux catégories disjointes crée une inégalité fondamentale de condition, avec des inférieurs et des supérieurs, et donc du conflit.
Marquer des rites de passage à l’âge adulte aura donc inévitablement pour effet de créer des conflits entre enfants et adultes, avec notamment rejet de soi ou des adultes par les enfants, autrement appelé « crise d’adolescence » par ceux qui pensent qu’il s’agit d’un phénomène naturel…
On peut donc dire que les rites de passage sont artificiels, et importent essentiellement pour ceux qui les font et ceux qui les ont passés ; pour tous les autres, et pour la société en général, ils ne sont que sources de problèmes.