Sur les points dont je traite, il n’y a pas seulement un statu quo mais bien une aggravation et des dangers :
1- Il n’y a actuellement aucune différence entre exécutif et majorité parlementaire. Sans la réforme, seul l’exécutif a le quasi monopole (pas tout à fait). Avec la réforme, ce sont l’exécutif et la majorité qui lui est soumise (d’autant plus avec une présidentialisation qui est en quelque sorte consacrée) qui l’ont.
Les possibilités offertes à l’opposition seront minimes, comme aujourd’hui, mais cette réforme constitue une imposture qui permettra à la majorité de ne plus avancer sur les droits de l’opposition au Parlement. Et c’est cela qui est dangereux.
2- Les nominations du pouvoir seront plus directes et plus nombreuses (exemple de France Télévisions et Radio France), sans même un avis consultatif.
De plus, dans les faits, ce « veto » parlementaire est impossible. Il y a donc un vrai recul et c’est une inquiétude de plus concernant la séparation des pouvoirs.
3- Cette mesure est l’illustration explicite de la présidentialisation du régime français, alors même que le chef de l’État actuel reste plutôt un chef de parti et ne se montre absolument pas rassembleur.
Son discours devant le Parlement constitue donc une dérive en ce qu’elle devient une instrumentalisation à vue de communication du Parlement. Un Parlement non renforcé ne peut par recevoir de manière anodine la visite du président de la République qui n’en attend rien de plus que des applaudissements nourris. Il n’y a rien de bon ici. C’est au contraire une dépréciation grave de plus du rôle du Parlement.
4- La situation d’aujourd’hui n’est pas glorieuse. Mais la réforme constitue en revanche un vrai basculement vers une justice dirigée par le pouvoir avec la mise en minorité des magistrats (ce qui n’est malgré tout pas le cas actuellement). On retrouve ici la peur constante de la droite envers le « pouvoir des juges ». C’est une mesure extrêmement grave pour la démocratie.
5- Le Conseil constitutionnel a rarement été aussi à droite. Concernant l’exception d’inconstitutionnalité, oui c’est un progrès, mais rappelons que c’est une banalité pour nos voisins qui disposent depuis longtemps de cette possibilité. De plus, le danger me paraît ailleurs : s’il n’est pas condamnable en soi que le Conseil constitutionnel devienne une « Cour suprême », ce qui l’est plus, c’est qu’alors, la désignation de ses membres ne change pas et reste aux mains de la majorité. Il y a alors danger car le contrôle de la justice par le pouvoir est encore accentué.
6- Cela n’empire pas (ça a failli), mais là encore, le fait que cette réforme n’intègre pas de réforme de scrutin peut nous assurer une remise au calanques grecques de celle-ci. Et cela est d’autant plus grave que la large majorité des collectivités territoriales (que le Sénat représente) est actuellement à gauche : c’est donc un déni démocratique qui est constitutionnalisé.