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Commentaire de Asp Explorer

sur Elections européennes, J-365, et l'esperanto ?


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Asp Explorer Asp Explorer 22 juillet 2008 22:31

Tout d’abord, une mise au point sur la question du nombre. Combien de personnes dans le monde parlent espéranto ? Sujet qui fâche. En recoupant quelques sources, on trouve :

  • "de 10 à 15 millions", lit-on parfois, chiffre farfelu qui recouvre peut-être le nombre total de personnes ayant étudié, à des degrés divers, cette langue depuis sa création... il y a 121 ans (la plupart, donc, sont morts).
  • "2 millions", le chiffre le plus communément avancé (sans éléments de preuve) par les espérantistes, correspond vraisemblablement au nombre de personnes vivantes ayant pris des cours, qu’ils aient persévéré ou non dans l’étude.
  • "200 000" est une estimation que la plupart des observateurs neutres considèrent comme réaliste du nombre réel d’espérantistes opérationnesl, c’est à dire les gens dans le monde qui sont capables de s’entendre en espéranto. Avec plus ou moins de difficultés.
  • "de l’ordre de 20 000", c’est le nombre de militants espérantistes actifs (les fameux "espérantistes chez qui on va loger à l’autre bout du monde").

L’histoire de l’espéranto peut se résumer ainsi : un jour, un brave homme riche de bonne volonté plus que de compétence linguistique, se piqua de l’idée que tous les malheurs du monde venait du fait qu’il existait plusieurs langues. Il décida donc d’en créer une autre. Il n’était pas le premier à se lancer dans ce genre d’aventure, mais il eut, il faut bien le dire, un certain succès, et réussit à convertir un nombre assez important de beaux esprits au début du XXe siècle. Il est vrai qu’à l’époque, il existait en Europe nombre de rentiers humanistes qui regorgeaient d’idées généreuses et totalement dénuées de vraisemblance pratique. Donc, le nombre d’espérantistes crût, probablement jusque dans les années 20, puis déclina lentement, à mesure qu’apparaissent de vrais et graves problèmes : la crise économique, la montée des totalitarismes... et les dissentions internes au sein du mouvement espérantiste. L’espéranto est, depuis, moribond. Les congrès d’espéranto, qui dépassaient couremment les 5000 participants dans les années 20 (où on se déplaçait, je vous le rappelle, en train et en bâteau), aujourd’hui font péniblement 2000 personnes. Quelques militants de par le monde tentent de maintenir la flamme de ce qui reste le plus grand succès, ou le moins pathétique échec de l’histoire des langues artificielles, mais leur hargne masque difficilement  l’aspect clairsemé de leurs rangs et - j’ose l’écrire - la médiocrité intellectuelle de leurs chefs.

Les espérantistes font souvent valoir que leur langue est parfaite. Mais déjà du temps de Zamenhof (le créateur de l’espéranto, qui exerçait l’ophtalmologie en Pologne occupée par les Russes), on avait relevé les multiples lacunes de cette langue, lesquelles sont difficilement excusables au vu de l’ambitiion affichée par ses promoteurs : vocabulaire et grammaire européocentriques, faisant fi des traditions linguistiques du reste du monde (il est vrai qu’on était à l’époque coloniale), diacritiques absurdes rendant complexe l’impression, et aujourd’hui le traitement de texte, absurdités diverses et variées relevées sur le site ci-dessous par un plus instruit que moi :

www.xibalba.demon.co.uk/jbr/ranto/

Toutes les tentatives de réforme - y compris celles souhaitées par Zamehof - ont buté sur le même noyau de gardiens du culte, qui s’opposait et s’oppose toujours au moindre changement de "la langue qui fait aimer les langues". Aujourd’hui, qui défend l’espéranto ? Outre les habituels agités du ciboulot toujours prompts à défendre jusqu’à la mort et sans réflechir n’importe quelle cause qui les aura un jour séduits, on trouve une poignée d’intellectuels assez obscurs, au premier rang desquels Claude Hagège, le récemment disparu Claude Piron, et le Suisse François Grin. S’y rajoutent bien malgré eux quelques personnalités plus éminentes, qui ont un jour ou l’autre témoigné quelque sympathie pour la cause espérantiste et se retrouvent cités à tous bouts de champ dans les rangs des compagnons de route (l’exemple emblématique est le sémiologue Italien Umbert Eco). Quels linguistes ont défendu l’espéranto - car après tout, c’est de leur ressort ? Aucun. Ah si, Tolkien, celui du "Seigneur des Anneaux". Enfin, il l’a défendu dans sa jeunesse, mais les espérantistes citent rarement les durs propos qu’il a eu, quelques années plus tard, sur ses égarements de jeunesse. Des politiques ? En grands nombres, on en trouve pour envoyer des témoignages de sympathie, mais aucun pour jamais rien faire. Et pour cause : faire quoi ?

Oui, faire quoi ? Quel est le but des espérantistes quand ils viennent poster sur Agoravox ? Deux articles aujourd’hui, c’est tout de même pas mal. A quoi ça sert ? Apparemment, à promouvoir l’espéranto comme langue de l’Europe. Ou, pour dire les choses telles qu’elles sont, pour remplacer, en guise de langue commune, l’anglais par l’espéranto. La chose est dans la pratique impossible.  Il suffit de considérer le nombre de personnes qu’il faudrait former à l’espéranto - qui se chiffre en millions, rien qu’en comptant les politiques et fonctionnaires européens, les cadres dirigeants des grandes entreprises, les fonctionnaires nationaux en contact avec l’Europe. Et en face, combien de professeurs d’espéranto ? Si on considère qu’il y a de par le monde vingt-mille personnes sachant l’espéranto assez bien pour l’enseigner correctement, et qu’une personne sur dix est assez passionnée pour en faire un métier à temps plein, on voit tout de suite qu’à moins d’entasser cent fonctionnaires par classe, on y est encore dans un siècle ! Et ils le savent sans doute. Alors c’est quoi, le but des espérantistes ? Probablement, comme tant d’autres lobbies qui viennent taper à la porte de la Commission Européenne, viennent-ils humblement quêter quelque subvention.

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