Comme le montre l’exemple de la Commission Santer, cette motion de censure n’est pas purement formelle, le Président de la Commission ayant démissionné pour éviter l’humiliation d’une censure qui s’annonçait comme imminente. A titre de comparaison, l’Assemblée Nationale française n’a censuré qu’un seul gouvernement depuis la création de la 5e République (celui de Pompidou, en 62). En France, la majorité simple suffit pour voter la censure, mais ce pouvoir est contrebalancé par le droit de dissolution dont dispose le Président (et que De Gaulle utilisa pour remettre Pompidou en selle). Il n’existe aucun équivalent de ce droit de dissolution dans les instances européennes.
D’un point de vue légal, c’est donc un mauvais procès que l’on fait aux institutions européennes. Le pouvoir d’un Commissaire Européen est aussi légitime que celui d’un ministre de la République, et est contrôlé de manière semblable. En revanche, il existe à Bruxelles et Strasbourg une culture du compromis et de l’anticipation des conflits beaucoup plus développée que dans les institutions nationales. Ce principe est inscrit dans les traités ("coopération loyale des institutions") et il est à mon avis nécessaire pour assurer un minimum de cohésion dans l’Union. Cela donne l’impression en grande partie fausse d’une politique consensuelle qui émanerait d’une ligne politique fixée à l’avance. Alors que quand on y regarde de près, la politique européenne est un foutoir digne de ce qu’on connaît dans nos bons vieux cénacles politiques nationaux.
En revanche il vrai que ce genre de mécanisme rend obligatoire un travail très important en amont et un recours massif à l’expertise, et sa dérive corréllée : une forte sensibilité à l’action des lobbys divers. C’est fâcheux mais pas irrimédiable, on sait très bien que des mesures assez simples de contrôle de ces derniers et d’imposition de la transparence pourraient être prises, mais la volonté politique manque. Or celle-ci dépend de nos représentants nationaux.