Professeur de médecine, je suis sensible à la communication internationale. Une nomenclature internationale, c’est déjà très bien, cela ne suffit pas. Elle est d’ailleurs déjà ambiguë. Elle est même "francisée", sans que cela lui apporte quelque soutien logique. Pourquoi garde t’on en anatomie le masculin latin humerus, mais sacrifie t’on cubitus au féminin ulna ? L’espéranto met tout le monde d’accord : humero, ulno, radioso, patelo…sans distinction stupide de genre. Mais les mots ne sont rien sans leur environnement sémantique et syntaxique. C’est là que se crée la confusion.
Après 6 mois d’espéranto, j’ai pu traduire sans trop d’erreurs mon ouvrage "La Fume", devenu "La fumado" (le suffixe –ado signifiant le caractère habituel de l’action). Ce faisant, j’ai pu mesurer les contraintes de précision exigées par cette langue. Ainsi, la signification d’un idiome ne peut être retirée de l’assemblage des mots. L’anglais "Once in a blue moon" n’a aucun sens, la traduction littérale est souvent inepte. Les idiomes équivalents dans d’autres langues sont souvent très éloignés. Pour exprimer notre "Faire d’une pierre deux coups", les anglais disent "Tuer deux oiseaux avec une seule pierre", les Russes "deux lièvres d’un coup de fusil", les Italiens "attraper deux pigeons avec une seule fève". Ce sont de belles images des langues courantes. L’espéranto vous contraint à expliquer le sens profond : "Obtenir deux effets par une seule action".
L’article de Masson est clair, documenté, érudit. Je n’arrive pas à saisir les mobiles du tel déchaînement haineux qu’il soulève dans certains de ces commentaires, cachés comme honteusement sous des pseudonymes. Quel mal peut faire l’espéranto ? Sinon gêner les intérêts économiques de quelques multinationales anglosaxonnes, tout comme les propos de Galilée sapaient la base des pouvoirs de son temps. Mais l’intelligence et la raison sont du côté de l’espéranto. Il est simple, condition essentielle pour sa diffusion. Sa rigueur ne permet pas la moindre déviance dans l’analyse grammaticale d’un texte, ce que j’estime extrêmement formateur pour l’esprit et justifierait à soi seul son introduction dans l’enseignement élémentaire. Il ne peut que s’imposer un jour, malgré les résistances qui font que certains nient encore la théorie de l’évolution.
Je rêve de faire des cours aux étudiants en espéranto, qui pourraient se former ainsi dans le monde entier dans des programmes de type Erasmus, sans perdre un temps fou à acquérir un mauvais outil de communication pour arriver à se comprendre simplement. C’était jadis le latin, mais la complexité de cette langue la réservait aux clercs. Après 6 ans de latin intensif au lycée, quelle peine me donnait alors un thème d’une page, finalement bourré de barbarismes !