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Commentaire de Voltaire

sur Bayrou, gourou d'une secte ?


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Voltaire Voltaire 29 juillet 2008 14:49

L’article est un peu dense et s’égare parfois sur des chemins parallèles, mais il apporte un éclairage intéressant sur les turpitudes que rencontre nécessairement un nouveau parti.


L’excellent titre, "Bayrou, gourou d’une secte ?" prête bien sûr à sourire.


Bayrou gourou ? Il suffirait bien sûr de se reporter à la définition du terme pour réfuter l’affirmation, mais cela amène quelques commentaires. L’immense atout du MoDem est d’avoir un leader incontesté. Quand on constate les affres par lesquels passent le PS ou les verts, on mesure combien cette condition est nécessaire pour exister politiquement. Incontesté, François Bayrou l’est en raison de plusieurs facteurs : son score à l’élection présidentielle bien sûr, mais aussi sa constance dans son positionnement politique, et la force de sa vision politique. Pour faire simple, il n’existe pas d’autre responsable politique au centre (et peu dans toute la classe politique) ayant acquis sa dimension. Mais bien sûr, la question "Bayrou gourou" n’est pas liée à son leadership politique, mais à son poids décisionnel au sein de son parti, que contestent quelques petites catégories minoritaires de militant en désaccord avec sa ligne politique. J’y reviendrai.

Le MoDem une secte ? Par tradition, les mouvements centristes attirent des militants plutôt intellectuels, qui adhèrent pour des idées plus que pour un leader, et donc souvent exigeants et peu disciplinés. Pas vraiment le profil d’une secte... Dans une secte d’autre part, tout est fait pour empêcher les adhérents de quitter le cocon de la secte et pour détourner leurs ressources au profit d’une élite. Force est de constater qu’étant donné le nombre réduit de "cadres" du MoDem par rapport à ses militants, on est bien là à l’opposé d’un système sectaire. En réalité, le MoDem est le premier parti centriste "populaire" depuis fort longtemps, tandis que l’ancienne UDF était devenue un parti de notables largement destiné à préserver les mandats de ses élus. En cela, le MoDem rompt donc bien avec une tradition non pas sectaire mais clientéliste.


Mais au delà des mots employés de façon erronés, la question qui est posée par les opposants et détracteurs n’est pas celle de "gourou" ou de "secte", mais bien tout simplement celle de la possibilité de contestation d’une ligne politique et d’un fonctionnement par quelques minorités disparates, sur lesquelles je reviendrai.


Bayrou incontesté, Bayrou incontestable ? Si la légitimité du président du MoDem est vérifiée à tous les scrutins internes de son parti, il n’en demeure pas moins que le président d’un "Mouvement Démocrate" peut difficilement échapper à l’obligation d’une certaine exemplarité en matière de fonctionnement interne. Bref, François Bayrou, et sa ligne politique, peuvent-ils être "contestés" ? La création de ce nouveau parti a été l’occasion d’un débat de fond sur ses structures, abondamment commenté sur le net. A observer les structures qui sont sorties de ces débats internes, on constate que ce parti semble avoir réussi à trouver un équilibre entre fonctionnement démocratique et pragmatisme exécutif. Les structures représentatives sont nombreuses et dotées de pouvoirs réels. Elles sont complétées par des exécutifs qui tirent leur nomination d’une certaine légitimité, mais disposent ensuite de marges de manœuvres suffisantes pour agir. Il est bien sûr trop tôt pour évaluer le résultat pratique qu’auront ces structures en terme fonctionnel, mais il y a peu à redire au niveau théorique.

 

L’un des aspects qui avait été longtemps reproché à l’ancienne UDF, notamment par Jean Arthuis, à savoir son manque d’organisation fonctionnelle au plus haut niveau, a été réglé par la formation d’un comité exécutif et la nomination d’un directeur de cabinet en charge des problèmes du parti. Et les militants disposent d’un poids conséquent grâce aux pouvoirs d’un conseil national ouvert à de nombreux militants de base. Il semble donc que le MoDem ait réussi une synthèse entre le système représentatif mais contestataire présent au PS ou chez les Verts, et le système hiérarchisé présent à l’UMP. Le format retenu permet donc à des oppositions internes de se manifester.

Un autre aspect qui a souvent été contesté au sein de l’UDF, comme d’ailleurs au sein de nombreux partis, et le système de nomination des candidats aux postes électifs ; et bien sûr on a aussi contesté le rôle de François Bayrou dans ces nominations. Certes, cela peut faire sourire quand on constate le fonctionnement qui demeure utilisé à l’UMP, mais les militants du MoDem ne sont pas ceux de l’UMP… Il ne fait guère de doute que les élections municipales de 2008 ont été l’occasion d’un joyeux bazar pour le MoDem, mais les nouvelles procédures de nomination semblent plus rigoureuses. Les prochaines élections de 2009-2010 seront l’occasion de valider ce nouveau système. Pour autant, il ne faut pas oublier que, contrairement à Nicolas Sarkozy qui a conservé un pouvoir absolu de fait à l’UMP ans en avoir le mandat, François Bayrou tire sa légitimité du vote de ses adhérents. Jusqu’ici, il ne s’est guère trouvé de candidats pour lui contester son leadership…

 

Alors, qui conteste ? Plusieurs groupes, minoritaires mais plus ou moins influents.

 

- le premier rassemble des anciens élus UDF, soucieux de conserver des mandats électifs. Ils sont bien sûr les plus médiatiques, puisque soutenus par les opposants externes de François Bayrou, comme l’auteur de cet article le souligne. Ces (encore) adhérents sont donc opposés à la ligne d’indépendance politique du MoDem et accusent François Bayrou d’autoritarisme, et de ne se préoccuper que de son élection présidentielle. Ce dernier argument n’est sans doute pas complètement inexact, mais la raison politique en est simple : étant donné le système politique français, la seule chance du MoDem d’émerger est de remporter l’élection présidentielle… Le problème est que cette politique est dangereuse pour nombre d’anciens élus UDF de droite. Les arguments qu’ils apportent ont donc une part de vérité (même s’ils sont largement exagérés), mais se heurtent à une volonté très majoritaire des adhérents et des électeurs du MoDem. C’est la raison pour laquelle ce petit groupe n’a jamais proposé de motion contre celles de François Bayrou (Gilles de Robien en 2006, Thierry Cornillet en 2008 par exemple). A terme, cette opposition est vouée à disparaître : faute d’accepter la ligne politique indépendantiste du MoDem, ils ne verront sans doute pas leurs investitures renouvelées, et suivront leurs aînés au nouveau centre ou à l’UMP.

 

- le second groupe rassemble un certain nombre de militants MoDem ayant aspirés à faire une carrière politique dans ce mouvement, et dont les espérances ont été déçues, pour des raisons diverses. Par manque de patience, par manque de chance, par manque d’influence, ces personnes se sont donc senties injustement mises à l’écart. Leurs revendications sont ainsi devenues plus agressives, ce qui a eu pour effet de les couper encore un peu plus de la base. Seul problème pour eux, ils n’ont rien à négocier avec les autres partis en échange de leur ralliement. Ils demeurent donc au MoDem mais sont aussi condamnés à s’éteindre, car les adhérents d’un parti politique détestent par principe les diviseurs, qui propagent une image négative du parti qu’ils soutiennent.

 

- le dernier groupe est le plus légitime : il s’agit de militants déçus par le système, mais qui ont d’abord une ambition pour le parti et ses idées plutôt que pour eux-mêmes, et conservent un attachement pour la vision politique de François Bayrou. Le MoDem ayant accueilli de nombreux néophytes en politique, il n’est pas étonnant que son fonctionnement assez chaotique en ait découragé plus d’un. Il est probable qu’un certain nombre d’entre eux se détourneront une fois de plus de la politique, mais les plus persévérants devraient être intéressés par la mise en place de commissions thématiques au sein du MoDem, élément essentiel pour réaliser un travail de fond et rassembler les compétences d’un parti. C’est d’ailleurs ce travail de fond qui avait conduit Nicolas Sarkozy à un projet présidentiel porteur en 2007.

 

Quel futur ? En termes d’adhérents, PS et UMP ont perdu un gros tiers de leurs adhérents depuis l’élection présidentielle. Il serait étonnant qu’il n’en aille pas de même au MoDem : 2007 avait mobilisé de façon considérable l’électorat, et de nombreux militants se démotivent hors période électorale. Pour autant, le MoDem demeurera le troisième parti politique français, avec une implantation populaire beaucoup plus profonde que du temps de l’UDF. Les déceptions de l’électorat vis-à-vis du président de la république et les déboires internes au PS doivent permettre au MoDem et à François Bayrou de jouer un rôle actif dans le paysage politique français ces prochaines années. Si ce parti franchit avec succès ses maladies infantiles, il sera en position d’outsider lors des prochaines échéances de mi-mandat (2009-2010), avec des scrutins proportionnels plus favorables, et donc de nouveau capable de faire vaciller le système en 2012.


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