L’Ossétie géorgienne ? Pas vraiment ! Un petit bout d’histoire s’impose.
En 1918, suite à la révolution russe, la Géorgie proclame son indépendance. L’Ossétie, ne souhaitant pas être annexée par la Géorgie, marque sa volonté de rester rattachée à la Russie comme elle l’était depuis 1774. Ce refus d’annexion provoquera une répression sanglante, des milliers d’Ossètes furent tués ou trouvèrent refuge en Ossétie du Nord (l’Ossétie n’est donc pas géorgienne à ce moment) Pour mettre un terme à la guerre, l’Armée rouge entre alors sur le territoire. En 1921 la République démocratique de Géorgie passe sous giron de l’URSS et intègre la République socialiste soviétique fédérale de Transcaucasie (RSFS) qui comprenait également l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Ne voulant toutefois pas d’une unification ossète, les soviétiques laissent l’Ossetie du Sud dans la RSFS mais leur accordent le statut d’entité autonome alors que l’Ossétie du Nord reste intégrée à la mère patrie soviétique. En 1936, la RSFS est dissoute, la Géorgie devient la République socialiste soviétique de Géorgie, laquelle comprend également la région autonome d’Ossétie du Sud (l’Ossétie n’est toujours pas géorgienne à ce moment puisqu’elle a un statut privilégié accordé par Moscou) En 1990 alors que l’URSS commence à s’effondrer, les Ossètes du Sud déclarent leur indépendance suite à deux référendums populaires mais les nationalistes géorgiens commettent à nouveau de nombreuses exactions pour mater ce vent d’indépendance. Le 9 avril 1991, c’est la Géorgie qui déclare son indépendance, elle supprime l’autonomie de l’Ossétie du Sud et l’annexe unilatéralement (l’Ossétie devient géorgienne contre son gré) Les exactions géorgiennes vont alors reprendre et, craignant les terribles répression de 1918, les Ossètes fuient en Ossétie du Nord restée république autonome russe. Las des éternelles exactions géorgiennes dont ils sont victimes, les indépendantistes ossètes proclament l’indépendance de l’Ossétie du Sud une nouvelle fois en 1994 et la guerre recommence de plus belle. Néanmoins cette fois, le nouvel état géorgien trop faible n’arrive pas à mater les indépendantistes et les belligérants se quittent sur le statut-quo. Malgré tout, aucun état ne reconnait l’Ossétie du Sud, même pas les Russes. Toutefois, ceux-ci vont entretenir des relations privilégiées avec cette région étant donné d’une part qu’ils partagent une même affinité spirituelle depuis 1774, et d’autre part à cause des nombreux réfugiés d’Ossétie du Sud s’étant installés en Ossétie du Nord. L’ONU et la CEI mettent alors en place une force de paix représentées par des russes et des géorgiens. L’Ossétie n’a donc jamais fait partie de la Géorgie en tant que telle. Il n’est donc pas réellement question d"ingérence russe dans les affaires géorgiennes mais d’une aide envers une région autonome n’ayant jamais reconnu son annexion par la force.
L’escalade de la tension
En 2002, Russie et USA signent le traité SORT (Strategic offensive reduction treaty) dans lequel les USA s’engagent à ne pas amener l’OTAN aux frontières de la Russie car ces derniers y voient une atteinte à leur sécurité nationale. La révolution des roses en 2003 qui verra le renversement de président géorgien Chevardnadze, lequel se rapprochait de plus en plus de Moscou, au profit du nationaliste pro-américain Saakachvili jettera un premier pavé dans la mare. Pro-américain c’est en fait un euphémisme car les USA ont financé toute sa carrière. Alors qu’il travaillait au Conseil d’Etat de Géorgie, il avait obtenu une bourse du Département d’État des États-Unis pour y faire des études et avait noué de nombreux contacts politiques. Sa campagne électorale fut notamment financée par une flopée d’ONG américaines telles que la National Endowment for Democracy ou l’Open Society Institute qui sont chargées de proner la démocratie et la liberté, mais "toujours dans l’intéret des USA" (cf leur site interet). Ces ONG, financées par le Département d’Etat américain sont donc chargées d’appuyer pacifiquement des changements de régimes dont les dirigeants ne sont pas suffisamment pro-américains comme ce fut également le cas lors de la révolution orange en Ukraine. La Géorgie est un pion américain dans cette région du monde que l’ancien conseiller présidentiel Zbigniew Brzezinski appelle "le grand échiquier". Les enjeux énergétiques de la région sont énormes. Qui plus est en 2004, malgré les accords SORT, l’OTAN accueille plusieurs pays de l’ex-union soviétique - dont les pays baltes - ce qui provoque la colère de Moscou d’autant que des pourparlers d’adhésion sont entamés avec la Géorgie et l’Ukraine pour lesquels Washington fait le forcing. Dans l’optique d’une future adhésion, s’en suit un programme de réarmement de la Géorgie. Le budget militaire est décuplé pour atteindre 6% du PIB, ils reçoivent un gros financement notamment par les USA et leur armées est formées par des instructeurs militaires américains et israéliens. En contrepartie, les Géorgiens envoient 2000 soldats en Irak, soit le 3e contingent étranger sur place, et annoncent qu’ils sont prêts à installer sur leur territoire des éléments du bouclier antimissile américain. La colère gronde au Kremlin qui met formellement en garde la Géorgie contre une intégration et prévient "Dès que la Géorgie recevra une sorte de feu vert de Washington à sa future intégration à l’Otan, le processus de sécession réelle sera lancé dans l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud". Ces deux régions sont en effet à la frontière de la Russie. En juillet 2008, la Géorgie prend part à des manoeuvres de l’OTAN en mer Noire (opération sea breeze) et Condoleezza Rice se rend à Tbilissi.
Déclenchement de la guerre
Alors que les tensions entre l’Ossétie et la Géorgie augmentaient constamment depuis juillet, le 7 aout les dirigeants Ossètes font par de leur inquiétude et annoncent que des unités militaires géorgiennes se dirigent vers la "frontière". Le président géorgien Saakachvili nie l’information. Pourtant, le 8 aout, jour de la cérémonie d’ouverture des JO soit en pleine "trêve olympique", les troupes géorgiennes rentrent en Ossétie, commencent à pilonner la capitale ossète à l’arme lourde et tuent plusieurs soldats de la paix russes en poste dans la région. Il n’en faut pas plus pour déclencher les foudres de Moscou qui envoie ses troupes dans la bataille. Le 9 aout, Saakachvili déclare l’état de guerre et l’aide de la Communauté Internationale mais au même moment, l’Abkhazie, une autre région sécessionniste, rentre elle aussi dans le conflit. Incapable de faire face à l’armée russe en Ossétie, pris en tenaille par l’Abkhazie et sans soutien militaire extérieur le président géorgien demande alors un cessez-le-feu. La réelle question qui se pose est de savoir quelle mouche a piqué le président géorgien pour qu’il s’attaque à l’Ossétie en sachant que la Russie ne resterait pas stoïque, la riposte russe était courue d’avance. Par contre, je crois qu’il s’attendait à un soutien beaucoup plus fort de l’Europe et des USA. On notera au passage que les allocations du président géorgien se font sur un fond où figure ostentatoirement le drapeau européen alors que le pays ne fait pas parti de l’Europe. De quel droit utilise-t-il ainsi l’image de l’Europe ? Aucun journaliste n’a relevé cette curiosité.
Les intérêts des belligérants
On l’aura donc compris, l’intérêt des Russes dans ce conflit c’est l’indépendance de l’Ossétie et de l’Abkhazie afin de s’offrir une zone tampon entre eux et la Géorgie qui intègrera bientôt l’OTAN. Ou alors de maintenir l’instabilité de la Géorgie pour bloquer son adhésion. L’appui américano-européen à la Géorgie et leur volonté de les accepter dans les rangs de l’OTAN a deux raisons : installer l’OTAN aux frontières directes de la Russie pour les intimider d’une part, contrôler l’oléoduc reliant la mer Caspienne à la mer Noire construit en 2006 et qui traverse la Géorgie sans passer par la Russie ou l’Arménie pro-russe. d’autre part. N’oublions pas que la guerre du pétrole est une réalité, on l’a vu avec l’invasion de l’Irak. L’intérêt pour les Géorgiens est lui purement idéologique, c’est une question de nationalisme exacerbé tout simplement. L’Ossétie est une région pauvre et n’a rien de stratégique. Quant aux Ossètes, leur intérêt est de se séparer définitivement d’un peuple qui les a agressé sauvagement à chaque fois qu’il en a eu l’occasion.
Ceux-ci réclament qu’on respecte leur droit à l’autodétermination mais, malheureusement pour eux, ce droit est à géométrie variable et ne s’applique que lorsque les puissants y trouvent leur intérêt. Le Kosovo est d’ailleurs un magnifique exemple doublé d’une formidable grille d’analyse. Il faut rappeler que les Albanais du Kosovo, à l’époque où il était serbe, ont mis le souk dans la région tout comme l’Ossétie actuellement. La Serbie est intervenue pour remettre de l’ordre, tout comme la Géorgie. Mais dans le conflit serbe, l’OTAN est intervenu militairement et a bombardé la Serbie. Or ici, l’axe Georgie/Europe/USA condamne cette intervention qu’ils jugent criminelle et demandent le respect de l’intégrité territoriale de la Géorgie. Auparavant ils n’ont eu que faire de l’intégrité territoriale de la Serbie cela n’a pas semblé les déranger. Il y a là beaucoup d’hypocrisie à mon gout.
20/08 16:12 - Luc-Laurent Salvador
Très bon article, très documenté que je découvre seulement maintenant, après avoir réagi sur (...)
18/08 02:58 - frédéric lyon
Angela Merkel vient de rappeler que la Géorgie entrera bientôt dans l’OTAN. La Pologne (...)
18/08 02:19 - Pierre JC Allard
Trop long pour ce blogue. J’explique ICI exactement ce que j’ai en tête pour la (...)
17/08 15:41 - zinnzinn
Daerel, vos soucies quant aux livraisons d’hydrocarbures de la Russie à l’Europe, (...)
16/08 14:32 - abersabil
"Evidentes interactions entre cercles au pouvoir et médias audiovisuels" Je ne vous (...)
16/08 14:26 - abersabil
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