Cet article, manifestement, fait passer le "message" avant les faits, ou plutôt le "message" dicte la sélection des faits qui y sont mentionnés ou pas.
Le message est clair : collaboration = milieu des affaires / patronat = pétainisme (= Sarkosy ?). Résistance = communistes.
Mais pourquoi les faits suivants, tout aussi vrais que ceux rapportés par l’auteur, ne sont-ils pas rappelés dans l’article ? Serait-ce parce qu’ils auraient ruiné la belle démonstration idéologique ? A vous de juger :
1. Le PC communiste français d’avant-guerre était aux ordres de Moscou, alors allié du régime Nazi (en rappelant que le PC français avait approuvé le pacte germano-soviétique). Les consignes du secrétaire général du Komintern Dimitroov sont claires : sous couvert de pacifisme de bon alloi, désorganisez le système militaire français (sabotages de la "drôle de guerre"...), précipitez la défaite de l’infâme régime bourgeois de la IIIie République, pactisez avec l’occupant allemand pour occuper le pouvoir et profitez-en pour, enfin, mener à bien la révolution prolétaire en France pour la plus grande gloire de l’Internationale. Les slogans du PCF et de la CGT à la fin des années 30 c’était : "plutôt Hitler que la guerre"...
2. Au début de l’occupation, le parti communiste ne mène peu ou pas d’activité de résistance, se contentant de placarder des tracts anti-capitalistes et vaguement antisémites (c’est au cours d’une de ces maraudes que Guy Moquet fut arrété... Le présenter comme un résistant est de la pure fumisterie). La propagande communiste est certe interdite par Vichy (et même punie de mort par un décret de 1940), entraînant l’emprisonnement de nombreux militants communistes, mais c’est au motif... qu’elle s’assimile à de la propagande nazi ! Plusieurs centaines de militants emprisonnés furent même libérés par les allemands. La ligne officielle transmise par Moscou est celle de la neutralité avec l’occupant ; les communistes français (particulièrement Jacques Duclos) entamèrent même des pourparlers avec l’occupant pour obtenir la permission de republier l’Humanité...
3. Les principaux partis collaborationnistes, en tailel et en radicalisme, le Parti Populaire Français et le Rassemblement Populaire Français, ont été fondé par d’anciens militants de gauche (Jacques Doriot, révolutionnaire extrêmistes ancien secrétaire général de la Jeunesse communiste, et Marcel Déat, ancien député socialiste). On peut également citer parmi les organisations collaborationistes le Parti ouvrier et paysan de france, dirigé par l’ancien No 3 du PCF Marcel Gitton, ou le Comité ouvrier de secours immédiat, regroupant d’anciens syndicalistes et communistes.
4. Dans le même temps, c’est des milieux dits "de droite" nationaliste, souvent catholique, qu’émergèrent les premières véléités de résistance à l’occupant. On peut citer le Parti Social Français du Colonel de la Roque (ancien Croix de feu, qui fut le premier à rapprocher les totalitarismes nazi et stalinistes), Henry Frenay, sans même parler, bien sûr, du Général De Gaule, officier catholique "vieille France" et longtemps tenté par le royalisme. De nombreux "cagoulard" étaient également, par patriotisme, farouchement anti-nazi, ayant bien perçu que la véritable alliance collaborationniste était entre Staline et Hitler et que le régime nazi (qui veut dire, il ne faut pas l’oublir, socialisme national) tout comme le régime de Vichy étaient plus "de gauche" que "de droite" ; on retrouve ainsi des anciens de la cagoule parmi les premiers résistants à rejoindre De Gaule à Londe dès juin 1940...
5. Les communistes n’entrèrent en résistance active contre l’occupant qu’en 1941, sur ordre de Moscou, après la rupture du pacte germano-soviétique. Ils prennent effectivement une place importante dans le mouvement de résistance en raison de leur grande expérience de la clandestinité et de l’action subversive ; mais leur objectif prioritaire reste la prise de pouvoir. Ce qu’ils ne parvinrent qu’imparfaitement à faire à la libération, suffisamment toutefois pour réécrire l’Histoire, une réécriture dont le présent article n’est qu’un produit dérivé un peu poussiéreux...
Je ne cherche pas à dire que tous les communistes furent pro-nazis avant 1941, ou qu’aucun sympatisant nationaliste ne fut collabo. On ne peut pas ignorer les militants communistes qui furent sincèrement désorientés et choqués par le pacte germano-soviétique et les tentatives de négociations avec l’occupant ; on ne peut ignorer les collaborateurs que furent Mauras, Brasillach, Céline, Drieu La Rochelle, ni les anciens "cagoulard" qui fondèrent le parti collaborationiste du Mouvement social révolutionnaire... On ne peut pas non plus occulter la "collaboration économique" des milieux industriels français, Renault (même si les accusations de "collaboration" furent par la suite lavées par la justice française, et servirent en fait surtout de prétexte à la confiscation et à la nationalisation des usines à la libération...), Berliet, Gnome et Rhône (futur SNECMA, aujourd’hui SAFRAN), les milieux bancaires (notamment la banque Worm...).
Je ne nies donc pas les faits rapportés par l’auteur de l’article et du livre. Mais ces faits sont ici au service d’une démonstration idéologique prémachée, qui ne tient hélas plus si on fait l’effort de tenir compte des quelques éléments rappelés ci-dessus. La collaboration et la résistance dessinèrent des lignes de partage beaucoup plus subtiles et mouvantes au sein de la société française que la caricature qu’en ont fait (et continuent encore, hélas, de faire) certains historiens et intellectuels aveuglés par leur idéologie.
Certains adhérèrent sincèrement au projet nazi, persuadés que c’était l’avenir de l’europe, la solution à la "décadence occidentale" (pauvre Nietzsche...) ; d’autres, par "réalisme", collaborèrent pour limiter les dégâts et sauver ce qui pouvait l’être en attendant des jours meilleurs (Pétain était de ceux-là ; l’histoire lui rendra peut-être justice un jour) ; d’autres firent passer avant tout le "business" économique ou révolutionnaire et tentèrent de s’attirer les grâces de l’occupants pour continuer leurs petites affaires pendant l’occupation (on peut ainsi renvoyer dos à dos les industriels et financiers dénoncés par l’article, prêts à toutes les courbettes pour prospérer, et les communistes français, qui tentèrent de sympathiser avec les nazis pour pouvoir continuer à servir leur soupe révolutionnaire) ; la plupart se contentèrent de survivre tant bien que mal dans une France effondrée où la priorité de l’essentiel de la population, on l’oublie trop souvent, était simplement de trouver à manger (une grande partie des collaborateurs "administratifs" le furent simplement parce que perdre son boulot signifiait ne plus avoir de quoi nourrir sa famille...) ; très peu, finalement, eurent le courage d’entrer en résistance active, à l’étranger ou sur le territoire national, et leurs motivations ne furent pas du tout les mêmes (patriotisme ou stratégie révolutionnaire).
Certains choisirent la collaboration ou la résistance par convictions patriotiques, d’autres par idéal révolutionnaire, la plupart, sans doute, par opportunisme ou simple instinct de survie ; dans tous les cas ce fut une période beaucoup trop complexe et critique pour qu’aujourd’hui des historiens de salons se permettent de juger les comportements des uns et des autres, de décerner les louanges et les blâmes, et surtout d’en instrumentaliser le souvenir à de basses fins de propagandes idéologiques.
Ce type d’article ne contribue pas à renforcer l’ambition de neutralité politique et idéologique d’AgoraVox, sérieusement entamée depuis le TSS...
19/08 15:25 - Proudhon
C’est quand même incroyable le nombres de nazillons qui polluent Agoravox. Ils sont (...)
19/08 15:01 - grellety
"Tout d’abord, je répète ce que j’ai déjà écrit dans une petite dizaine (...)
19/08 14:19 - NICOPOL
Bien à vous également Cambronne, qui que vous soyez, quelle que soit vos opinions, quels que (...)
19/08 10:32 - CAMBRONNE
SALUT A TOUS Un dernier coup de chapeau à Nicopol que j’espère ne pas compromettre . (...)
18/08 23:06 - ZEN
Le Monde Diplo a au moins l’honnêteté d’ouvrir un débat contradictoire sur une (...)
18/08 21:29 - NICOPOL
Merci pour le lien. L’article du Monde Diplomatique est un cas d’école : le seul (...)
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