par
Mahmoud DARWICH
Nous fallait-il choir d’un lieu aussi élevé, nous fallait-il voir notre sang sur nos propres mains pour admettre que nous ne sommes pas des anges, comme nous l’avons longtemps cru ?
Nous fallait-il exhiber nos parties intimes en public pour que notre vérité cesse d’être vierge ?
Quels menteurs nous étions lorsque nous avions affirmé : Nous sommes l’exception !
Être crédule vis-à-vis de soi est pire que de mentir aux autres ! Être aimables envers ceux qui nous haïssent et cruels envers ceux qui nous aiment n’est que bassesse de l’arrogant, suffisance du médiocre !
Ô Passé ne nous transforme pas chaque fois que nous nous éloignons de toi !
Ô Futur ne nous demande pas : Qui êtes-vous ? Que me voulez-vous ? Car nous l’ignorons nous-mêmes.
Ô Présent supporte-nous encore quelque temps, car nous ne sommes que des passants bien lourdauds !
L’identité, c’est ce que nous léguons, non ce que nous héritons, c’est ce que nous inventons, non ce dont nous nous souvenons.
L’identité, c’est le miroir corrompu que nous devons briser chaque fois que l’image nous plaît !
Cagoulé et armé de bravoure, il a assassiné sa mère parce qu’elle était la bonne proie à sa portée et parce que la soldate qui l’avait arrêté avait dénudé ses seins en disant : Ta mère en a-t-elle de pareils ?
N’était-ce la honte et l’obscurité, je serais allé à Gaza, sans connaître ni le chemin vers la maison du nouvel Abu Sufiân ni le nom du nouveau prophète !
Si Mahomet n’était pas le dernier des prophètes, toute clique aurait eu son prophète et tout Compagnon aurait eu sa milice !
Juin nous a séduit lors de son quarantième anniversaire. Si nous ne trouvons pas qui nous vaincra de nouveau, nous nous vaincrons nous-même, de nos propres mains, pour ne pas oublier !
Tu fixeras longtemps mes yeux, mais tu n’y trouveras pas mon regard. Il a été dérobé par un scandale !
Mon cœur ne m’appartient pas, il n’appartient à personne. Il est indépendant de moi, mais il n’est pas devenu une pierre pour autant.
Sait-il, celui qui clame « Dieu est Grand ! » au-dessus du cadavre de sa victime/son frère, qu’il n’est qu’un mécréant ? Il voit Dieu à son image : bien moins qu’un être humain normalement constitué.
Le prisonnier qui aspire à hériter de la prison dissimule un sourire de victoire devant la caméra, mais il ne réussit pas à dompter le flux du bonheur qui s’écoule de ses yeux, car le texte hâtif est peut-être plus puissant que le comédien.
Qu’avons-nous besoin de narcisses puisque nous sommes des Palestiniens !
Et puisque nous ignorons la différence entre la mosquée et l’université, termes dérivés de la même racine linguistique, quel besoin avons-nous d’un État qui s’achemine vers le même destin que les jours ?
A la porte d’une boîte de nuit, la pancarte dit : Bienvenue aux Palestiniens qui reviennent du champ de bataille. Entrée gratuite. Notre vin ne vous soûlera pas.
Je ne peux pas défendre mon droit de travailler comme cireur de chaussures sur le trottoir, car les clients auront le droit de me prendre pour un voleur de chaussures - c’est ce qu’un professeur d’université m’a dit.
« L’étranger et moi contre mon cousin, mon cousin et moi contre mon frère, mon guide religieux et moi contre moi-même. ». Voici la leçon numéro 1 du nouvel enseignement d’instruction civique, donnée dans les caves de l’obscurité.
Qui entrera le premier au Paradis ? Celui qui a été tué par les tirs de l’ennemi ou celui qui est tombé sous les balles de son frère ?
Certains exégètes disent : Il se pourrait que ton ennemi soit engendré par ta propre mère !
Les fondamentalistes ne me gênent pas, ils sont croyants à leur manière. Ce sont leurs acolytes laïques qui me dérangent, de même que leurs acolytes athées qui ne croient qu’en une seule religion : leur image à la télévision !
Il me demande : Le vigile affamé peut-il défendre une maison dont les propriétaires sont partis passer leurs vacances sur la Riviera française ou italienne ? Je réponds : Non, il n’a pas à le faire.
Il me demande : Est-ce que moi + moi = deux ? Je réponds : Toi et toi vous faites moins qu’un être entier.
Je n’ai pas honte de mon identité, car elle est en élaboration, j’ai plutôt honte devant certains passages des Prolégomènes d’Ibn Khaldoun.
Désormais, tu es un autre.
Publié le 17 juin 2007 par les quotidiens al-Ayyam et al-Hayat
Traduction : Rania SAMARA