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Commentaire de J. GRAU

sur Le nouveau parti anticapitaliste (NPA)


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Jordi Grau J. GRAU 28 août 2008 15:07

A Gzorg et Abgeschiedenheit

Vous pointez tous deux une contradiction (vraie ou apparente) dans le discours de l’extrême gauche sur l’immigration. Pour vous, il est très étonnant que Besancenot et consort aient des positions proches de la droite libérale la plus dure, qui utilise la main d’oeuvre immigrée (notamment les travailleurs clandestins) pour faire une concurrence déloyale aux travailleurs nationaux. Votre analyse, si je l’ai bien comprise, est également défendue par Jean-Claude Michéa dans son essai antilibéral L’empire du moindre mal.

Il me semble que la question de l’immigration n’est pas facile à résoudre, et je ne prétends pas avoir toutes les clés pour en parler. Cependant, bien que je n’adhère à aucun parti et que je connaisse assez mal le point de vue de la LCR et du NPA, je comprends très bien qu’on puisse à la fois être contre le capitalisme, contre la concurrence entre travailleurs, et se dire solidaire des immigrés, y compris sans papiers. Voici mes arguments :

1. Le troskysme étant un mouvement internationaliste, il ne saurait évidemment dire qu’il faut foutre dehors les étrangers en situation irrégulière. Il serait ainsi en contradiction avec lui-même. Il m’a semblé trouver des idées lepénistes dans votre message, Abgeschiedenheit. C’est votre droit d’avoir ces idées, même si personnellement elles me font horreur, mais n’accusez pas Besancenot d’être incohérent s’il ne les partage pas.

2. Vouloir régulariser les sans-papiers, c’est vouloir supprimer le phénomène des travailleurs clandestins, vouloir que tous les salariés soient logés à la même enseigne. Autrement dit, ce n’est pas forcément diviser les travailleurs entre eux : au contraire, c’est tâcher de réduire la concurrence sauvage qui les montent les uns contre les autres. Il est clair que l’existence des travailleurs clandestins, sous-payés, sans droits, est une grave menace pour les autres travailleurs. Supprimer la clandestinité n’est donc pas rendre un mauvais service aux travailleurs français ou aux travailleurs étranger en situation régulière.

3. Inversement, faire la chasse au sans-papiers ne contribuera pas forcément à la disparition du travail clandestin. Au contraire, cela peut aggraver encore les choses. Dans un tel climat, les étrangers sans-papiers sentent bien qu’ils n’ont pas intérêt à demander leur régularisation (sauf situation exceptionnelle, par exemple s’ils sont soutenus par leur patron). En réalité, il y a beaucoup d’hypocrisie et de démagogie dans cette politique européenne (et pas seulement française) de durcissement à l’égard des étrangers en situation irrégulière. Ils sont criminalisés, montrés comme boucs émissaires, comme si tous les problèmes sociaux et économiques venaient d’eux.

4.
 On dit souvent - et c’est l’argument le plus couramment employé, je crois, par les pouvoirs publics - qu’une régularisation massive des sans-papiers entraînerait un "appel d’air", un encouragement à tous les aventuriers des pays pauvres qui veulent tenter leur chance. Cet argument mérite d’être nuancé. Il y aura toujours des gens assez malheureux dans leur pays (pour des raisons politiques ou économiques) pour tenter leur chance chez nous, même au prix de leur vie. Ensuite, la politique de durcissement qui est menée actuellement conduit à des abus contraires à nos valeurs démocratiques européennes : la police espagnole tire sur des Africains, les immigrés sont parqués dans d’horribles conditions dans les centres de rétention, etc.

5. Il est certain que l’immigration ne résout pas en profondeur le problème des pays pauvres ou/et meurtris par la guerre et la dictature. La plupart des immigrants partent faute de mieux, parce que les conditions de vie dans leur pays sont devenues exécrables. Pour réduire le nombre d’immigrants en Europe, il faudrait donc s’attaquer aux vraies racines du mal. Or, il me semble que l’Europe (et en particulier la France) a une certaine responsabilité là-dedans. On se montre sans doute trop indulgents vis-à-vis de dictateurs "amis". Plusieurs pays voient leurs richesses pillées par des dictateurs corrompus et corrupteurs, avec la complicité de multinationales et de gouvernements occidentaux. Je pense en particulier aux relations criminelles entre la France et certaines dictatures africaines (cf. l’associations Survie, et les travaux de F-X Verschave dénonçant la Françafrique). Si nous voulons vraiment que les Africains ne soient pas trop nombreux à vouloir s’établir chez nous, aidons-les à rester chez eux !


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