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Commentaire de galilée

sur Israéliens et Palestiniens : à quand la paix définitive ?


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galilée 7 septembre 2008 11:14

Oui m’ dame !

1 et 10 sont eminement semblables au premier degrés , dans la mesure ou 10 est l ’association fortuite de 1 et de RIEN .
Au second degrés ils ont , au moins , une fonction symbolique identique dans la mesure ou il sont tout deux un debut de décade .

Au premier degrés et par simple observation 18 n ’est que la juxtaposition de 1 et de 8 .
Au second degrés 18 acquiert une valeur d ’information par son contenu symbolique .

Il est egalement interessant de noter que l ’un des initiateurs de la théorie des ensembles ( en Anglais : Set Theorie) George CANTOR ( qui est né un 3 Mars , comme moi ) , a jugé bon , de part ses origines hébraiques , de classifier l’ ensemble des infinis , en leur donnant le nom de Aleph 0 , Aleph 1, Aleph 2 etc ..
Le chiffre 1 qui est la valeur numérique de Aleph , est intimement lié à l ’infini , a tel point que Borgés le definit comme le point dont on voit tout ..

Borges L’aleph

La connaissance d’un fait suffit pour percevoir sur-le-champ une suite de traits qui le confirment, insoupçonnée auparavant ; je m’étonnai de ne pas avoir compris jusque-là que Carlos Argentine était un fou. Tous ces Viterbo, d’ailleurs... Beatriz (je le répète moi-même fréquemment) était une femme, une enfant d’une clairvoyance presque implacable, mais il y avait en elle des négligences, des distractions, des dédains, de véritables cruautés qui peut-être demandaient une explication pathologique. La folie de Carlos Argentine me combla d’un bonheur pervers ; dans notre for intérieur nous nous étions toujours détestés.

Arrivé rue Garay, la bonne me pria de bien vouloir attendre. Monsieur était, comme toujours, à la cave, en train de révéler des photographies. Près du vase sans une fleur, sur le piano oublié, le grand portrait de Beatriz, gauchement peint, souriait, plus irréel qu’anachronique. Personne me pouvait nous voir ; dans un élan désespéré au tendresse, je m’approchai du portrait et lui dis :

– Beatriz, Beatriz Elena, Beatriz Elena Viterbo. Beatriz chérie, Beatriz à jamais perdue, c’est moi, Borges.

Carlos entra peu après. Il parla sèchement ; je compris qu’il n’était pas capable d’une autre pensée que de la perte de l’Aleph.

– Un petit verre de ce pseudo-cognac, ordonna-t-il, et tu te fourreras dans la cave. Tu sais, le décubitus dorsal est indispensable. De même que l’obscurité, l’immobilité, une certaine accommodation de l’œil. Tu te coucheras sur le pavé et regarderas fixement la dix-neuvième marche de cet escalier opportun. Je m’en vais, je baisse la trappe et tu restes seul. Au bout de quelques minutes, tu verras l’Aleph. Le microcosme d’alchimistes et de cabalistes, notre ami concret, proverbial, le multum in parvo.

Une fois dans la salle à manger il ajouta :

– Naturellement, si tu ne le vois pas, ton incapacité n’annule pas mon témoignage... Descends ; ­ d’ici peu tu pourras engager un dialogue avec toutes les images de Beatriz.

Je descendis rapidement, car j’en avais assez de ses paroles futiles. La cave, guère plus large que l’escalier, ressemblait beaucoup à un puits. Je cherchai vainement du regard la malle dont Carlos Argentino m’avait parlé. Des caisses remplies de bouteilles et des sacs en toile embarrassaient l’un des angles. Carlos prit un sac, le plia et le plaça à un endroit précis.

– L’oreiller est médiocre, expliqua-t-il ; si je le soulève d’un seul centimètre, tu ne verras rien et tu seras tout penaud. Étale sur le sol ta grande carcasse, et compte dix-neuf marches.

J’obéis à ses ridicules instructions. Finalement il s’en alla. Il referma la trappe avec précaution ; j’avais l’impression que l’obscurité était totale, malgré une fente que je distinguai ensuite. Tout à coup, je compris le danger que je courais : je m’étais laissé enterrer par un fou, après avoir bu un poison. Les bravades de Carlos trahissaient la terreur intime que je ne visse pas le prodige ; Carlos, pour défendre son délire, pour ne pas savoir qu’il était fou, devait me tuer. J’éprouvai un malaise confus, que j’essayai d’attribuer à la rigidité et non à l’action d’un narcotique. Je fermai les yeux, les ouvris. Alors je vis l’Aleph.

J’en arrive maintenant au point essentiel, ineffable de mon récit ; ici commence mon désespoir d’écrivain. Tout langage est un alphabet de symboles dont l’exercice suppose un passé que les interlocuteurs partagent ; comment transmettre aux autres l’Aleph infini que ma craintive mémoire embrasse à peine ? Les mystiques, dans une situation analogue, prodiguent les emblèmes : pour exprimer la divinité, un Perse parle d’un oiseau qui en une certaine façon est tous les oiseaux ; Alanus ab Insulis, d’une sphère dont le centre est partout et la circonférence nulle part ; Ézéchiel d’un ange à quatre visages qui se dirige en même temps vers l’Orient et l’Occident, le Nord et la Sud. (Je ne me rappelle pas vainement ces analogies inconcevables ; elles ont un rapport avec l’Aleph.) Peut-être les dieux ne me refuseraient-ils pas de trouver une image équivalente, mais mon récit serait contaminé de littérature, d’erreur. Par ailleurs le problème central est insoluble : l’énumération, même partielle, d’un ensemble infini. En cet instant gigantesque, j’ai vu des millions d’actes délectables ou atroces ; aucun ne m’étonna autant que le fait que tous occupaient le même point, sans superposition et sans transparence. Ce que virent mes yeux fut simultané : ce que je transcrirai, successif, car c’est ainsi qu’est le langage. J’en dirai cependant quelque chose.

A la partie inférieure de la marche, vers la droite, je vis une petite sphère aux couleurs chatoyantes, qui répandait un éclat presque insupportable. Je crus au début qu’elle tournait ; puis je compris que ce mouvement était une illusion produite par les spectacles vertigineux quelle ren­fermait. Le diamètre de l’Aleph devait être de deux ou trois centimètres, mais l’espace cosmique était là, sans diminution de volume. Chaque chose (la glace du miroir par exemple) équivalait à une infinité de choses, parce que je la voyais clairement de tous les points de l’univers. Je vis la mer populeuse, l’aube et le soir, les foules d’Amérique, une toile d’araignée argentée au centre d’une noire pyramide, un labyrinthe brisé (c’était Londres), je vis des yeux tout proches, interminables, qui s’observaient en moi comme dans un miroir, je vis tous les miroirs de la planète et aucun ne me refléta, je vis dans une arrière-cour de la rue Soler les mêmes dalles que j’avais vues il y avait trente ans dans le vestibule d’une maison à Fray Bentos, je vis des grappes, de la neige, du tabac, des filons de métal, de la vapeur d’eau, je vis de convexes déserts équatoriaux et chacun de leurs grains de sable, je vis à Inverness une femme que je n’oublierai pas, je vis la violente chevelure, le corps altier, je vis un cancer à la poitrine, je vis un cercle de terre desséchée sur un trottoir, là où auparavant il y avait eu un arbre, je vis dans une villa d’Adrogué un exemplaire de la première version anglaise de Pline, celle de Philémon Rolland, je vis en même temps chaque lettre de chaque page (enfant, je m’étonnais que les lettres d’un volume fermé ne se mélangent pas et ne se perdent pas au cours de la nuit), je vis la nuit et le jour contemporain, un couchant à Quérétaro qui semblait refléter la couleur d’une rose à Bengale, ma chambre à coucher sans personne, je vis dans un cabinet de Alkmaar un globe terrestre entre deux miroirs qui le multiplient indéfiniment, je vis des chevaux aux crins denses, sur une plage de la mer Caspienne à l’aube, la délicate ossature d’une main, les survivants d’une bataille envoyant des cartes postales, je vis dans une devanture de Mirzapur un jeu de cartes espagnol, je vis les ombres obliques de quelques fougères sur le sol d’une serre, des tigres, des pistons, des bisons, des foules et des armées, je vis toutes les fourmis qu’il y a sur la terre, un astrolabe persan, je vis dans un tiroir du bureau (et l’écriture me fit trembler) des lettres obscènes, incroyables, précises, que Beatriz avait adressées à Carlos Argentino, je vis un monument adoré à Chacarita, les restes atroces de ce qui délicieusement avait été Beatriz Viterbo, la circulation de mon sang obscur, l’engrenage de l’amour et la transformation de la mort, je vis l’Aleph, sous tous les angle, je vis sur l’Aleph la terre, et sur la terre de nouveau l’Aleph et sur l’Aleph la terre, je vis mon visage et mes viscères, je vis ton visage, j’eus le vertige et je pleurai, car mes yeux avaient vu cet objet secret et conjectural, dont les hommes usurpent le nom, mais qu’aucun homme n’a regardé : l’inconcevable. univers.


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