Selon Raquel Gutierrez, chercheure au Centre d’études andines et centroaméricaines (CEAM), les actions spectaculaires de la droite, amplifiées par les médias, créent une commotion dans la population et laissent, chez plusieurs partisans du gouvernement, l’impression que celui-ci manque de direction et de force.
Touchés dans leur économie, le Brésil et l’Argentine comprennent enfin que ce qui se passe en Bolivie menace la paix et la sécurité du continent et donnent leur appui au gouvernement d’Evo Morales qui, quelques jours plus tard, expulse l’ambassadeur états-unien, imité aussitôt par le président vénézuélien Hugo Chavez.
Menacée d’isolement, la droite bolivienne cafouille. Le massacre de 14 paysans et l’enquête qui s’ensuit mènent à l’emprisonnement du préfet du département de Pando, Leopoldo Fernandez, accusé d’avoir contracté des tueurs à gage péruviens et brésiliens, et à l’imposition de l’état de siège dans ce dernier département.
Le 15 septembre, la présidente chilienne, Michelle Bachelet, convoque d’urgence une rencontre de la nouvelle Union des nations sud-américaines (UNASUR, fondée en mai dernier) au cours de laquelle ses 12 membres se prononcent formellement en faveur du gouvernement légitime d’Evo Morales et de l’intégrité territoriale de la Bolivie.
Devant cette nouvelle manifestation de solidarité continentale, les préfets d’opposition, réunis dans le CONALDE (Conseil national démocratique), acceptent soudainement l’appel au dialogue tant de fois renouvellé par le gouvernement bolivien.
Pour Victor Ego Ducrot, directeur de l’observatoire des médias argentins, cet appui à Morales de la part des pays les plus puissants du continent est vital : « Il n’y aura, écrit-il, ni Mercosur ni politique d’intégration régionale si les éléments les plus agressifs du bloc hégémonique imposent leur projet sécessionniste aux Boliviens ».
Si la partition de la Bolivie a lieu, la droite qui s’essaie déjà aussi au Venezuela (État pétrolier de Zulia) et en Équateur (État de Guayaquil) aura le vent dans les voiles.
Le Brésil et l’Argentine, poursuit Ducrot, n’ont d’autre choix que « d’incorporer de manière urgente dans leur programme de défense commun basé sur la protection des ressources naturelles, les forces armées boliviennes encore toutes fidèles à Evo Morales ».
Ils doivent aussi empêcher « les consortiums pétroliers privés ou déguisés en sociétés d’état, comme Petrobras, de jouer leur carte parce que, comme c’est le cas pour le complexe corporatif du soja, ces pétrolières sont compromises avec la stratégie séparatiste en Bolivie ».
Le président Lula, avertit Ducrot, doit choisir entre deux types de discours : celui qui relie les récentes manoeuvres navales états-uniennes au sud-est de la côte brésilienne à la découverte, au même endroit, par Petrobras, d’importantes réserves pétrolières ; et celui qui met sur un même pied les volontés du gouvernement bolivien et de « l’opposition ».
Quant à la présidente, Cristina Fernandez, « elle doit bien voir que le rapprochement de la droite politique argentine avec le cartel agro-patronal du soja n’est rien d’autre que le chapitre local d’une stratégie qui a son épicentre le plus dramatique en Bolivie ».
Il n’y a pas d’alternative possible : ou on défend Evo Morales et l’intégrité territoriale bolivienne, ou un avenir des plus sombres menace toute la région.