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Commentaire de Pierre Meur

sur Le LHC, un événement scientifique sans précédent


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Pierre Meur Pierre Meur 2 octobre 2008 12:36

 À Thierry Leitz,

 

Je vous écris car après vous avoir lu, j’essayais de comprendre votre cohérence de libre-penseur et d’humaniste. J’ai fait quelques recherches sur internet, et il s’avère que si ce que j’ai trouvé - le style et la cohérence du propos semble le prouver - est bien de vous, à quelques perception près nous ne sommes vraiment pas très éloignés l’un de l’autre.

 

@Thierry LEITZ (30 septembre 2008 à 23H08) : Libre penseur et humaniste, je ne peux qu’approuver, et j’essaie moi-même de l’être. L’intolérance et la violence me heurtent et je ne vois aucune "bonne guerre", ni dans le passé, ni dans l’avenir.

 

Je vous comprend parfaitement, je crois que l’humanisme doit non plus se fonder sur l’indignation (je suis aussi heurté et indigné que vous) mais trouver des raisons d’être dans une réflexion qui porte sur "l’acte cohérent", c’est-à-dire sur la recherche d’une causalité qui contrôle la part des effets désirables par rapport à celle des effets indésirables. Si les guerres sont des "solutions", elles engendrent trop d’effets indésirables pour être de bonnes solutions. La guerre est incontrôlable dans ses effets parce que l’énergie qui y est injectée est incontrôlable. Existe-t-il des réponses figées à nos désirs d’agir pour le mieux ? Des réponses figées, certainement pas. Des réponses tout court, rien n’est évident. J’ai cru détecter que vous aviez la fibre écologique (est-ce pour cela que vous vous opposez au LHC ?), et dans une de vos réponses qui abordait la construction de votre propre maison, vous stigmatisiez vous-même l’incohérence du désir écologique et sa mise en œuvre.

 

@Thierry LEITZ : Cela dit, la publicité que vous faites pour le LHC me donne à penser que, rempli d’admiration, vous oubliez cet esprit critique si cher aux libres-penseurs, qui n’hésitaient pas à se "cogner" en idée à plus fort qu’eux, à remonter les courants et contrer les propos convenus.

 

Ne croyez pas que je ne puisse pas faire un travail à charge et à décharge en ce qui concerne le LHC. Ce qui me rend "admiratif" du LHC, c’est d’abord la capacité des hommes à collaborer sur un projet. Le projet LHC qui a une haute teneur technologique et scientifique prouve donc que c’est également possible dans le domaine humaniste, et que ce n’est qu’un manque de cohérence de la vision commune de l’humanisme qui l’en empêche.

 

Je vous cite dans un autre texte que j’ai trouvé : "L’idée de ne plus remettre à demain ce bonheur qu’on peut avoir de suite est à méditer : à trop différer on arrive à la retraite passablement défraîchi, voire avec une affection fatale genre cancer ou crise cardiaque. Quel dommage ! Le bonheur est plus le voyage que la destination. L’indépendance et la paix en sont deux jalons : alors brisez vos chaînes, celles que vous vous créez et celles qu’on vous impose !"

 

C’est d’une telle évidence, et pourtant, l’être humain, incapable de sortir de son regard individualiste pour acquérir un regard collectif tout en gardant son indépendance de pensée, préfère tergiverser. Vous estimez que le LHC fait partie de ces tergiversations, je ne le crois pas, parce que même ce qui pourrait passer pour un "acharnement" scientifique, reste toujours un tergiversation positive par l’acquisition du savoir qu’elle implique pour l’ensemble de l’humanité. Il est certain que le savoir scientifique de haut niveau est loin d’être partagé, mais cela reste un potentiel tout à fait valable qui aura des retombées humanistes, n’en doutons pas.

Comme vous dites : "le bonheur est plus le voyage que la destination". Que certains soient en avance dans le chemin n’implique pas que les autres ne sont pas sur le même chemin. Le sens de l’humanisme est dans la transmission du savoir, génération après génération, et le savoir va de paire avec la sagesse. Les coups de butoir du balancier de l’Histoire n’empêche pas que l’humanité puisse progresser et améliorer le niveau atteint, même si celui-ci reste tristement un nivellement par le bas. Il serait si facile, pour l’humanité d’être heureuse aujourd’hui, mais la compréhension de cette facilité doit se construire et nous n’en sommes encore qu’à ses balbutiements. L’humanité n’a pas encore atteint la capacité de penser librement, c’est-à-dire, d’acquérir une pensée relativiste. Le développement du raisonnement scientifique permet d’acquérir cette capacité à sortir de la subjectivité (ce qui tient de l’esprit. Ce qui nous est propre), pour acquérir un regard objectif (ce qui est cohérent avec le réel. Le propre de l’autre, ce qui n’est pas nous, et dans lequel nous sommes nous-même inclus).

 

@Thierry LEITZ : Je vous cite : "Un euro dépensé dans la science rapporte certainement plus qu’un euro investi dans la spéculation boursière. Rester ignorant n’a jamais rien rapporté. Mais il est un fait que l’ignorance est bien plus partagé que le savoir. C’est une injustice, mais vouloir rester ignorant n’est qu’une aberration qui ne rend justice à personne." 

 

Sur le fond : cette affirmation a-t-elle des chances de se vérifier dans le cas du LHC ou d’ITER qui sont tous deux des outils de recherche, heuristique comme vous dites, car en cherchant pense-t-on, on trouvera... Entre avaries et impondérables, le temps s’est... arrêté ! C’est tout de même cavalier de mettre 8 G€ (LHC) ou 15 (ITER) sans savoir où et quand on arrivera.

 

Tout est information, et s’il est évident qu’il est illusoire que l’humanité ne puisse un jour accéder à l’ensemble de l’information puisque celle-ci est potentiellement infinie, la question est bien de savoir quand il faudra s’arrêter. Ces grands projets scientifiques étaient de l’ordre du possible, ils étaient donc inévitables. La réalité nous démontrera si l’humanité à préjugé de ses capacités à comprendre plus. Si les sommes en jeux sont énormes, il reste à savoir si la fin justifiera les moyens. Il est trop tôt pour le dire, et je ne crois pas que, ni vous, ni moi, ne soyons suffisamment compétent pour le dire. Cela n’enlève rien à la disparité des sommes engagées dans la recherche scientifique et dans celles consacrées à relever le niveau moyen d’épanouissement de l’humanité, et en particulier de l’humanité souffrante. Je suis tout à fait d’accord avec vous là-dessus, cependant, si la recherche scientifique bénéficie, d’une part, du chaos financier qui injustement oublie les déshérités, d’autre part, c’est au chaos financier et à ses justifications malsaines qu’il faut en vouloir, pas à la recherche scientifique. Elle n’est pas plus responsable de sa bonne situation, que le pauvre ne l’est de la sienne. Les deux sont dans le "bain", et je dirais même que la recherche scientifique a plutôt bien contribué à réduire la situation des pauvres, même si elle a aussi contribué à l’enrichissement des opportunistes.


@Thierry LEITZ : Pendant ce temps, la paix et la prospérité humaine relative sont à portée de main pour peu qu’on veuille atteindre ces buts, en y consacrant l’energie et l’argent nécessaire. Je m’étonne que l’humaniste ne soit pas plus sensible à cette réalité pendant que vous glorifiez une recherche élitiste aux finalités incertaines. De plus en l’état actuel des savoirs, sommes-nous d’une telle "ignorance" qu’il faille un LHC à 8000 millions d’€ pour nous en délivrer ? Je ne pense pas...

 

J’espère avoir dissipé vos doutes sur la qualité de mon humanisme. Ce n’est pas un humanisme de subjectivité qui laisse libre court à l’indignation (même si je m’indigne aussi -> Voir les pauvres 16 milliards de $ consacrés aux Objectifs du Millénaire pour le Développement lors du dernier sommet qui s’est achevé jeudi dernier), mais un humanisme à tendance objective (qui est réellement objectif ? Tendre, c’est déjà pas mal).

 

@Thierry LEITZ : Quitte à me répéter, afin qu’on ne me fasse pas de mauvais procès, je ne nie pas l’intérêt de la science, faisant moi-même des efforts pour la comprendre en partie, avec mes moyens limités, mais le monde est tranversal, pluriel et imbriqué. Il faut sortir de sa bulle et l’observer sous des angles variés. Seul on a toujours raison. Ensemble c’est plus dur, mais pas moins nécéssaire. Question de démocratie finalement.

 

Entièrement d’accord là-dessus. C’est également ce que nous dit la science et la physique des particules en particulier. Il n’est pas étonnant que nos raisonnements soient transversal, pluriel et imbriqué, puisque nous sommes fait à l’image de l’univers. Nous ne lui sommes pas extérieur.

 

Bien à vous,

Pierre Meur


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