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Commentaire de Zawgyi

sur OGM : Fantasmes et réalités - Le point de vue d'un généticien


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Zawgyi 6 octobre 2008 14:07

Excellent article et très bien documenté qui montre bien le fossé qui existe entre la réalité scientifique d’un problème et les phobies ancrées dans l’inconscient collectif. Toutefois, loin des peurs irrationnelles colportées par les médias et autres personnes peu renseignées, il n’en demeure pas moins quelques grandes questions que pose l’avancée dans la transgénie.

Comme pour toute les grandes découvertes scientifique, ce n’est pas tant le progrès qui est en soi remis en question, mais plutôt l’usage qui en est fait, dès lors qu’elles seront toujours tributaires d’une gouvernance humaine, partisane, parfois irrationnelle. Il suffit de voir le cas du nucléaire ou de l’informatique pour voir que le progrès n’est maintenant plus orienté que par une soif de pouvoir ou de profit. Le bourgeois-scientifique altruiste et humaniste qui effectuait des recherches dans le seul but d’apporter un bien-être à l’humanité est terminé.

Aussi, dans le cas des OGM les questions du pourquoi et du comment sont plus que jamais des questions centrales. La réponse au pourquoi, vous nous l’avez donnée : une résistance sans utilisation de produits polluants, un meilleur rendement avec moins d’eau et moins d’engrais, ce qui pourrait être utile dans certains pays, etc.

En ce qui concerne le comment, en revanche, c’est le vide le plus total. Comment s’assurer que ces procédés et les PGM qui en découleront ne seront pas la propriété de certains grands groupes seulement ? La population mondiale serait ainsi dépendante de la bonne volonté de quelques magna pour sa nourriture comme nous le sommes actuellement dans le cas du pétrole de quelques pays et grands groupes (cela fait des années que nous avons les moyens de construire des voitures électriques performantes et à prix égal à celui des véhicules actuels... pourquoi regardons-nous toujours le prix du pétrole à la station avec frayeur, je vous le demande. A cause de quelques "happy few").

De plus, comment garantir de conserver une biodiversité, essentielle à l’équilibre de nos différents éco-systèmes. Il suffit de se souvenir de la crise de la pomme de terre en Irlande et de la famine que cela a entraîné. Problème que n’a jamais connu le Pérou par exemple, où il existe plus d’une centaine de variétés de pomme de terre différentes. Si l’une est attaquée, reste les autres. On risque, avec les PGM, de s’orienter vers une monoculture propice à un déséquilibre de l’écosystème : une partie de la faune ne trouvera plus sa nourriture, la transgénie naturelle ne se fera plus, rendant ainsi toute la production fragile (il suffit de l’apparition d’un seul virus ou bactérie, par mutation, pour détruire ainsi toute une culture... sans variété, comment ferons-nous ?). On risque également de voir les populations pauvres être prisonnières des grands groupes : interdiction d’échanger ou de vendre leur semences à cause de dépots de brevet, obligation d’utiliser telle ou telle variété et de s’endetter pour acheter les semences et les produits à une entreprise, etc.

Le vrai problème que posent les PGM n’est donc pas un problème sanitaire ou éthique ou même écologique. C’est un problème de gouvernance. C’est exactement le même problème que pour les nouvelles molécules auxquelles vous faisiez référence dans le domaine médical : les groupes qui financent ces recherchent le font évidemment pour le profit. Comment garantir l’accès de ces nouveaux produits aux populations pauvres ? Si nous parvenons à produire du maïs avec moins d’eau, moins d’insecticides, moins d’engrais, donc à moindre coût. Comment permettre aux petits producteurs d’écouler leur production dans leur pays quand nous envahiront leurs marchés avec nos produits meilleur marché et de meilleure qualité ? Et comment empêcher de se retrouver avec exactement les mêmes cultures partout dans le monde et de sonner ainsi le glas de petits produits qui ne sont pas grands publics mais qui contribuent à la diversité de l’agriculture et qui témoignent de siècles de tradition ?

C’est exactement le même problème que ce que nous observons actuellement pour les marchés financiers : en soi le capitalisme est une bonne idée (on vit mieux dans nos pays qu’en Corée du Nord, c’est un fait). Mais comment empêcher l’égoïsme, l’irrationalité et le manque d’éthique de quelques-uns de créer de la souffrance pour le reste de l’humanité ?

Pour préserver tout cela, il faudrait une gouvernance internationale, qui régule l’usage, la répartition, les échanges, les prix, etc. dans le domaine des OGM, PGM, etc. Cela est impossible. Et les Etats n’ont pas les moyens de financer la recherche à ce niveau. Seuls les grands groupes l’ont. Ceux-là même qui sont motivés par le profit.

Aussi, bien que votre démonstration, très rationnelle, soit excellente et très bien documentée, il n’en reste pas moins que la perfection n’est pas dans l’homme, seulement dans ses intentions. Vous en oubliez que l’homme est avant tout un animal, poussé par ses désirs, ses instincts, un être irrationnel.


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