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Commentaire de Christophe

sur Une réaction en chaîne non maîtrisée


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Christophe Christophe 6 octobre 2008 22:51

@Marc Bruxman,

Concernant votre exemple, nous pouvons admettre que la modernité porte en elle certains progrès. Mais cela ne signifie pas que tous ce qu’apporte la modernité ne peut être que progrès. Mais je dois d’abord commencer par le commencement ; nous verrons quelques approches par la suite.

Mais j’opposerai à Neil et à ceux qui doutent que personne ne sait à l’avance quels effets auront une invention donnée (il le reconnait lui même).

Sur cette assertion nous sommes tout à fait en accord. Nous pouvons tourner en tout sens, jamais nous ne parvenons à être exhaustif a priori.

Concernant l’autonomie des sphères de rationalité, je rejoins Jurgen Habermas qui considère que cette autonomie ne requiert ni fondation, ni justification, mais elle pose des problèmes de médiation que la science et la technique ne peuvent pas résoudre à elles seules.

Reprenons le déchantement du monde introduit par Max Weber. Nous pouvons le comprendre sous l’angle d’une accessibilité objectivante et d’une explication causale de la nature ; cette dernière est donc dépersonnalisée. De fait, la nature vue sous l’angle des investigations scientifiques tombe en dehors du système de repères sociaux auxquels ont recours les personnes (vivre, agir, parler ensemble, construire des intentions et des mobiles d’action, ...). Est-ce que le sens commun, en apprenant tout du savoir contre-intuitif des sciences, sachant que l’humain est un animal naturellement intuitif, ne va pas finir par disparaître ? Wilfrid Sellars n’a-t-il pas répondu à cette question dans son article La philosophie et l’image scientifique de l’homme (article en anglais). En résumé, il propose un scénario dans lequel les jeux du langage de la vie quotidiennes deviennent invalides au profit de la description objectivante des processus de conscience.

Comme le souligne Habermas : le point de fuite d’une telle naturalisation de l’esprit est une image scientifique de l’homme produite dans la conceptualité extensionnelle de la physique, de la neurophysiologie ou de la théorie de l’évolution, qui a pour effet de déssocialiser complètement la compréhension que nous avons de nous-mêmes.

Mais revenons aux sciences et aux techniques. Jurgen Habermas pose la question éthique de la manipulation génétique applicable à l’humain. Tout part donc d’une question très simple, quelle vie faut-il mener ? Le principe de Kierkegaard du pouvoir-être-soi-même (expurgé de sa pensée religieuse) n’est plus vraiment à l’ordre du jour dans le contexte des biotechnologies. Tout ce qui était organique par nature est remis en question par une possible manipulation intentionnelle ; il y a rupture de la symétrie de responsabilité entre les personnes libres et égales. Devons-nous considérer cette nouvelle technologie comme un accroissement de liberté qui requiert d’être réglementé, ou comme une possibilité de procéder à des interventions préférentielles qui n’exigent aucune limitation ? Vous conviendrez que le risque lié à l’autonomie des sciences et des techniques est patent.

La première solution proposée consiste à définir les limites qui nous permettraient de ne pas engendrer un eugénisme. Mais ne devons-nous pas admettre un eugénisme limité (Habermas le nomme eugénisme négatif), permettant d’éviter, par exemple, le développement de certaines malformations graves ? Il nous faut, peut-être, définir des limites à l’action scientifique et technique de l’homme.


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