Toujours en réponse à l’intervention de 23H12, ci-dessus, de Sisyphe.
On notera d’abord les assertions suivantes du maître :
« Ensuite, vous entretenez une confusion (volontaire, sans doute) entre art moderne, art contemporain, et art conceptuel. Qu’un tas de charlatans et de faiseurs, comme Damien Hirst, Jeff Koons, Flanaghan, et bien d’autres, se soient précipités sur "l’art conceptuel" pour l’utiliser à fourguer leurs daubes sans talent, n’y change rien. Les suiveurs et profiteurs ont toujours existé, de tout temps.«
Remarquez que le maître a enfin été obligé de se démarquer de l’art contemporain, de concéder que quelque chose ne tournait pas rond, mais qu’il trouve néanmoins encore moyen de se rassurer, de fuir en avant dans la mauvaise foi en se disant qu’au fond tout va bien dans son petit univers car les charlatans, les profiteurs, les fumistes ont naturellement toujours existé en art (c’est une calamité quasi-naturelle) : mais, oui, même au temps de Giotto il y avait des Jeff Koons qui se faisaient des millions sur le marché de l’art en vendant de la camelote. Qu’à l’époque de Giotto il n’y eût pas de marché de l’art est un détail sans importance aux yeux de notre homme pour qui l’art s’est développé en ligne droite par le moyen de la transgression de Giotto à Christo et que la beauté n’a jamais normé le travail des artistes que de manière adventice.
Deuxièmement, on prendra acte des phrases suivantes :
« L’art n’a pas forcément à voir, faut-il encore le répéter, en 2008, avec l’esthétique ou la "beauté" !! Et, d’ailleurs, de quelle esthétique et de quelle beauté s’agit-il ? Qui est qualifié pour en juger ??”
Oui, il a bien mis deux points d’exclamation et deux points d’interrogation : vous pouvez le vérifier ci-dessus ; je recommande d’ailleurs de lire son post (il réagit à mes remarques de 21H56), vous y trouverez tous les talents pédagogiques du maître. Sisyphe commence donc par réitérer un de ses leitmotive préférés, à savoir que la beauté, ben, ce n’est pas nécessaire à l’art, que l’art peut fort bien s’en passer. Puis,ô surprise, surviennent deux grandes questions : de quelle beauté est-il question et qui est habilité à en juger ? Là aussi, il a enfin été forcé à confronter le problème axiologique et normatif, mais là encore il prend immédiatement la fuite devant la question par le moyen des deux points d’interrogation qui sont censés nous laisser entendre que personne n’est habilité à juger, que le beau est une affaire privée, subjective, une histoire de goût, et qu’à la limite le beau est une pure convention (comme l’étaient, d’ailleurs, les valeurs morales selon les positivistes du Cercle de Vienne, qui rejoignaient par là le nihilisme éthique de leurs ennemis, les nazis).
Le fait que notre Sisyphe se juge cependant autorisé à accuser des transgresseurs (reconnus par les organes de presse les plus respectables et les musées les plus grands sur la scène internationale de l’art) tels que « Damien Hirst, Jeff Koons, Flanaghan, et bien d’autres » d’être des faiseurs et des charlatans et d’être prives de talent ne semble pas le gêner le moins du monde : il ne remarque même pas qu’il vient de se contredire massivement en l’espace de cinq phrases (mais notre savant homme n’en est apparemment pas à une contradiction près : voyez mon billet de 21H05). En effet, qu’est-ce qui empêcherait un critique de se précipiter à la défense de Hirst en nous rassurant que Hirst transgresse le dépeçage des requins et des animaux en général dans un contexte artistique (un musée ou une galerie d’art) et que Koons transgresse tel interdit sur la représentation graphique des actes sexuels dans des lieux publiques tels que les musées, et cetera ? On retournera donc la question : de quelle transgression s’agit-il et qui est qualifié pour en juger ? Qui départagera les transgresseurs authentiques des imposteurs, les bonnes et les belles transgressions des mauvaises et des laides ?