"Il existe à Paris une chose extraordinaire. Et je ne parle pas de la Sainte-Chapelle. Ni du Louvre. Ni de la Tour Eiffel. Et moins encore du Moulin Rouge. Non, je parle d’une réalisation géniale, d’un outil incontournable et mondialement connu. Un truc enchevêtré qui circule sous la ville et régule ses flux vitaux à la manière d’un système sanguin : le métro.
Parfois inconfortable, souvent surchargé, toujours bruyant, on y croise des millions d’individus, mais aussi des chiens, des chats, des rats, des souris, des grillons et même, je le tiens d’un agent de la RATP, des perroquets, des reptiles, des singes, des fennecs et des mangoustes ! Sans compter les milliards de micro-organismes qui se sont donné le mot pour coloniser le réseau depuis le jour où l’un d’eux, plus téméraire que les autres, s’est hasardé à poser ses pseudopodes dans une rame brinquebalante avant de s’exclamer en direction de ses potes : « Eh, les mecs ! Venez donc là, c’est super, il fait chaud et y’a à becqueter pour tout le monde ! » Pas folle l’amibe, elle a entendu le message, et avec elle tout ce que la ville compte de virus, de bactéries, de vibrions, de bacilles, de protozoaires et autres machins bizarroïdoformes.
Je ne vous dis pas la nocivité du lieu ! D’ailleurs, c’est simple : tout corps qui survit à une immersion d’une heure dans le métro peut être considéré comme définitivement immunisé. À ce propos, il ne faut pas se fier aux appa-rences : le plus résistant dans le genre humain, ce n’est pas le montagnard du Queyras, enfoncé jusqu’aux cuisses dans des congères glacées, ni le marin-pêcheur du Guilvinec, submergé par les déferlantes à bord de son chalutier. Le plus résistant, je l’affirme avec force, c’est le Parisien moyen, celui qui transpire chaque jour dans la cohue des rames. Métro-boulot-dodo-costaud. Bourré d’anticorps, le Parisien. Absolument increvable. Et il a intérêt à l’être parce qu’il est complètement cerné. Pas seulement par des « keums chelous » venus de leur banlieue pour lui latter la tronche, histoire de se donner un peu de bon temps, ou par des commandos de Roumains venus le délester de ses picaillons. Il y a pire : l’armée du néant, les combattants invisibles, les bataillons de streptocoques, de staphylo-coques, de gonocoques et autres bidules infectieux qui l’enveloppent matin et soir aux heures de pointe, le Parisien. Une main sur la poignée de la porte et ce sont des millions d’agresseurs qui se jettent sur lui avec une seule idée dans le noyau : le niquer !
Hélas pour eux, le combat est inégal car le bougre est puissamment armé. Tout petit, il a été plongé par ses parents dans le bouillon de culture métropolitain. Il a collé ses lèvres contre les vitres, tripoté les barres, caressé les sièges, avant de sucer avec délectation ses doigts parfumés à l’essence de prolétaire et de clodo. Tout ça pour dire que ce n’est pas une agression microbienne de plus qui va le perturber, le Parisien. Même ses anticorps ne se dérangent pas pour si peu, ils rigolent et restent bien au chaud, en attendant une vraie menace. Increvable, je vous dis !
Ce constat fait, on ne peut pas résumer le métro à une confrontation avec des germes délétères. Expérience faite, je peux aujourd’hui l’affirmer en connaissance de cause, il répond à une triple nécessité : transporter les millions d’usagers de la mégalopole ; assurer durant la journée un gîte aux clochards et à leurs chiens ; permettre aux frustrés et aux refoulés d’assouvir dans l’anonymat leurs fantasmes et leurs obsessions.
Sur ce dernier point, je pourrais vous en raconter des tonnes..."
(extrait du livre "Moi, Antoinette Védrines, thanatopractrice et pilier de rugby" aux Editions Publibook)
28/08 13:10 - veronika
24/10 17:14 - Soyouzz
C’est vrai qu’il est costaud l’environnement du métro... Depuis que je vis à (...)
24/10 14:33 - fergus
"Il existe à Paris une chose extraordinaire. Et je ne parle pas de la Sainte-Chapelle. Ni (...)
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