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Commentaire de Naja

sur Eloge de la désobéissance


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Naja Naja 29 octobre 2008 12:22

Bonjour,

J’itère ma question  : qu’entendiez-vous par "malheureusement, il y en a toujours eu..." ?
Effectivement, j’y ai vu une forme de soupir comme indiqué plus haut, en précisant que j’espérais bien me tromper. "Je rêverais que vous me détrompiez", pour me citer.

Je ne présage rien de ce que les gens font de leur vie. Sur internet, je m’en tiens à ce que je lis, et là, j’ai lu une formule laconique, ne vous en déplaise.
Vous l’entendez comme un procès d’intention dirigé à l’encontre de votre personne et vous en défendez avec colère, arguant que je n’ai pas à jouer les redresseurs de torts. Vous avez raison, je n’ai pas de leçons à vous donner sur la façon dont vous menez votre vie. Sauf que je ne le faisais pas, je m’interrogeais sur le ton désabusé de votre phrase et enfonçait le clou quant à la situation actuelle de déni collectif sur ce sujet. Point.
Vous me prêtez des accusations que je ne formule pas, ni ne pense. Et je note que vous ne vous privez pas de m’asséner vos leçons au passage, ce qui il faut bien le reconnaître, a quelque chose d’amusant étant donné que vous vous élevez précisément contre ladite attitude.

Tout comme vous, j’estime ne pas avoir à me justifier. Toutefois je juge utile, dans le contexte de cet échange, de répondre à votre dernière question.

"Et vous que faites vous concrètement ?!!"
Je m’efforce de mettre un pied devant l’autre sur un chemin qui, j’espère, me mène à une dignité recouvrée.
Le plus souvent passive et solitaire, je m’informe et observe autour de moi les réactions et les non réactions sur quantité de questions. J’enregistre et je réfléchis. Après quoi, je transmets, parle et débats de ce que j’ai compris comme de ce qui m’échappe.
Et quand j’en ai le courage et l’énergie, je témoigne de ce que je connais bien. Je m’efforce de trouver les mots et le ton qui me convient le mieux pour exliquer ce que c’est d’avoir dû grandir dans une famille de pervers incestueux  :
Se réveiller, passé 20 ans, d’une vie d’anesthésie pour "découvrir" que d’aussi loin qu’on se rappelle, on a toujours été l’objet sexuel de son père, puis de son frère, dans le silence de sa mère.
Vivre a postériori ces trahisons et intégrer peu à peu les horreurs subies depuis la petite enfance. 
Devoir abandonner tout ce qu’on pensait être ses repères et son identité.
Se confronter au vide sidéral qui s’ouvre alors devant ce qui reste de soi dans cet effondrement.
Chercher des valeurs plus humaines et déterrer son anthenticité, enfouie sous des montagnes de merde.
Lutter contre soi-même et ses tendances auto-destructrices.
Devoir se taire et avoir l’air normale pour ne pas souffrir les réactions défensives de ses pairs, ces derniers se sentant irrémédiablement mis en danger devant cette réalité.
Découvrir avec stupeur que de telles infâmies sont effroyablement courantes.

Se confronter au déni de toute une société après être péniblement sorti du sien.
Assister impuissante à l’instrumentalisation de sa douleur anonyme par des décideurs ou hauts-responsables cyniques et uniquement mûs par leur besoin de pouvoir et leurs intérêts personnels.
Accepter d’être oubliée, voire raillée et accusée, par ceux dont on aurait espérer quelque soutien et reconnaissance, à défaut d’avoir pu se construire dans une famille digne de ce nom. (proches et collectivité  : psys, médecins, justice, politiques, opinion publique).
Refuser de transformer la colère qui en découle en amertume, misanthropie ou cynisme.
Essayer de s’ouvrir à ce que les gens peuvent avoir de bon et d’appréciable en dépit des mesquineries et bassesses que la vie nous amène à relever.

Concrètement, ça ne donne pas grand chose non.
J’essaie du mieux que je peux d’ouvrir les yeux de certains, en restant à ma place et sans me faire d’illusions sur la petitesse de mes moyens. Loin de moi l’idée d’enjoindre quiconque à en faire son cheval de bataille. J’estime qu’il
faudrait déjà que l’on cesse de vouloir s’aveugler. Qu’on le fasse en minimisant, déniant, banalisant ou en se disant qu’on ne peut qu’accepter en le déplorant ce que l’on suppose -sans savoir- exister depuis la nuit des temps.
Chacun de nous compte dans son entourage proche, et sans le savoir, une personne qui a vécu la même chose que moi et crève lentement dans un silence imposé par les tabous d’une société qui préfère ignorer sa barbarie.

Sur ce, bon courage dans vos actions. Sincèrement.

Cordialement,
Naja


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