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Commentaire de Absurde

sur Le plan « France Numérique 2012 » pour guérir la fracture numérique de la France ?


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Absurde Absurde 29 octobre 2008 20:39

C’est vrai ce que vous dites à propos de l’"analphabétisme" par rapport aux interfaces graphiques, et on se demande s’il ne faudrait pas dans ces cas-là se servir d’un manuel, comme pour l’apprentissage du code de la route. 

Sur le rapport parfois problématique des français à l’internet, il y a peut-être chez certains d’entre nous cette vieille méfiance à l’endroit de l’"étranger" (qui vient aussi de leur incapacité à pratiquer d’autre langue que la leur, à moins que leur monolinguisme lui-même ne procède de leur xénophobie !), mais je ne suis pas sûr que nos amis internautes américains, asiatiques, africains, hispaniques ou... hollandais soient très nombreux à entretenir des liens de correspondance, en-dehors de leurs obligations professionnelles, avec des représentants de leurs respectives antipodes. Vous savez, la France n’a pas le monopole de la méfiance à l’endroit de l’"étranger"... et la curiosité, l’intérêt que l’on peut ressentir pour l’inconnu sont des qualités assez peu répandues. 

Vous dites que certains de vos élèves aimeraient bien que cela aille de soi avec un ordi, comme s’il s’agissait d’une voiture neuve. Sauf qu’une voiture ne reste neuve que le temps de sortir du garage, après il faut bien se soucier d’y mettre de l’essence, de vérifier le niveau d’huile, les pneus. C’est ce que j’essaie de faire comprendre à ma compagne. L’ordi n’a pas une existence propre, il n’est pas autosuffisant, c’est un outil qui comme une voiture, un réfrigérateur, un téléviseur, n’importe quel outil, réclame des réglages et un minimum d’attention(s) pour être en mesure de fonctionner idéalement. Il réclame aussi qu’on y adapte certains de ses comportements, comme on le fait au volant. Mais voilà : on a divinisé l’ordi. On en a fait une espèce de divinité domestique. Cela remonte aux vieux films de science-fiction et c’est resté dans l’imaginaire collectif. L’ordi c’est la fenêtre magique ouverte sur le monde, à côté de ça, le maniement d’un browser, d’un traitement de texte ou d’image, l’art de la mise en page, la formulation d’une requête internet sont de l’ordre du prosaïque. C’est décevant de découvrir que la magie a un prix : celui d’un apprentissage qui requiert une certaine ouverture d’esprit et une disponibilité à l’inconnu. Saura-t-on ne pas se laisser envoûter par cette magie chronophage ? Séparer le bon grain de l’ivraie dans ce continuum d’informations qui s’offre à nous, où le meilleur et le pire se conjoignent, se confondent ? 

Bien sûr que c’est compliqué. Qu’est-ce qui est simple ? Pour moi ce n’est pas tant les réticences de certains "à s’y mettre" qui est génant, ce qui me gène c’est le retard volontairement pris en France par rapport aux nouvelles libertés que nous apporte le web, un retard organisé, planifié, et qu’aujourd’hui certains politiciens dénoncent. On n’aime guère en France les gens indépendants, on aime guère que les gens choisissent seuls ce qu’ils veulent voir s’incruster sur leur écran, on n’aime pas qu’ils aient la possibilité de donner leur grain de sel et éventuellement de s’organiser dans un sens non prévu, non voulu par ceux qui entendent nous dicter leur loi. Il y a de ça aussi, je crois. 

Et il y a que les ordis, vous êtes sans doute bien placé pour le savoir, n’en sont qu’à leur préhistoire. Dans dix ans d’ici, nous regarderons nos actuels PC et leurs XP instables, leurs Vista lourdos, leurs Linux ésotériques, comme un ado d’aujourd’hui regarde passer une vieille Citroën DS. Ces engins sont terriblement compliqués, reconnaissons-le, et somme toute assez ennuyeux à manipuler avec leur cortège de connexions anachroniques à des réseaux téléphoniques antédiluviens et surtaxés. La liberté viendra du satellite, du Wimax, d’autres vecteurs non encore imaginables, il y aura toujours à ce moment-là des politiciens populistes pour prétendre nous fliquer et des cerveaux pour concevoir des dispositifs de brouillage, mais c’était déjà ça avec la radio. Les moyens mis à dispositions de chacun pour communiquer, de toujours, ont inquiété les pouvoirs... 


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