Dans sa dernière intervention, Bernard me semble dire trois choses distinctes :
- « Je sais que MC Lorne a publié un article critique sur la naturalisation de l’esprit, visant les positions de Dretske et par ricochet sans doute, le socle établi par Fodor et Churchland. Mais je ne fais qu’intuiter, je ne connais pas ses travaux. C’est une vaste perspective que vous soulignez.
- Et pour vous dire mon avis de philosophes, les deux camps, analytiques et phénoménologiques, sont parvenus à une saturation, un peu comme la scolastique médiévale en son temps.
- Le grand basculement va se produire, avec les acquis de la physique quantique et des sciences du vivants, plus le retour de Plotin sur la scène métaphysique, et d’Ibn Arabî et j’en passe. Un bouleversement comparable à celui qui vit notre modernité naître. »
Je vais répondre aussi brièvement que possible (car le premier point pourrait se discuter en entrant dans passablement de détails).
1. Le fait que Lorne ait critiqué l’interprétation de la conscience ou de l’esprit mise en avant par Fred Dretske ne signifie pas qu’elle aurait renoncé aux acquis de la philosophie analytique du langage, de la logique mathématique (celle qui remonte a Frege, donc) et de la méthodologie qui les caractérise. John Searle ne partage aucunement le matérialisme hyper-réductif et la thèse computationnelle de Patricia Churchland (aux yeux de laquelle la conscience n’existe pas, un point c’est tout), mais il n’en reste pas moins un philosophe analytique (il a maintes fois défendu le caractère sui generis, irréductible, des phénomènes sémantiques). En bref, donc, il y a amplement de place dans le paradigme analytique pour toutes sortes de désaccords, comme il y a d’ailleurs de multiples désaccords au sein du camp phénoménologique (qu’on se souvienne, par exemple, de la polémique engagée il y a quelques années par Dominique Janicaud).
2. Même si vous aviez raison sur la prétendue saturation des deux domaines, cela ne changerait pas l’hypothèse que j’ai proposée, car elle décrit un état de choses qui caractérise encore bien des départements de philosophie et informe bien des mentalités qu’on y côtoie.
3. Bien que je concède naturellement que la physique quantique et la biologie moléculaire constituent des acquis scientifiques fondamentaux, bien qu’il soit possible que ces acquis aient des incidences sur le contenu futur de la philosophie et que Plotin retrouve une certaine pertinence philosophique, ainsi que les autres choses que vous envisagez, vous conviendrez que cela concerne un avenir hypothétique plutôt que l’état de choses présent et des décennies du siècle passé que j’ai évoqué dans mon post.