Gilles-Eric Séralini : Chacun sait que les intérêts économiques des OGM sont majeurs. Dans le monde, les brevets sur les gènes permettent de breveter la base de l’alimentation et du vivant, ce qui est inédit dans l’histoire de l’humanité. Si les principales variétés de soja, de maïs, de blé et de riz deviennent des OGM brevetés, le contrôle de plus de 60 % de l’énergie alimentaire mondiale est possible. Ces intérêts économiques ne sont envisageables qu’avec des contrôles relativement légers des effets des OGM sur la santé. La défense du consommateur est donc essentielle dans ce dossier.
Gui : Etes-vous contre les OGM à cause des dangers qu’ils présentent (alimentation et biodiversité) ou pour d’autres raisons, comme, par exemple, le principe de brevetage du vivant et le libéralisme des grandes firmes agronomiques ?
Gilles-Eric Séralini : Je ne suis pas contre les OGM en général. En milieu confiné, ils représentent une avancée majeure de la recherche pour comprendre le rôle et la fonction des gènes. Diffusés dans l’environnement, ils peuvent représenter des dangers qui restent à contrôler. Le rôle qui m’échoit est de contrôler leurs effets sur la santé mais le niveau des exigences des tests induit la rentabilité économique du produit. Par exemple, demander de nourrir des rats avec des OGM avant d’en donner à tous les Européens peut rendre non rentable la commercialisation de certaines semences. Si l’on me répond que l’on ne peut pas faire certains tests que je juge indispensables pour s’assurer de la sécurité sanitaire des OGM, mais que l’on veut commercialiser quand même, alors je suis contre ces OGM.
Pascal : Je fais partie du collectif des faucheurs et je ne comprends plus les positions des scientifiques, qui dénoncent les OGM et qui restent dans une position légaliste. A l’heure actuelle, tous les signaux sont au rouge et les semences sont sur le catalogue. Quel avenir pour les actions légales ?
Gilles-Eric Séralini : Oui, bien sûr, de nombreuses actions légales sont possibles pour lesquelles nous avons besoin de soutien. Par exemple, au CRII-GEN (Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique), nous avons aidé certains maires à rédiger leurs arrêtés anti-OGM (travail de l’avocate Corinne Lepage). Nous avons attaqué à la commission d’accès aux documents administratifs afin de rendre publiques les délibérations sur les tests des effets des OGM sur la santé réalisés par les entreprises. Nous travaillons à présent pour qu’il soit légal de mettre en ligne ces tests réalisés par les industriels, considérés comme des secrets, alors qu’ils montrent des effets. Nous avons aussi travaillé à mettre en place l’étiquetage en Europe, la traçabilité en Chine ou au Canada.
Ces actions légales ont porté leurs fruits et ne peuvent être négligées.
Oeilletrouge_2 : Existe-t-il, à l’heure actuelle, des preuves tangibles que les OGM sont néfastes pour la santé ?
Gilles-Eric Séralini : Oui, je viens de citer les effets sur la santé qui ont été mesurés chez des rats après trois mois de consommation d’ OGM en voie de commercialisation en Europe. Il s’agissait d’augmentation du taux de sucre sanguin, dans le cas d’un OGM précis, d’anomalie dans les taux de globules blancs et de globules rouges, de lésions rénales... Je détaille tout cela dans mon dernier ouvrage.
Stef : Outre la recherche, qu’apportent les OGM à l’homme ?
Gilles-Eric Séralini : Le génie génétique est une science très puissante. Tout peut être imaginé à partir de la connaissance progressive des gènes des êtres vivants. Mais il est remarquable de constater que, après vingt ans de savoir-faire (la première plante transgénique a été obtenue en 1983), le monde industriel n’a développé que deux types de plantes OGM dans l’environnement. Elles occupent plus de 99 % des surfaces cultivées en OGM commercialisés. Ce sont des plantes qui produisent ou tolèrent les pesticides, et sont des aides techniques à l’agriculture intensive.
Pascal : Tout va trop vite. Les actions légales sont dépassées par l’offensive des multinationales semencières.
Gilles-Eric Séralini : Non, elles ont permis notamment que les surfaces cultivées en Europe en OGM ne dépassent pas 0,01 %, et l’obtention du moratoire. Pour les industriels, qui prévoyaient dès 1996 d’atteindre 50 % d’OGM en Europe, c’est un vaste échec. De toute manière, l’obtention de meilleurs niveaux de contrôle et de traçabilité des OGM est une voie incontournable et qui crée des acquis indispensables pour l’avenir.
Gui : Ne faudrait-il pas finalement que les pays européens aient le courage d’interdire les OGM de première génération, comme le maïs Bt par exemple, qui n’ont aucune utilité pour notre société mais qui, au contraire, donnent une mauvaise image de ce que pourrait aussi permettre un OGM , de deuxième génération, qui serait par exemple résistant à la sécheresse ?
Gilles-Eric Séralini : Certainement, je suis proche de penser cela. Cependant, les OGM de deuxième génération sont nés en 1998, après la première génération de 1995. Ce sont des plantes qui combinent les deux caractères de tolérance à un herbicide et de production d’un insecticide, et il faudra entre cinq et vingt ans au minimum pour que d’autres types d’OGM soient majoritaires, si jamais d’autres OGM apparaissent sur le marché. L’inertie due au temps de développement des semences, et à l’obtention de nouvelles autorisations, est plus grande qu’on ne le croit.
Mchk : Qui est derrière cette poussée de l’utilisation des OGM ?
Gilles-Eric Séralini : Les acteurs sont des industriels qui commercialisent et développent ces OGM, qui apportent les moyens du lobbying, mais ces moyens sont relayés par des politiques ou des scientifiques. Le débat et la contradiction traversent tous les partis politiques, ou les ont traversés ; même la Confédération paysanne a eu des débats contradictoires, en 1996, avec des scientifiques avant de prendre parti. Deux consensus se dégagent parmi les grands partis.
Un : ne pas freiner le développement des biotechnologies, jugé vecteur de développement de l’économie.
Deux : mieux contrôler les OGM au niveau de l’étiquetage, de la traçabilité. Ce sont les contradictions entre ces deux axes qui font débat. On peut noter cependant, que de nombreux présidents de région socialistes ont interdit les OGM sur leurs territoires, que les Verts sont opposés aux OGM dans l’état actuel de la réglementation, et que le mouvement politique de Corinne Lepage, Cap 21, est actif dans les propositions pour un meilleur contrôle des OGM.
LES OGM VONT-ILS TUER L’AGRICULTURE BIOLOGIQUE ?
Robert : La généralisation des OGM ne sonne-t-elle pas le glas de l’agriculture biologique ?
Gilles-Eric Séralini : Remarquons d’abord que l’agriculture biologique représente des centaines de fois plus de surfaces en Europe que les OGM, et qu’elle ne veut pas des OGM à cause des gènes artificiels, des brevets sur les semences, et de l’usage des pesticides. La volonté politique de l’Europe est de développer une agriculture durable qui devrait passer plus par l’agriculture biologique que par les OGM actuels. Tout dépend donc des volontés politiques à venir. Si un régime de responsabilité pour les OGM contaminants est trouvé, comme en Allemagne, les OGM pourraient être marginalisés en Europe. S’ils se développent par contre avec peu de contrôles, et peu de regard des autorités publiques sur la qualité de l’étiquetage, c’est l’agriculture biologique qui risque d’être marginalisée.
Angel : Quels sont les tests qui coûtent cher et qui pourraient être refusés par les firmes pour question de rentabilité, comme vous l’évoquiez précédemment ?
Gilles-Eric Séralini : Ce sont les tests de consommation et de toxicité sur des animaux vivants, de laboratoire et de ferme, et une biovigilance sanitaire ensuite.
Sana : Pour le consommateur, quel est l’intérêt de consommer des produits OGM ?
Gilles-Eric Séralini : Pour l’instant, il n’y en a pas. Les deux types de plantes développés depuis vingt ans dans l’environnement sont là pour pouvoir absorber des désherbants sans mourir (près de 75 % des sojas et maïs OGM) et pour produire un insecticide (25 %, surtout dans le maïs). Et le maïs et le soja représentent plus de 80 % des OGM.
OGM_ContreLaFaim : Les OGM ne pourraient-ils pas être une solution contre la faim dans le monde ?
Gilles-Eric Séralini : Ces intérêts sont loin du consommateur. Ils risquent d’amplifier la famine dans le monde, car ce sont des produits alimentaires sous brevets. Les pays pauvres manquent, par exemple, de médicaments parce que ce sont des produits sous brevets. Contrôler de la même manière l’alimentation est très grave.
Ray : Seriez-vous hostile à une recherche sur les OGM permettant d’optimiser les rendements de biocarburants ?
Gilles-Eric Séralini : Le problème n’est pas là. Toute recherche est possible, et on ne peut pas être hostile à la recherche en général, à mon avis. Cependant, tout dépend des conditions dans lesquelles elle est effectuée en plein champ. Aujourd’hui, le gouvernement n’a pas développé de méthodes pour reconnaître les contaminations des OGM expérimentaux dans les champs voisins des expériences. Quels seront les tests de toxicité au sortir de la serre si la plante peut être mêlée à l’alimentation ?
Jordan23 : Ne voyez-vous pas au moins une ou deux applications possibles et utiles des OGM pour les consommateurs ou les agriculteurs ?
Gilles-Eric Séralini : Il y a toute une série d’applications possibles. Celles qui nécessitent le contrôle de plusieurs dizaines de gènes : tolérances à la salinité, à la sécheresse, au gel, etc., ne seront pas développées avant de nombreuses années. Et quel que soit l’OGM qui en sortira, il ne justifiera pas que l’on accepte les OGM actuels sans contrôle. Le problème n’est donc pas tant le génie génétique et ses potentialités, mais son niveau de contrôle face aux intérêts économiques.
15/01 01:49 - brieli67
ENFIN ENFIN endlich..... Je comprends mieux cette facscination pour le (...)
15/01 00:13 - Kobayachi
Vraiment du n’importe quoi ! Je suis dans l’electrotechnique et (...)
03/12 12:04 - max14z
les OGM sont du poison !!!!!!! ce ne sont pas des produits naturel et sains, ils veulent (...)
06/11 23:02 - canardQuantique
04/11 23:10 - Sybille
Le problème principal c’est la gouvernance Euroligarchique qui favorise et simplifie le (...)
02/11 20:56 - 3°oeil
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