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Commentaire de Serge-André Guay

sur Semaine de prévention du suicide - L'échec de la psychologie moderne


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Serge-André Guay (---.---.149.166) 11 février 2006 05:13

Cher Monsieur Talion,

Je crois que nous devons tirer leçon de votre commentaire en apprenant à considérer que personne n’est à l’abris d’un problème de santé mentale et qu’il ne faut surtout pas se fier aux apparences. Les personnes les plus souriantes et les plus enjouées peuvent vivre une détesse profonde sans le laisser paraître. IL faut dire qu’il n’est pas de bon usage en notre société d’afficher sa détresse car elle est souvent perçue comme un signe de faiblesse. À mon humble avis, c’est donc moins l’incapacité à communiquer ses sentiments profonds mais la réception négatives des proches qui est en cause. Les gens ont souvent très peur de la confidence, tant chez celui qui souhaite se confier que chez celui qui la recoit. Bref, les conventions sociales, souvent truffées de préjugés, sont rarement propices à la confidence. Toute la question est de savoir à qui je peux me confier sans être jugé, sans qu’on vienne me le remettre sur le nez demain.

Aussi, la perception des proches se trouve souvent biaisée chez la personne en mal de vivre. On se confiera difficilement, même à son meilleur ami.

Dans ce contexte, ma stratégie préférée, depuis mon adolescence, est de n’accepter aucune intimité ou jardin secret tant pour moi-même que chez les autres. Il faut être prêt à discuter de tout. Il ne s’agit pas ici de manquer de pudeur et de respect envers l’autre mais plutôt de prouver le bénéfice de la communication ouverte. Ce faisant, seuls des commentaires objectifs peuvent être faits à l’autre. On évite donc ainsi les jugements personnels si redoutés par son interlocuteur.

Évidemment, tout le monde ne parvient pas à s’ouvrir ainsi, même avec la meilleure volonté. Car j’ai constaté qu’au-delà de la confidence du mal de vivre, souvent émotive et sentimentale, les gens ont bien peu de choses à dire sur eux-mêmes. Ils ne se connaissent pas. Ils ressentent que quelque chose ne va pas mais ils n’en connaissent pas la cause première en eux-mêmes. Ils peuvent souvent identifier l’événement extérieur qui a tout déclenché. Mais ils éprouvent souvent une souffrance additionnelle en constatant qu’ils n’ont pas de prise sur cet événement. En revanche, ils connaissent peu ce sur quoi ils ont prise, c’est-à-dire eux-mêmes, y compris leurs réactions internes.

Tant et aussi longtemps que tout va bien, ce manque de connaissance de soi ne cause pas de problème. On s’oublie ou on s’apprécie superficiellement et cela suffit à garder le moral. Mais lorsque le mal de vivre frappe, cette fuite de soi-même devient pratiquement impossible. On se sent pris au piège. On cherche une porte de sortie sans la trouver. On finit par envisager la mort comme la solution ultime.

Bref, je crois qu’en se privant d’une solide connaissance de soi au sens large de l’Être, on se prive d’un outil essentiel pour affronter le mal de vivre tout comme pour aider les autres.

Serge-André Guay

P.S. : Puis-je reproduire votre commentaire sur mon blogue Le mal de vivre (http://suicidaire.blogspot.com/) ?


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