Holbecq,
Les points que tu mets en exergue se retrouvent souvent et en substance sur le Net, mais comment dirais-je, sans être faux, je trouve qu’il manque à chaque fois la vue depuis l’autre angle. Car il y a d’autres angles de vue possible d’un même fait reconnu. Comme nous en sommes à imaginer des révolutions financières, il me semble qu’il faut commencer par diversifier ses angles de vue
Faute de temps et pour ne pas faire trop long, je ne vais traiter que de quelques points en m’appuyant sur ton texte
"- Depuis 1971, plus aucune monnaie n’est liée à un étalon réel (or), ce qui la rend depuis totalement virtuelle et donc potentiellement infinie. Seules les règles définies par les hommes eux-mêmes en limitent l’émission."
Est riche celui qui détient des légions d’hommes suant pour lui à toutes sortes de choses (creuser la terre pour y chercher des raretés, construire des palais, cultiver des champs...) ou qui détiendra des engagements irrévocables de légions d’hommes à suer voire à se tuer pour lui à toutes sortes de tâches.
« Donnez-moi une tonne d’or et jetez-moi sur une île déserte, je vous rendrai l’or contre quelques esclaves »
Ou
« Un seul Vendredi ferait, de tous mes jours, des dimanches »
C’est bien pour cela que l’esclavage a existé sous une forme si impudique autrefois et qu’il perdure sous mille formes plus pudiques et moins absolues depuis que le christianisme a reconnu une âme aux Indiens
Si pour un Midas ou un Crésus, l’or tiré du Pactole constituait la richesse stockable, inaltérable, échangeable de premier plan, il ne faut surtout pas croire que la richesse d’un roi ou d’un seigneur ne se comptait qu’en or. Elle se comptait d’abord en vies assujetties avec son corollaire de territoire contrôlé.
L’or en soi n’intéresse personne à part Picsou. Quand on en a, une fois quelques réserves faites, on se précipite pour convertir le reste en objets traduisant mieux le travail (ponts, bijoux, soieries, palais, tableaux, sculptures, vins…)
L’homme aura constamment cherché le moyen de réaliser la conversion réciproque entre travail humain (et animal) et quelque chose de neutre, de stockable, d’inaltérable, d’échangeable
Tout le monde a participé à cette recherche et les banques en ont fait leur spécialité
Il y a le travail passé, d’amplitude infinie, (qui se retrouve dans un château, dans un pont, dans une digue terminés, dans un lingot d’or)
Il y a le travail présent partagé entre passé et futur (qui s’exprime dans le fait qu’on nous serve notre repas à l’instant, qu’on nous coupe les cheveux, qu’on nous cire les pompes, qu’on soit en train de creuser une mine)
Il y a le travail futur, à valoir, promis, et c’est là qu’intervient le contrat, l’engagement, la SIGNATURE et toute la question de la contrainte, de l’enchainement
C’est surtout sur ce travail futur, sur cet engagement à produire, qu’ont travaillé les banques et elles ne pouvaient trouver de solutions sans le concours des autres secteurs. L’idée étant que si l’on ne peut plus se permettre d’enchainer un esclave, il faut bien trouver un moyen d’obliger un contractant à honorer ses promesses. Alors tous les autres secteurs ont aidé le secteur bancaire à contraindre ses contractants : Identification, Police, Justice, sédentarisation, inscriptions multiples et croisées, enregistrements en tous genres…
"Contrairement à ce que croit la majorité d’entre nous, ce ne sont plus les États qui émettent la monnaie, maisv le système bancaire privé. La Banque Centrale Européenne a seulement le monopole de l’émission des pièces et billets (soit 15% de la masse monétaire) ; les banques commerciales créent la différence, soit 85%. Comment ? Lorsqu’elles acceptent une demande de crédit. Elles ont donc en main le destin des peuples, puisqu’elles seules décident d’accepter ou de refuser le financement des projets dont les citoyens demandent le financement. "
La loupe est particulièrement pointée vers le guichetier comme s’il était le seul incitateur, le seul demandeur et le seul décideur. Or, de l’autre côté du guichet, face au banquier, il y a une personne qui propose, qui demande, qui supplie parfois, qu’en contrepartie de son engagement à produire plus tard de la richesse, il lui soit fait confiance et qu’il lui soit accordé de l’or ou de la monnaie, sur le champ. Il veut du cash contre sa parole. C’est lui qui argumente, revient à la charge et insiste.
"Je ne possède rien mais je suis doué, j’ai toutes les capacités et la jeunesse pour produire un travail de qualité. Avancez-moi de quoi m’acheter un outil, je vous le rembourserai en seulement 10 ans"
En finale, cet argent qui circule, qu’il soit papier ou électronique, est un argent certifié par les banques qui auront toutes examiné les risques à la loupe et consenti la conversion avec circonspection et prudence.
Ca c’est le principe de base qui permet à toutes les banques de se faire mutuellement confiance, de reconnaître entre elles la même valeur accordée à leurs contrats ; de ses les échanger ; de se les transmettre et d’inscrire leurs opérations dans la colonne des actifs selon une même norme comptable. C’est grâce à cette uniformisation de principe que les banques en sont venues à créer quasiment ab nihilo et avec un risque raisonnable, le cash demandé par l’emprunteur (que certains appellent argent-dette)
Ce principe de base à risque raisonnable fonctionnant à peu près malgré ses innombrables imperfections, ce travail de conversion bancaire étant lui-même une richesse, les clients comme les banquiers ont eu tendance à augmenter le niveau de risque au fil des années (comme dans le cirque, dans le cinéma, dans le transport, le ski, comme partout en fait : « Toujours plus haut, toujours plus fort »).
Et on aura alors entendu
" Je n’ai encore rien fait de mes dix doigts, je me suis fait virer de partout, j’ai déjà plein d’engagements envers des tas de gens, mais je ne suis pas plus con que mon voisin à qui vous avez dit "oui", alors je pense que, moi aussi, je pourrai vous rembourser ; mais sur 30 ans"
Demande à laquelle certaines banques spécialisées - probablement créées par des opportunistes - ont répondu favorablement avec une stratégie de court terme : mensualités réduites au départ pour tenter le chaland et faire illusion quelques années le temps de refourguer (après moult reconditionnements, assaisonnements et re-notations) ces engagements à hauts risques aux consœurs.
Il n’y a aucune raison pour que la remballe qui se produit dans la politique, l’alimentation, l’assurance, l’automobile, l’habillement ou l’immobilier, ne se produise pas également dans la finance.
De même que le réseau sanguin n’a pas le destin du corps entre ses mains, les banques n’ont pas le destin des peuples entre les leurs. Dans les deux cas il y a interdépendance.
Ce n’est cependant pas parce qu’il y a des embolies, des infarctus, des leucémies, des hémorragies, que le principe de la distribution de sang via un réseau spécialisé est mauvais.
« C’est ainsi que dans notre pays, depuis 1973, nous avons déjà payé, au seul titre de l’intérêt, plus de 1300 milliards d’euros, soit une ponction actuelle sur nos impôts et sur le fruit de notre travail de près de 120 millions d’euros par jour, et nous devons toujours 1250 milliards d’euros en principal. Si nous n’avions pas eu à payer d’intérêts, nous n’aurions pas de dette publique ! »
Est-il anormal qu’arrivant « au monde » dans un pays structuré présentant à la fois contraintes et avantages, il y ait à devoir tous les jours un loyer de 5€ pour le service de la dette (capital+ intérêts) pour ces structures ?
Ces 5 € /J que paie chacun Français par le biais de ses divers impôts et taxes, correspondent à peu près à ce qui nous est demandé sous l’appellation de TVA
Il aurait été difficile de payer 25€ / Jour famille autrefois, mais il est très possible de les payer aujourd’hui grâce à nos meilleures infrastructures, à notre meilleure espérance de vie aussi
Et plus tard, chaque famille sera en mesure de payer 40€/j pour habiter cette France équipée-meublée parce qu’il y aura alors eu de nouveaux progrès en tous genres qui permettront à chacun de produire de la richesse encore plus facilement qu’aujourd’hui
Cependant, il n’est pas surprenant que dans certaines activités, la progression de la « facilité à fabriquer de la richesse » soit plus rapide ou plus évidente que dans d’autres. Un cas est flagrant : celui des pêcheurs. Malgré les progrès techniques et législatifs qui auraient pu rendre l’activité de la pêche plus aisée, les pêcheurs n’ont pas trop l’impression de fabriquer plus facilement des richesses aujourd’hui qu’autrefois. Et cela parce que c’est une activité prédatrice encore très insuffisamment réorganisée. Au contraire, les créateurs de jeux vidéo ne sont limités par rien.et gagnent plus facilement leur vie que les amuseurs publics d’autrefois.
Alors certains vont trouver que 5 €/j pour ce meublé ce n’est pas bien cher pendant que d’autres ne pourront pas suivre.
« Suite au Traité de Maastricht (article 104 qui interdit à la BCE et aux banques centrales nationales d’accorder un quelconque crédit aux institutions ou organes publics de la Communauté), toute l’Europe est dans la même situation. Cela conduit les États à s’endetter pour obtenir, au prix fort, auprès de la finance privée, la monnaie « virtuelle » qu’ils pourraient émettre eux-mêmes par l’intermédiaire de leur Banque Centrale. »
Quoi ? Il y aurait une monnaie unique que chaque Etat pourrait imprimer à sa guise ? Ouh la la !
Quoi, chacun des Etats US pourraient imprimer du dollar ?
Dans la zone Euro il n’y a pas de banque centrale nationale
Il n’y a qu’une seule Banque Centrale, c’est la BCE. Elle est absolument autonome et seule à pouvoir fabriquer la monnaie.
Il est tout à fait normal qu’à partir du moment où l’on cherche à fixer une monnaie européenne, on interdise à ses adhérents de fabriquer, chacun pour son compte, de cette monnaie.
Ce n’est pas parce qu’on est utilisateur d’une monnaie qu’on peut forcément la fabriquer.
Il est tout à fait normal que chaque Etat membre offre quelque chose de valeur (un engagement de son peuple à suer pour rembourser) en gage ou en retour s’il veut du papier de la part de la BCE
Sinon c’est le Zimbabwe.