Belle conclusion, qui ouvre le champ à la réflexion... Je cite :
Reste à savoir ce qui caractérise en propre la domination capitaliste. Il faudrait expliquer, notamment, comment elle peut s’appuyer en même temps sur des idéologies égalitaires et universalistes (libéralisme, déclarations des droits de l’homme, républicanisme, etc.) et sur des idéologies réactionnaires comme le racisme. Mais cette contradiction mériterait à elle toute seule un article complet. Une prochaine fois, peut-être…
"Après la Démocratie" d’Emmanuel Todd apporte un très intéressant éclairage sur cette "contradiction" qui en fait n’en est pas une (le paradoxe est l’ingrédient inévitable de toute pensée humaine).
Entre autres, Todd fait cette remarque assez dérangeante parce que très juste et particulièrement inattendue : le principe d’égalité sociale entre individus d’un même groupe ne peut se faire admettre et avoir une place qu’en s’appuyant sur le principe d’inégalité ethnique entre groupes.
Suit une passionnante réflexion sur le racisme comme fondement de la démocratie américaine dans la population blanche, en dépit des traditions libertaires et inégalitaires de ce même groupe.
Par ailleurs je voudrais savoir en quoi le libéralisme est une idéologie égalitaire ?
À mon avis, ce serait plutôt le contraire : la Liberté a toujours fait très mauvais ménage avec l’Égalité, ce qui se comprend puisque l’application des principes de liberté renforce inéluctablement la position des classes déjà dominantes (le renard dans le poulailler) et c’est bien pour cela qu’il a fallu, en France où la tradition égalitaire est très forte, instaurer un "ménage à trois" avec la Fraternité comme médiatrice entre les deux pôles inconciliables.
Un petit retour sur la biologie, la race et tous ces concepts qui fâchent...
Les théories qui instituent une hiérarchie génétique entre les individus ont une arrière-pensée évidente, qu’il faudra bien un jour montrer du doigt : la justification d’un rapport à la possession, qui est par définition une caractéristique des classes aisées et possédantes, donc dominantes : suivez mon regard...
En France ce rapport est identifié en tant que transmission de la possession par le rituel de l’héritage.
Ainsi est-il normal que le fils du chef devienne chef à son tour : il détient génétiquement la valeur du père (il suffit de regarder le fils Dassault ou le fils Lagardère en pensant à leurs pères respectifs pour comprendre l’inanité d’une telle thèse).
Aux USA, ce rapport est identifié en tant qu’acquisition des richesses par le travail et le mérite personnel, eux-mêmes fruits de la qualité intrinsèque à la personne. L’héritage n’a pas outre-Atlantique la même valeur qu’en France, mais la fierté de montrer sa réussite se traduit assez couramment par un exhibitionnisme arrogant : c’est mon argent, je l’ai gagné, donc j’en fais ce que je veux ; et, cerise sur le gâteau, je fais acte de civisme en réinjectant dans la société les sommes que j’en ai tirées.
Aux fils de famille français, l’Amérique répond par ses milliardaires scandaleux comme Donald Trump ou somptueux comme Bill Gates.
C’est à partir de tels raisonnements, centrés sur la pré-éminence du gène, que nous assistons —aussi bien dans une tradition égalitaire à la française qu’au sein d’une culture américaine libertaire— à un glissement "lisse" de la logique sociale vers la logique raciale.
C’est là que les choses se compliquent et que mal les aborder peut les rendre carrément dangereuses :
Parce qu’il suffit très ordinairement de "voir" pour constater que les races existent, et la négation de la race va immédiatement se heurter à l’évidence de ce qui se voit, et donc être décridibilisée sans que ni d’un côté ni de l’autre il n’y ait eu place pour un appel à l’intelligence.
Nier l’existence des races est donc parfaitement contre-productif quand tout l’effort devrait porter sur la démonstration —pourtant assez facile— que la race en soi n’a aucune importance, l’essentiel des différences entre populations étant d’ordre culturel.
Surmonter des écarts d’éducation n’a rien de surhumain, et je suis toujours étonné de voir qu’on rebute trop souvent à aborder le problème sous cet angle.
Sans doute parce que c’est plus difficile et moins confortable ?
Pour terminer, une jolie pensée piochée il y a au moins 15 ans dans un Que sais-je ? :
la négation ampute la réalité d’un état possible
J’ai trouvé l’article très intéressant, car il amène le besoin de débattre et c’est bien ainsi. J’y retourne