À moins d’une grave erreur de ma part, le concept de séparation des Églises et de l’État ne figure ni dans le premier amendement des Bills of rights (Déclaration des droits) ni dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. L’Église de France sera même religion nationale pendant les premières années de la Révolution, notamment avec la Constitution civile du clergé ; il n’est donc pas encore question dans l’un et l’autre texte d’une réelle séparation au sens de la loi de 1905, ni même de son évocation. La séparation sur laquelle se fondent les deux pays à l’époque est celle des pouvoirs, l’une inspirée par le Traité du gouvernement civil de Locke et l’autre par De l’esprit des lois de Montesquieu.
S’agissant des influences entre France et États-Unis, de nombreuses thèses antagonistes existent ; mais rien de ce qui ressemblerait à un consensus entre historiens ne permet d’affirmer une filiation.
Concernant les sources, si Locke a grandement influencé les rédacteurs de la Déclaration des droits, sa position concernant l’athéisme ne permet pas de fonder sur son approche la laïcité moderne (laquelle préserve tous les types de convictions). Locke affirme que la liberté de conscience ne peut être que religieuse, alors qu’elle est absolue pour les philosophes français.
Les approches de Rousseau, Diderot, Voltaire et Condorcet, tout en condamnant le cléricalisme, privilégieront en effet une approche de l’homme en tant que tel, quelles que soient ses idées ou ses origines. Pour eux, le seul pouvoir vient de l’homme lui-même, qui s’en dessaisit volontairement au profit de la communauté humaine dans son ensemble, le peuple.
Ces deux lectures des droits de l’homme que l’on trouve chez les Lumières divergent sur le point essentiel de l’universalisme.