Bonjour et merci pour votre réponse,
Votre exemple du commutateur est très intéréssant et illustre assez bien ce que je voulais dire, peut être que je n’ai pas été assez clair et je vais donc clarifier.
On est typiquement dans un cadre d’innovation, et la question est est ce que l’innovation fait partie dans la capacité à produire l’objet (industrie) ou dans la conception (services). Car les deux activités sont de plus en plus séparés notamment dans l’électronique.
Le cycle de vie d’un tel produit commence par une phase purement intellectuelle de recherche, à savoir trouver la bonne façon de faire fonctionner le système. Cette phase la c’est souvent des Maths brutes et ca peut être réalisé dans l’entreprise ou en partenariat avec une université. Puis vient effectivement une phase d’expérimentation ou le but n’est pas de produire en masse mais juste de réaliser un prototype qui servira à valider le bon fonctionnement de l’invention.
Le tout est généralement couronné par un dépot de brevet et c’est ce dépot de brevet qui va assurer la rentabilité de l’invention. Sans dépot de brevet, ils se feraient piller leur invention et celle-ci ne vaudrait rapidement plus rien. La plupart des boites d’innovation s’arrêtent d’ailleurs plus ou moins à ce stade.
Après :
- Soit l’invention n’est pas industrialisée par la boite en question, mais d’autres boites vont produire pour elle et paieront une license pour le brevet ou voire même pour l’intégralité des plans (assez courant dans l’électronique ou vous pouvez acheter le code VHDL pour plein de choses). Dans ce cas, il vaut mieux être à la place de celui qui a la propriété intellectuelle qu’à la place de celui qui fabrique.
- Soit l’invention est envoyée chez des fabriquants divers et variés généralement à Taiwan (qui pour du haut de gamme est plus fiable que la Chine) qui vont produire et brander le produit. Dans ce cas, la bonne façon de faire est de faire produire le produit et d’y faire installer un "firmware" minimal (voir avec des bugs stratégiquement inclus) et de faire juste un flashage avec le bon firmware une fois la marchandise arrivée au port. Comme ca si le mec essaie de vous voler, il en aura pour ses frais.
- Soit le but de la boite est tout simplement de faire un démonstrateur et de se faire racheter par un gros. (Vous avez cité Alcatel).
La dernière entreprise qui a ma connaissance innove et fabrique elle même est Intel. Quasiment tous les autres y compris Nvidia ou AMD sont "fabless" : Ils innovent et chargent d’autres de produire pour eux.
Les américains sont justement les champions du monde de ce découplage, ils se concentrent sur la partie à forte valeure ajoutée et laissent faire la production (faible valeure ajoutée) par d’autres.
Je sépare donc pour être plus clair toute la partie conception qui relève pour moi du secteur tertiaire et la partie liée à la production qui relève du secondaire. On rencontre des problèmes soit dans les boites qui ne font que de la production, soit dans les boites qui n’ont pas fait leur découplage et qui continuent de trainer avec elles la partie production avec tout ce que cela implique.
Il est bien évident qu’une telle technologie est stratégique car, les pays qui l’installeront les premiers en retireront un avantage compétitif qui leur permettra de se développer encore plus, etc..
C’est un produit qui sera vendu, tous les pays l’auront plus ou moins en même temps si ils peuvent l’acheter. Le seul qui en tirera un avantage compétitif c’est le ou les propriétaires du brevet. La nation ne rentre pas en compte, on parles ici de commerce.
A l’inverse, les services, même s’ils permettent de gagner parfois (pas toujours) en compétitivité, sont facilement copiables et en aucun cas ne permettent les gains de productivité de l’industrie.
Un service comme Google est au contraire très difficilement copiable. Certains services à faible valeur ajoutée sont effectivement copiables (nettoyer les chiottes par exemple) mais ils ne sont en général pas délocalisables ce qui les protége un minimum.
La plupart des logiciels offrent également quelque chose qui prend énormément de temps et d’énergie à refaire. Idem pour les systémes de billeterie de spectacles (pas si simple de rentrer sur le marché), les boites d’ingénierie ou autres.
Toujours à propos de l’industrie, je ne partage pas votre point de vue d’une industrie aux marges faibles. Ce n’est absolument pas le cas. La PME américaine dont il est question plus haut se fait actuellement des "c..." en or car elle est la seule capable de faire cela. Alcatel-Lucent, qui prévoit de commercialiser un concurrent en 2010 fera baisser sa marge mais gageons que les loups ne se dévoreront pas entre eux.
Si le produit est bon, Alcatel ou un concurrent d’Alcatel proposera certainement un gros chèque pour racheter l’entreprise (ou plutot ses brevets) et cela continuera ainsi !
Je finirai ce tour d’horizon de votre commentaire par l’agriculture à laquelle vous faites référence. En ne prenant en compte que la partie productrice primaire de cette activité, vous faites une erreur car vous comparez cette agriculture primaire actuelle avec celle, disons, de la fin du XIXe. En fait, pour être complet et parler de choses comparables, il faudrait comparer l’agriculture primaire du XIXe et l’industrie agroalimentaire actuelle.
C’est la que je ne suis pas d’accord, il y a une différence entre collecter de la matière premiére (ici des fruits et légumes) et la transformer. Ce sont deux métiers très différents. Et c’est aussi pour la même raison que je sépare l’acte de conception d’un produit (service) de l’acte de production de ce même produit.
Mais peut être qu’ainsi mon point de vue est plus clair ?