• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de Absurde

sur Samuel Huntington : choc des civilisations ou choc de l'ignorance ?


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Absurde Absurde 29 décembre 2008 11:10

Pour moi, il n’y a peut-être pas un choc des civilisations au sens où l’entendait Huntington, mais un choc des cultures qui s’opère au sein même de nos sociétés. A la fois c’est une réactualisation de la lutte des classes et un choc générationel.

Le XXème siècle a connu une formidable accélération technologique qui a atteint son apogée avec la démocratisation du web dans la décennie 1990-2000, en même temps que resugissait un conservatisme réactionnaire pur et dur été qui a contribué à la globalisation d’un système économique dit néolibéral, dont nous constatons aujourd’hui à quel point il est nuisible aux plans humain et écologique. 

Le XXème siècle a marqué aussi la chute de l’idéal socialiste, l’effondrement du catholicisme, la mise en abîme des espoirs révolutionnaires, la disparition progressive des idéologies humanistes par leur éclatement, leur dispersion en autant de micro-idéologies incapables de cohésion, et souvent contradictoires... au profit là encore de la nébuleuse capitaliste assortie de sa morale régressive/répressive. 

Le choc des cultures se vit dans cet antagonisme entre tenants d’idéologies disparues (humanistes) et d’idéologies vouées à s’effondrer à leur tour (capitalisme, néolibéralisme, néoconservatisme), antagonisme qui trahit notre incapacité à envisager d’autres lendemains, en fait à inventer la civilisation qui irait avec l’époque que nous vivons, une nouvelle société dont les fondements seraient disons techno-scientifiques, et qui serait centrée sur le devenir et l’émancipation de chacun et non plus sur la mémoire, le souvenir, la Nation, une morale héritée du judéo-chistianisme où la soumission à une autorité fictive, qu’elle soit l’Etat, le Marché, Dieu, le Capital ou la Loi, fait de chacun d’entre nous des pions contraints à la docilité, de gré ou de force. 

Il se passe que pour la première fois de l’Histoire de l’Humanité, les ressortissants de trois siècles sont voués à cohabiter. Il se trouve encore parmi nous des personnes nées au XIXème siècle, un plus grand nombre de personnes nées dans la première moitié du XXème siècle, un plus grand nombre encore de personnes appartenant aux générations de l’après-Seconde guerre mondiale, etc. Quels repères culturels peuvent avoir en commun un employé des Chemins de fer né en 1919, patriote, un brin xénophobe et eurosceptique, une intellectuelle née en 1950 et qui aura "fait 68" et qui sera restée écolo, un père de famille né en 1973 qui enchaîne les CDD et rejette les syndicats traditionnels, une étudiante en sciences-éco née à la fin des années 80 et envisageant de s’expatrier à Londres ou Ottawa à la fin de son cursus, et un ado né en France de parents originaires d’Afrique du nord accroc à son portable 3G, passant quatre heures par jours à chatter sur MSN et pour qui les études sont une perte de temps ? Tous ont la capacité de se rendre au bureau de vote et d’y exprimer leur choix pour ce qui nous est toujours présenté comme un "projet de société", une "vision de progrès", un "changement nécessaire". Tous ne peuvent avoir la même vision de ce que peuvent être des nécessités d’intérêt général. Le choc culturel il est là. Une confrontation de générations si différentes qu’elles ne peuvent plus objectivement communiquer, échanger, se comprendre, "vivre ensemble".

Ce schéma est planétaire. Je le crois aussi vrai pour les nations occidentales industrialisées que pour les pays dits émergents et les sociétés entendues comme traditionnelle. Il me paraît plus criant, et certainement plus explicite quant à la situation de chaos que nous traversons, que le "choc des civilisations" défendu par Huntington, en ce que l’Islam traditionnaliste pur et dur (mouvance Al qaeda, GIA...) est ultra-minoritaire au regard d’un Islam aussi traditionnaliste et féodal, mais qui s’est lancé dans une course au gratte-ciel le plus haut, qui construit des mégapoles en plein désert et se nourrit d’un capitalisme mafieux à faire pâlir tous les Madoff de la création. 


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès