@ davideo
Vous dites : « Et bien moi pas Bernard, je ne travaille pas pour le Surhomme Nitzschéen, mais bien pour les « éclopés de l’existence », les paumés, les zonards, les ratés, ceux qui sont partis de rien et qui ne sont arrivé nulle part, les emmerdeurs, les brebis pas seulement égarées mais galeuses, les paresseux. Ils sont comme moi, ce sont mes frères. Désolé. »
C’est une attitude louable, mais l’architecture doit-elle, DANS SON ENSEMBLE, n’avoir que cette vision du monde des éclopés ? Quel est le quartier de Paris où le peuple semble se sentir le mieux si on tient compte du nombre de gens « populaires » qu’il attire quotidiennement ? Je pense qu’on peut dire sans risque de se tromper que c’est le Trocadéro... Longtemps décrié par les cerbères du bon goût comme l’exemple type de l’architecture « mussolinienne »... Démonstration flagrante que le peuple, lui aussi, a besoin de ses fastes et que l’architecture doit savoir les lui donner...
Vous donnez des exemples de « ce qui plait aux gens »... Une fois de plus, vous tombez dans le piège de confondre l’individuel et le collectif. Bien sûr il faut « être à l’écoute » mais quand une architecture génère plus d’inconvénients que d’avantages, le bien collectif doit être capable de s’imposer face à la démultiplication des desideratas individuels.
On ne va pas construire en banlieue des villages africains, et donner à tous les immeubles le chiffre 111 ni dessiner leurs entrées comme celles des maisons du Mali... Il y a maintenant trente ans qu’on teste des solutions au « coup par coup ». Le résultat est plus que décevant malgré les sommes colossales qui ont été englouties.
Tu dis « attendons les premiers résultats ». mais ça fait longtemps qu’on les attend et on ne voit toujours rien venir.
Ce que je propose ? Pas grand-chose de bien original mais revenir à la notion de rue, c’est-à-dire à un bâti solidaire (le mot est à la mode), dans lequel les bâtiments ont un lien les uns avec les autres. Je pense qu’il faut aussi se méfier de tout ce qui ressemble à un « geste » architectural pour en revenir à plus de modestie. Et je pense indispensable d’imposer que la plupart des bâtiments retrouvent des rez-de-chaussée à usage commercial, avec, dans les nouveaux quartiers, une fiscalité de zone franche...
Pour ce qui est des bobos de Montreuil (j’ai quelques amis dans ce cas) je ne leur reproche rien, mais je constate simplement qu’ils participent à ce que tu dénonces : repousser le pauvre... Et si tu penses que les bobos se retrouveront un jour à la Grande Borne, à mon avis, tu te fous un peu de nous... Le bobo n’aura jamais la lucidité de se suicider. Il est trop « équitable » par rapport à lui-même.
Quant à Antigone que tu sembles ne pas apprécier, je constate simplement, qu’à l’instar du Trocadéro dont je parlais plus haut, c’est aujourd’hui un des quartiers les plus fréquentés de Montpellier (et les plus visités par les étrangers (en dehors de la place de l’Œuf). En tout cas, bien plus intéressant que le monstrueux Corum qui a été posé comme un blockhaus au bout de cette place. Et pour ce qui est de Nemausus, c’est loin d’être le succès escompté. D’ailleurs personne ne songe plus à s’en inspirer... Par contre l’Institut du Monde Arabe est un pur joyau... mais personne n’y habite...
Patrick Adam