John Lloyds
La question des prisonniers de Guantanamo est une véritable épine dans le pied de Barack Obama. Au plan juridique, surtout. José Luis Zapatero a bien cerné le problème : « Si j’anticipe (une éventuelle demande de Washington), cela pose de sérieux problèmes légaux ». Le Portugal a, comme on le sait, proposé à ses partenaires européens de répartir, dans plusieurs pays d’accueil au sein de l’UE, les prisonniers n’ayant pas encore été jugés, et passibles de persécutions s’ils sont renvoyés dans leur pays d’origine. Accueil mitigé au sein de l’UE.
Pour les organisations de défense des droits de l’homme, la proposition portuguaise constitue en soi une solution pour fermer la prison militaire américaine. Human Rights Watch s’est aussi déclarée en faveur d’un tel système, dont les modalités restent à déterminer.
Par contre, les Pays-Bas, le Danemark ou la Suède ont fait savoir que les Etats-Unis ont, selon eux, le devoir de prendre en charge les suspects arrêtés puis transférés sans jugement à Guantanamo. L’Allemagne a donné son accord si l’UE définit des critères communs. La France réserve sa réponse. Il faut lire le Washington Post sur la volte-face européenne.
Comme l’explique la Tribune des droits humains, l’autre volet du dossier, de loin le plus explosif, est politique. « Accueillir des détenus de Guantanamo pour permettre une fermeture rapide de ce camp serait à coup sûr salué à travers le monde. Mais cela relancerait aussi l’affaire minée des vols secrets opérés par la CIA au-dessus de l’espace aérien européen dans les années 2002-2003. Or l’un des chefs de gouvernement accusés d’avoir alors fermé les yeux sur ces transferts illégaux n’est autre que… l’ancien premier ministre portugais José Manuel Barroso, aujourd’hui président de la Commission européenne et candidat à un second mandat après les élections européennes de juin prochain ».
Plus explosif encore, toujours selon la Tribune des droits humains : le conseiller aux Etats suisse, Dick Marty, affirmait, dans le cadre de son investigation au nom du Conseil de l’Europe, que 14 pays européens avaient collaboré ou toléré le transfert par avion de terroristes vers des centres de détention secrets. Il a également confirmé l’existence de centres de détention secrets en Pologne ou en Roumanie. En février 2007, le parlementaire helvétique s’était vu refuser l’accès à Guantanamo.
Pierre R.