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Commentaire de Paradisial

sur Les femmes de Mahomet et leurs maisons


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Paradisial Paradisial 23 janvier 2009 01:56

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Les Manuscrits de Sanaa

Quelle est cette fameuse toute miniscule polémique soulevée par l’orientaliste Gerd-Rüdiger (pseudo-islamologue bien intentionné) ?

De quoi s’agit-il en fait ?!!!

Je vous avais invité en haut à parcourir l’histoire de la naissance et de la concaténation du Premier Coran Ecrit, dit Coran d’Uthman, dont restent encore 3 exemplaires assez bien conservés (vous en avez vu éventuellement des photos). Et avait insisté sur la valeur du Coran dans sa forme orale (d’ailleurs Coran signifie lecture, élément lu), et l’importance de la mémoire orale collective qui permit de préserver le Coran dans le coeur des fidèles durant plus que 1400 ans, du vivant même du Prophète, jusqu’à nos jour ; des dizaines de milliers de gens connaissaient le Coran par coeur, aujourd’hui ils sont des millions.

Que sont les Manuscrits de Sana’a ?

    En 1972, après de fortes pluies, un pan du mur de la Grande Mosquée de Sana’a s’est effondré. Des travaux sur la toiture mirent au jour des manuscrits qui avaient été cachés dans le plafond à une époque ancienne. Il s’agit de fragments sur parchemin et sur papier représentant environ un millier de volumes différents, dont les plus anciens remontent au premier siècle de l’Hégire. La plupart sont des extraits du Coran et offrent un intérêt considérable pour l’étude linguistique, religieuse et paléographique de la littérature des premiers siècles de l’Hégire et de la langue arabe.

    Des travaux de recherche sur les fragments enluminés et sur les reliures ont montré l’intérêt exceptionnel de cette collection. Les autorités yéménites s’accordent également pour voir dans la collection un monument historique d’une qualité patrimoniale exceptionnelle. A leur demande, une mission de l’UNESCO s’est rendue à Sana’a pour examiner la possibilité d’inscrire un projet pilote portant sur ces fragments dans le cadre du programme "Mémoire du monde" .

    Un comité national a été constitué, avec pour tâche de repérer les documents les plus pertinents. Un disque de démonstration portant sur un choix de manuscrits, dont des fragments coraniques, a été publié en coopération avec le Centre régional d’informatique et de génie logiciel (RITSEC) du Caire (Egypte). Ce CD-ROM contient une introduction à la calligraphie arabe illustrée au moyen des manuscrits yéménites et, en particulier, des fragments coraniques. Les descriptions et commentaires sont en anglais, en arabe et en français.

    Source de la citation : Site de l’UNESCO

Voilà une série assez restreinte de photos desdits Manuscrits de Sana’a tirées d’une édition plus large publiée par l’UNESCO sur CD-Rom.

La petite polémique soulevée par Gerd-Rüdiger :

Ce chercheur, qui s’est autoproclamé islamologue, inventa une polémique sordide, selon laquelle il y aurait eut une autre version du Coran, différente du Coran d’Uthman, et ce en s’appuyant sur le simple fait qu’un seul feuillet, oui vous lisez bien, un seul feuillet des Manuscrits de Sana’a était UN palimpseste [définition wikipédia], càd un parchemin délavé dont on a effacé le texte premier pour reproduire un autre par dessus.

Il serait légitime que l’on puisse s’interroger sur le nombre de ces palimpsestes. En tout cas on ne retrouve qu’une simple photo mise en circulation sur le net. En effet, elle montre un palimpseste. [je ne me rappelle plus d’ailleurs du site qui précisait qu’il n’y en avait qu’un, je ne l’avais pas jadis noté sinon je l’aurais posté également]

Question : est-ce que la présence d’un palimpseste, voire de quelques uns de plus dans les Manuscrits de Sana’a prouverait que ledit coran serait différent du Coran d’Uthman ?

La réponse est nooon, et ce pour différentes raisons :

  • la naissance du tout premier coran écrit, le Coran d’Uthman, est communément admise et historiquement connue (narrée et reprises par les premiers chroniqueurs musulmans) ;
  • l’origine même et l’histoire de la composition des Manuscrits de Sana’a demeure fort méconnue (c’est à peine si on se base sur une analyse calligraphique) ;
  • pour autant le contenu des manuscrits de Sanaa correspond in texto à celui du Coran d’Uthman ;
  • la présence de quelques palimpsestes dont le texte final correspond au Coran Officiel (bon, il n’y en a pas d’autres) est simple à expliquée :
  • à l’époque le papier n’existait pas, on se servait de différents supports pour graver des textes, des tablettes de pierre, des feuilles de palmiers, des os d’animeaux... ;

    se servir de parchemins était d’un grand et rare luxe ;

    à l’époque on n’écrivait pas avec des stylos munis d’effaceurs comme aujourd’hui ;

    dès qu’un parchemin était gâché par une erreur de transcription, tout le texte y figurant perdait de sa valeur, notamment s’il s’agissait d’un texte considéré comme sacré ;

    ne restait donc au scribe qu’une seule solution : laver le parchemin, pour en effacer totalement l’ancienne écriture (impossible de laver juste une partie du texte), puis reprendre le texte corrigé ;

  • Le Coran d’Uthman, produit sous l’autorité kalifale, en tant que Codex Officile et Impérial, ne pouvait (se permettre) de contenir de tels palimpsestes. Les cribes n’avaient pas à délaver les parchemins sur lesquels pouvaient se glisser leurs erreurs de transcription : un parchemin gâché était directement détruit par le feu ;
  • la présence de palimpsestes dans les manuscrits de Sanaa prouve que ces manuscrits ne furent pas produits par une institution aussi émérite que la commission établie par Uthman pour produire un Codex Officiel ; mais écrits juste par un scribe indépendant, à ressources limitées, contraint à laver ses parchemins pour corriger ses fautes ;
  • Gerd-Rüdiger prétend que les manuscrits de Sanaa ont été écrits sans signes diacritiques (indiquant les voyelles), ni points permettant de distinguer les lettres qui ont le même dessins, ce qui rendrait sa lecture difficile
  • Or là encore Gerd-Rüdiger se joue de l’ignorance du lectorat occidental, car le Coran d’Uthman lui non plus ne contient pas de signes diacritiques, ni de points. Les points avaient été rajoutés aux copies existantes du Coran d’Uthman plus tard, du temps de Al Hajjaj (un gouverneur abbaside). Si vous avez jetté un coup d’oeil sur les photos du Coran d’Uthman, vous remarquerais lesdits point rajouté et marqués ultérieurement dessus par une encre rouge.

    Quelqu’un qui maîtrise avec excellence la langue arabe, avec un peu d’effort peut lire ledit Coran d’Uthman ou les Manuscrit de Sanaa qu’ils portent des points ou non.

    Quant aux signes diacritiques, sachez que dans les cycles d’enseignement en langue arabe lesdits signes sont enlevés dès que l’on dépasse le primaire (càd dès que l’on a maîtrisé les premières règles élémentaires de l’arabe). Prenez un journal arabe, vous n’y retrouverez pas de signes diacritique. Un hébraisant saurait lire la Torah sans signes diacritique, il en est de même pour la lecture du Coran.

  • la différence de l’écriture calligraphique n’est pas un argument non plus sérieux pour arguer qu’il y est des versions différentes du Coran. Il y a des dizaines de styles de dessin calligraphique du Coran. Le plus célèbre parmi eux est le style dit l’Othoman ou Othmani (non pas en référence aux turcs, mais à Uthman, le Kalife qui instigua la rédaction du Codex Officiel). Les manuscrits de Sanaa sont écrits dans le style dit Hijazi (expression allusive au Héjaz). Dès que l’on maîtrise la lecture de l’arabe, on peut lire le Coran dans toutes les formes d’écritures (certaines restent assez spéciales et complexes) ;
  • Bref, Gerd-Rüdiger se joue de l’ignorance de son audience occidentale, en leur ramenant un peu d’exotisme et de sensationnel.


Lectionnaire Araméen !

Enfin, pour terminer, voilà une autre pirouette effectuée par un certain Theodor Nöldeke : il tenta de lire le Coran en araméen, pour soit-disant prouver qu’il n’était qu’un lectionnaire d’origine araméenne, en s’amusant à altérer les sens de certains mots.

Répondre à une tentative aussi puérile est facile.

Theodor Nöldeke est très ridicule lorsqu’il tente de lire le Coran en araméen. C’est comme il s’agirait de lire l’original espagnol de Don Quichotte en italien, parce que les deux langues espagnole et italienne sont apparentées (ayant des racines latines) et ayant presque les mêmes consonnances phonétiques. Pfff. Plus académique que c’est pirouettes serait encore plus ridicule.

Comme le dirait Karl Zéro : ne vous fiez pas aux fausses polémiques (surtout celles pleine d’exotisme, dont vous ne pourrez vérifier l’inanité).



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