• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de easy

sur Alice Miller : La Psy des Enfants Maltraités


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

easy easy 24 janvier 2009 21:48
Au fond, ce qui motive beaucoup de nos "papiers" d’allure universaliste, c’est le rejet de la guerre, de la violence, de la torture.

Qui, parmi les êtres humains (Hitler et Pol Pot inclus) n’a pas rêvé à un moment ou à un autre, d’un monde nettement plus doux et respectueux des faibles, des fragiles, des affaiblis ?

Qui, parmi nous, n’a pas échafaudé un plan, une stratégie, une politique, une philosophie, une religion, visant à réduire la violence ?
La violence ?
Réduire la violence ?
Vraiment la violence ?
Non, en fait, ce n’est pas exactement la violence que l’on vise à éradiquer dans nos rêves. C’est plus exactement l’injustice qui nous est faite, l’injustice que nous ressentons, que nous pensons subir. C’est surtout la violence qui nous est faite qui nous insupporte, qui blesse notre amour-propre.
Violence subie contre laquelle nous serions disposés à pratiquer une certaine forme de... violence même lorsqu’elle s’appelle "non-violence"
 
Alice Miller insiste sur les violences non visibles
 
Quoi que l’on fasse, à partir du moment où l’on proteste, on fait acte de violence car on brutalise, on choque, on renverse quelqu’un. Que ce soit avec un bâton ou avec un crayon, que ce soit avec une banderole ou avec la seule parole, si l’on exprime une protestation, on procède de violence. Le « J’accuse » de Zola était violent, tout comme « I have a dream ». Ces deux professions de foi n’étaient pas considérées comme des douceurs ou des compliments par ceux qu’elles visaient. Car toute profession de foi, va à l’encontre de celle d’autrui et crée ou formalise un conflit.
 
La violence est partout y compris dans le silence et l’immobilité, dans certains cas. Par exemple, lors d’un procès, un accusé qui refuse de s’exprimer, peut choquer ceux qui attendent de lui qu’il le fasse.
Tout peut être considéré comme violent, y compris « Il faut que je te dise Marcel, je suis follement amoureuse de toi » Le Marcel qui entend ça alors qu’il n’avait pas du tout envie de l’entendre, se retrouve avec un problème ; son amoureuse lui fait violence en l’obligeant quelque part à répondre positivement.
Le théâtre Butô, la tour Montparnasse, une interrogation surprise en classe, le fait d’être belle, le fait d’être riche, « Le Docteur Jivago », « La liste de Schindler », une contravention, un licenciement, tout contient de la violence.

Le même Gandhi, qui s’étiquetait non-violent (sur le plan physique on peut lui concéder cela) s’acharnait à adopter des attitudes "violentes" et "choquantes" pour ceux qui, avant lui, trouvaient que le cours des choses était acceptable. Car c’est faire violence à un Anglais convaincu de sa supériorité raciale, que de le contester sur ce point.
Et pendant qu’il passait aux yeux du monde pour un parangon de pacifisme et d’ouverture, il avait, en son foyer, un comportement très dur. Il est même allé jusqu’à renier un de ses fils au motif qu’il avait soutenu un autre fils précédemment renié. Pour rester sur son cas, je signale que s’il a pu tirer profit de son abstinence sexuelle en consacrant toute sa sainte énergie à une politique "altruiste", il n’a versé dans l’abstinence qu’à la suite d’un conflit d’ordre privé (Son père "à qui il devait tout" étant mort alors que Gandhi forniquait sans mesure)

 
Je suis né en 1952 de l’union entre un Indochinois et une Française. A l’époque, l’union de mes parents était contre nature, aberrante, aux yeux de ces deux peuples mais surtout aux yeux des Indochinois que martyrisaient les Français.
Vivant alors à Saïgon, j’ai été immédiatement insulté par la communauté des gosses Viets qui constituaient la seule communauté dans laquelle je devais m’inscrire. Deux ans après la défaite française de Dien Bien Phu, chaque gosse Viet tenait à vérifier sur le « sale bâtard de colonisateur » que je leur apparaissais de par mon physique, qu’il était possible de casser du Blanc.
Imaginez un « demi-blanc » constamment seul face à des dizaines de gamins tout joyeux de vérifier qu’un blanc pouvait être défait. J’ai connu toutes les échelles de la violence (Mais pas celles dues à des armes de guerre, contrairement à Kim Phuc, la fameuse fillette grillée qu napalm)
Je les relativise donc.
 
Je suis arrivé en France à 15 ans et ici j’ai été traité de Niac, de Coolie, de Nuoc Mam, de chinetoque, etc. Et cette fois par cette autre communauté dans laquelle je devais m’inscrire, la communauté des jeunes Français. Et là encore je pris des coups.
 
Mes enfants ont eu droit à tout ce qu’on peut attendre d’un père ayant passé toute sa jeunesse dans un tel contexte d’isolement extrême. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour ne pas produire sur eux des actes de violence physique d’abord, psychologique ensuite. Et bien malgré tout, il « m’a fallu » frapper 4 ou 5 fois mon fils aîné (avec une trique) Il serait trop long de détailler les circonstances dans lesquelles cela s’est produit mais croyez seulement que conscient de ma détermination à ne jamais user de violence physique, ce fils a tiré sur la corde jusqu’à sa rupture, et cela afin de me mettre à la faute. Cela afin de réduire enfin quelque part la trop haute image de son père.
 
En filigrane de ce témoignage, vous devinez que j’ai élevé mes enfants avec une éthique fortement marquée. J’avais un message « d’amour » à faire passer. Je voulais prouver que l’amour l’emporte sur tout. Je transformais ma rancœur en réalisations d’amour. Que dis-je, en démonstrations d’amour. Démontrer, démontrer, toujours démontrer la prévalence de l’amour. Et bien cela s’est fait avec tant de force que c’en est devenu violent.
 
Chez nous, tout était fort en sel et en poivre, tout était coloré, puissant et contrasté. Rien de cette vie que je le suis faite ne fut pastel.
 
Lorsqu’aujourd’hui, mes trois enfants étant grands, j’analyse ce que j’ai fait de mon rêve d’un monde plus tendre, je vois que partout, dans tous les recoins de ma vie et de mes paroles, il y avait de la violence.
On ne peut pas être revendicatif ou révolté sans être violent quelque part. Et toute violence qu’on prétendrait effacer du champ du visible, se retrouve avatarisée, métamorphosée, dans le champ de l’invisible, dans le masqué, ne serait-ce que dans la qualité rhétorique, dans la quantité de travail abattu, dans la méticulosité, dans le perfectionnisme, dans la qualité orthographique ou sémantique ou encore dans le seul fait de Savoir, de tout savoir.
 
La violence est donc partout. Elle est tellement partout, sous mille et une formes, que c’est à elle que l’on doit tout ce qu’on pourrait trouver de positif dans ce monde. Il n’y a pas un seul œuf de poule, un seul morceau de poisson pané, un seul collier de perle, un seul carré de soie, une seule perruque ou natte de plage, qui ne soit issu d’une quelconque forme de violence.
 
Vient la question du pardon.
Il fallait effectivement se poser la question que s’était posée Alice Miller : Le fait de pardonner à ceux qui nous ont fait du mal ne serait-il pas la pierre sur laquelle nous poserions à notre tour notre propre levier de violence ?
 
Tsssss !
L’homme est fondamentalement un utilisateur de leviers.
 
Il se sert de tous les points d’appui possibles pour déplacer ses montagnes
Aucune œuvre humaine -Celle d’Alice Miller incluse- ne peut se passer du principe du levier et du point d’appui.
 
Et il n’y a aucune évolution, révolution, transformation, trituration, vinification, macération, transmutation, sans travail, sans violence, sans contrainte, faite à soi-même en principal, faite aux autres, tant qu’à faire.
 
 
 
 
 
Le levier, le point d’appui, c’est de la force, c’est du mouvement, c’est de la friction, de l’énergie
 
Il y a donc violence et il y a l’appel au cessez-le-feu ; il y a la guerre et il y a la paix ; il y a l’appel à la lutte, à la haine, et il y a l’appel au calme, à la modération, à la paix, au pardon.
 
 
Quoi ? Selon Alice, les enfants ne devraient jamais pardonner à leurs parents les violences de toutes sortes qu’ils auraient subies ?
Kim Phuc n’aurait donc pas dû pardonner aux US de l’avoir brûlée car elle s’est alors autorisée à faire subir des violences similaires à ses enfants ou à des tiers ?
Quoi, on pourrait pardonner à des tiers mais surtout pas à nos parents ?
 
En vertu de quel principe seuls les parents devraient être interdits d’accès au pardon, à la réconciliation, à la paix ?
 
Le problème d’Alice c’est qu’elle ne tient pas compte des méta et anamorphoses que nous réalisons sur nos problématiques originelles.
Quiconque digère ses souffrances les transforme et les mute en autre chose, en quelque chose de toujours différent de toujours surprenant, y compris par une attitude de pardon qui peut être considérée comme…excessive (Cf cas Kim Phuc)
 
 
 
Ensuite il y a les actes, isolés ou considérés isolément et il y a les acteurs. C’est l’acteur de la violence en son entier qu’il faudrait haïr à tout jamais ou seulement ses actes ?
 
Ce que je crois c’est que la notion de pardon est aussi universelle que la notion de haine perpétuelle. Le 4 ème Commandement n’est qu’une des traductions du sentiment de pardon qui se pratique partout et sous toutes sortes de formes.
 
Ce qui me semble important n’est certainement pas d’abolir le pardon en espérant rayer la violence de la surface de la Terre, mais plutôt de pouvoir en parler. La chose la plus importante que l’Humanité ait eu à faire a déjà été fait : Elle a dit que la violence était en très grande partie maîtrisable, canalisable, transformable en quelque chose de plus aimable, de plus sociable et qu’il fallait toujours privilégier cette transformation de la violence au lieu de la laisser s’exprimer de la manière la plus brute. 
 
Parler de la violence subie, c’est cela qui est loin d’être évident dans tous les cas. Et en effet, l’enfant se trouve souvent dans une situation où il manque de verbe, d’audience et de crédit pour dire ses souffrances, pour élever une protestation verbale.
 
A partir du moment où il existe la Déclaration des Droits de l’Enfant, tout enfant de France est en position de pouvoir, un jour ou l’autre parler des souffrances qu’il a subies de la part des uns et des autres.
 
Tout enfant de France peut dire, en tous cas à 20 ans, que ses parents l’ont mis en souffrance du fait de lui avoir choisi un prénom qui lui a posé constamment des problèmes « Pierre PONCE ; Emilie DEVIN ; Coquelicot LIBEY… » de lui avoir mis des baffes sans discernement, des coups de pied humiliants, des vêtements ridicules, d’avoir vu en lui un surdoué ou au contraire un idiot, de l’avoir poussé à faire médecine alors qu’il aurait préféré étudier la musique, de l’avoir privé de caresses ou de lui en avoir trop donné, de l’avoir fait nabot ou aveugle, de l’avoir intoxiqué avec la fumée de cigarette ou de l’avoir placé dans une école inadéquate, de l’avoir écœuré des carottes ou de l’huile de foie de morue, etc.
Si lors d’un « procès » privé, le parent reconnaît ses erreurs, cela suffira à constituer réparation et ces fautes reconnues seront pour toujours considérées comme n’étant pas à reproduire.
 
Le champ des autres fautes restant entièrement libre d’accès.
 
Comment peut-on concevoir qu’en conséquence d’une faute, d’une seule erreur, un parent soit définitivement rejeté, condamné, banni par son enfant ?
 
Est-il besoin de frapper son enfant 246 fois pour être coupable de violence ou une seule baffe suffit ?
Est-il besoin de sodomiser son fils en larmes pour être violent envers lui ou un simple baiser sur sa bouche serait déjà violence ?
Est-ce que ne jamais frapper son fils mais bombarder les enfants de la cité voisine serait être un bon parent ?
(Sur ce point Gandhi aurait eu tendance à faire l’inverse, il aurait plutôt mieux traité les gosses des tiers que les siens)

Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès