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Commentaire de jahia

sur L'écrivain congolais Alain Mabanckou veut « foutre le bazar » dans la communauté black en France


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jahia 3 février 2009 11:53

Que de battage médiatique pour ce pauvre livre !

Je l’ai lu et ne vais pas vous cacher ma grande déception. Ses précédents romans étaient bien meilleurs ( entre autres,Verre cassé, African Psycho, Bleu-Blanc-rouge et Mémoires de porc-épic à bandeau rouge , lettre à Jimmy). A croire que les prix et le succès ont vite fait de monter à la tête même de ceux qui disent aimer la dérision et ...la bonne littérature. Contrairement au titre de ce papier, n’allez pas penser que Mabanckou vient « foutre le bazar », balayer les vieux préjugés, il en produit tout autant dans ce roman mal foutu et mal ficelé : incohérence dans la construction de plusieurs personnages, trame du récit pas assez travaillée, épilogue en queue de poisson etc. Il croque, mais n’examine nullement cette communauté, ce n’est qu’un défilé de stéreotypes et de clichés. Je n’ai donc pas accroché, ni sur le fond, ni sur la forme ( lourd, très lourd, sans compter qu’ un même personnage peut changer subitement de registre de langue et de propos ). Certes, si on a encore jamais lu cet auteur, on rira bien de temps à autres, mais pour ceux qui connaissent déjà cet univers, ce sera plus difficile de trouver ce bouquin « irrésistible » comme le répète toute la presse. Et puis il ya toujours ces mêmes références, ces clins d’oeil très appuyés, cela manque vraiment de finesse et de subtilité.

Je conçois toutefois que pour ceux et celles qui ne connaisent rien à la black diversité et n’ont jamais goûté à la gouaille habile de cet écrivain, ils seront tentés...Mais attention, selon mon humble avis, ce roman est à ranger au rayon « farces et attrappes », ambiance Black Mic Mac garantie ! Allez on ressort les vieux attributs des rois de la S.A.P.E., on s’amuse avec de joyeux néologismes pour faire plus gai et l’affaire est dans le sac ! Mabanckou n’invente rien, il ne fait que donner une touche parisienne, à un sujet déjà abordé par son maître Dany Laferrière, autrement plus drôle et plus subtile. Ce n’est pas donné à tout le monde de mettre en scène le projet d’une révolution horizontale où les fesses black and white se mélangeraient pour la réconciliation des peuples et la cautérisation des blessures de l’Histoire ! Hélas beaucoup trop d’opportunisme dans la récupération de ce propos, exercice un peu facile que de railler chacun, sans trop mouiller sa chemise et sans se débarasser de ses propres préjugés. C’est là où le bas blesse aussi. Cela sous-entend plus ou moins qu’on peut bien se contenter de croquer quelques personnages dans son bar préféré ( ça par contre c’est réussi, excellent coup de pub pour le Jip’s),en teprenant en passant l’idée d’une nouvelle publiée dans Télérama ( propos coupés décalés d’un nègre presqu’ordinaire ) puisque de toutes les façons les lecteurs n’y connaissent toujours rien et qu’on va bien rigoler. Si les blacks se rebiffent ensuite ( non pas les amis de l’auteur, ceux-là sont flattés d’apparaître dans le roman ), on leur rétorquera alors que leur réaction confirme à quel point c’est eux qui entretiennent la querelle, le racisme au sein de « la » communauté...Et quant aux blancs, l’auteur semble partir du principe qu’à priori n’y connaissant rien, ils seront râvis et rassurés de constater qu’ils n’ont pas le monopole du racisme ! Alors, oui, de ce point de vue, la stratégie est bien foutue comme toute la communication et les beaux discours autour de cette sortie. Les éditions du Seuil et l’auteur ont bien blindé l’affaire, on a plus qu’à dire « amen ». Je n’aime pas trop lorsque « la littérature » emprunte ces chemins, car c’est à l’arrivée pervers pour le lecteur qui croyant se débarasser de ses préjugés avec son livre tout neuf sous le bras, repart avec un lot de clichés largement aussi ridicules.

Je me souviens de l’époque où j’allais sur le blog de Mabanckou, l’ambiance y a hélas beaucoup changé. Il ne se gênait pas pour railler Gaston Kelman ( vous savez, celui qui ne mange pas de manioc ), lui faisant des petites remarques mesquines sur son succès facile, son compte en banque et la dangerosité de ses propos. Comme dirait Olivier Adam, les VENTS sont parfois CONTRAIRES aux idéaux initiaux. Mais chut, que cela reste entre-nous, car si Alain Mabanckou adore jouer sur le registre de la dérision et de l’ironie, il supporte de plus en plus mal les critiques et la censure va bon train sur son blog lorsqu’on se permet de pointer seulement quelques incohérences. Ah, la littérature...c’est un monde, un sacré bazar ! smiley


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