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Commentaire de abdelkader17

sur Je me présente Catherine, 42 ans, from USA


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abdelkader17 7 mars 2009 08:43
Mis à Jour le : 20 février 2009 14:53
Roubini : l’échec du modèle anglo-saxon
 
20 février 2009

Roubini estime que le risque de stag-déflation généralisé n’est toujours pas écarté. D’une part en raison des réticences américaines à nettoyer le système bancaire - y compris par la nationalisation qui est souvent, rappelons-le, la solution la moins coûteuse - et à organiser la réévaluation à la baisse de la valeur nominale des dettes immobilières. D’autre part à cause de l’insuffisance des mesures prises en Europe tant au niveau des Etats que de la BCE. Cette crise d’une ampleur exceptionnelle marque pour lui le constat de décès du modèle anglo-saxon de laisser-faire et de déréglementation, basé sur l’illusion d’un marché efficient et la croyance en la possibilité pour les acteurs de s’auto-réguler. Il convient donc de définir de nouvelles règles du jeu plus strictes, conclut-il, en tirant les leçons de la période précédente, c’est-à-dire en anticipant la capacité du secteur à contourner les règles et transformer par capillarité les organismes de régulations en complices bienveillants.

Par Nouriel Roubini, RGE, 9 février 2009

Il est clair désormais que cette crise financière est la pire depuis la Grande Dépression et que la crise économique est la pire depuis 60 ans. Alors que nous sommes déjà dans une récession sévère et prolongée en forme de U (et que l’espoir illusoire d’une contraction de courte durée et peu marquée en forme de V se soit maintenant évanoui), il existe aujourd’hui un risque croissant que cette crise soit de la forme de la stag-deflation qu’a connu le Japon : un L s’étendant sur plusieurs années, en une combinaison délétère de stagnation, de récession et de déflation).

Les derniers chiffres de croissance du PIB (à un taux annuel) au quatrième trimestre 2008 dans le monde sont encore pires que ceux de la première estimation pour les États-Unis (-3,8%), avec : -6,0% pour la zone euro ; -8% pour l’Allemagne, -12% pour Japon, 16% pour Singapour, -20% pour la Corée. L’économie mondiale est maintenant littéralement en chute libre. Et la contraction de la consommation, des dépenses d’investissement, de l’immobilier, de la production, de l’emploi, des exportations et des importations signale plutôt une accélération qu’une décélération du processus.

Pour éviter cette quasi-dépression en forme de L, il est nécessaire que soient menées aux USA et dans les autres économies des politiques agressives, cohérentes et crédibles combinant les outils monétaires (traditionnels ou non orthodoxes), les mesures de relances budgétaires, un nettoyage du système financier et une réduction de la charge de la dette pesant sur les agents privés (ménages et sociétés non financières).

Malheureusement, les efforts et les mesures adoptées dans la zone euro restent bien loin derrière celles des États-Unis :

a) La BCE tarde à mettre en oeuvre la réduction des taux et à se doter d’outils non-traditionnels pour combattre la forte contraction de la liquidité et du crédit ;

b) La relance budgétaire est trop modeste car les nations qui peuvent la financer (Allemagne) font preuve de tiédeur à ce sujet, alors que celles qui en ont le plus besoin (Espagne, Portugal, Grèce, Italie) sont celles qui peuvent le moins se le permettre car elles ont déjà un important déficit budgétaire.

c) Il y a un manque de dispositifs transfrontaliers permettant un partage de la charge budgétaire que représente le renflouement des institutions financières.

Les États-Unis ont agit avec le plus de vigueur, menant de façon agressive une politique monétaire d’assouplissement quantitatif et de vaste relance budgétaire, mais deux éléments qui sont essentiels pour éviter une quasi-dépression font encore défaut :

a) Un nettoyage efficace du système bancaire qui pourrait nécessiter de procéder à un tri entre les banques solvables et insolvables et à la nationalisation de plusieurs établissements, éventuellement certains parmi les plus importantes.

b) Une réduction du fardeau insoutenable de la dette de millions de ménages insolvables, consistant principalement en une réduction de la valeur nominale de leurs prêts hypothécaires et pas seulement en un assouplissement des conditions de remboursements.

En outre, dans de nombreux pays, les banques pourraient s’avérer non seulement trop grosses pour être laissées faillir, mais également trop grosses pour être sauvées, car les ressources fiscales et financières des États pourraient ne pas être assez importantes pour procéder à un sauvetage de cette ampleur en cas d’insolvabilité du système financier. Traditionnellement, seuls les marchés émergents avaient souffert - et souffrent encore - d’un tel problème. Mais aujourd’hui, ces risques pesant sur les Etats, qui sont mesurés par les écarts du coût de leurs emprunts - les spreads - sont également en hausse dans de nombreuses économies européennes dont la taille des banques pourrait excéder la capacité de l’Etat à leur venir en aide : Islande, Grèce, Espagne, Italie, Belgique, Suisse, et comme certains le suggèrent, éventuellement le Royaume-Uni.

Le processus de socialisation des pertes du secteur privé à l’oeuvre durant cette crise s’est déjà traduit par le transfert dans le bilan des Etats d’un grand nombre de dettes du secteur privé : celles des banques, des autres établissements financiers et bientôt peut-être, de certains ménages et d’entreprises hors secteur financier. À un certain point, un Etat pourrait faire défaut, et dans ce cas, la capacité des gouvernements à s’engager à agir de façon crédible en tant que soutiens pour le système financier - y compris par la garantie des dépôts - pourrait être remise en cause. De ce fait, un scénario de dépression en forme de L est encore tout à fait possible - j’évalue cette probabilité à 30% - à moins que des politiques appropriées et agressives ne soient mises en oeuvre aux États-Unis et ailleurs.

Cette grave crise économique et financière provoque également une réaction marquée contre la mondialisation financière, le libre-échange et le modèle économique de libre marché. Mais, pour paraphraser Churchill, l’économie capitaliste de marché ouverte aux échanges et aux flux financiers est peut-être le pire régime économique, à l’exception de tous les autres, car les modèles d’économie hors marché ont échoué.

Toutefois, si cette crise ne signifie pas la fin d’une économie de marché capitaliste, elle a montré l’échec d’un modèle particulier de capitalisme : celui du laissez-faire non réglementé (ou agressivement déréglementé), du modèle d’un capitalisme de marché du « far-west » caractérisé par l’absence de réglementation prudentielle, de supervision des marchés financiers et par l’absence de prise en charge adéquate des biens publics par les gouvernements.

Elle marque l’échec d’idées telles que celle de « l’hypothèse des marchés efficients » qui entretenait des illusions quant à l’absence de défaillances du marché, dont font partie les bulles spéculatives ; celle des « anticipations rationnelles » qui est remise en cause par les apports des études comportementales dans le domaine de l’économie et de la finance ; celle de « l’auto-régulation des marchés et des institutions » qui contredit le constat classique sur les conflits d’intérêts à l’oeuvre dans la gouvernance d’entreprise qui sont eux-mêmes exacerbés dans les sociétés financières par le plus grand degré d’asymétrie de l’information : comment un dirigeant ou un conseil d’administration peut-il surveiller la prise de risque résultant de milliers de comptes distincts ? Mentionnons également les distorsions des rémunérations versées aux banquiers et aux traders.

Cette crise démontre aussi l’échec d’idées telles que celle qui affirmait que la titrisation permettait de réduire le risque systémique au lieu de l’augmenter et que le risque pouvait faire l’objet d’une appréciation adéquate alors même que l’opacité et le manque de transparence des sociétés financières et des nouveaux instruments financiers conduisait à une incertitude non quantifiable plutôt qu’à un risque mesurable.

Il est clair que le modèle anglo-saxon de supervision et de régulation du système financier a échoué. Il tablait sur une auto-régulation qui dans les faits signifiait une absence de réglementation, sur une discipline de marché qui n’existe pas lorsque s’installent l’euphorie et l’exubérance irrationnelle, et sur des modèles internes de gestion des risques qui ne réussissent pas parce que - comme le disait un ancien dirigeant de la banque Citi : tant que joue l’orchestre, tout le monde danse.

En outre, l’approche basée sur l’auto-régulation a donné à naissance à des conflits d’intérêts massifs dans l’activité des agences de notation et à la mise en place d’un système de contrôle fondé sur des principes plutôt que sur des règles. Cette réglementation allégée s’est transformée dans les faits en une régulation des plus douces.

Ainsi, tous les piliers définis par les accords de Bâle II ont déjà échoué avant même d’être mis en œuvre. Le pendule avait oscillé trop loin dans la direction de l’auto-régulation et d’une approche fondée sur les principes. Nous avons maintenant besoin de plus de règles contraignantes en matière de liquidité, de capital, d’effet de levier, de transparence, de rémunération, etc...

Mais la conception du nouveau système devra être suffisamment robuste pour lutter contre trois types de dérives concernant les règlementations :

L’existence d’une tendance à « l’arbitrage réglementaire » doit être prise en considération, car les banquiers peuvent trouver des moyens créatifs pour contourner les règles plus vite que les régulateurs ne peuvent les améliorer.

Vient ensuite le problème de « l’arbitrage juridictionnel », car les activités financières peuvent se baser dans des zones où les juridictions sont plus laxistes.

Enfin, il faut se préoccuper de l’indépendance des régulateurs et des organismes de contrôles qui sont souvent « captifs » des intérêts du secteur financier, via les passerelles allant du secteur privé au secteur public et autres mécanismes.

En conclusion, les nouvelles règles devront donc être suffisamment robustes pour résister à ces incitations à les contourner et surmonter les insuffisances de la réglementation.


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