Pour créer l’Israélien nouveau, il a fallu tuer le Juif
En 1948, année de la Naqba (l’expulsion de 800000 Palestiniens de leur propre pays) et de la création de l’État d’Israël, Menahem Begin décide de visiter les États-Unis. Les plus grands intellectuels juifs américains avec à leur tête Hannah Arendt et Albert Einstein écrivent au président Truman en lui disant : « Begin arrive, c’est un terroriste, arrêtez-le ou expulsez-le ». À l’époque, aux yeux du monde, le judaïsme, c’est Arendt, Einstein, mais aussi Rosa Luxembourg, Freud, Kafka, Benjamin … Par quel retournement de l’histoire a-t-on aujourd’hui comme figures dominantes des Begin, Sharon, Barak, Livni, Olmert, Lieberman ou des pseudo intellectuels communautaristes français qui sont l’exact inverse ce que fut la figure de l’intellectuel juif ?
Le sionisme : une manipulation des identités juives
La guerre contre le peuple de Gaza, comme deux ans auparavant celle du Liban a montré qu’il n’y aura pas de paix au Proche-Orient tant que le sionisme sera à l’œuvre. Tous les partis sionistes ont approuvé ces deux guerres. La « gauche » sioniste qui vient d’être laminée lors des élections en Israël a participé à tous les crimes contre le peuple palestinien : la Naqba en 1948, la conquête de 1967 et la colonisation qui a suivi, la répression contre l’Intifada, la construction du mur en Cisjordanie et les massacres commis au Liban ou à Gaza. Il n’y a pas de sionisme à visage humain. La « gauche » sioniste aurait voulu en incarner un. C’est fini. Elle n’a fait que servir de force d’appoint à l’annexion, la colonisation et l’ethnocide contre la Palestine.
Sans le génocide nazi, le sionisme n’aurait pas triomphé. Comment définir cette idéologie complexe ?
Il y a d’abord eu une réécriture complète de l’histoire du judaïsme (ou plus exactement des judaïsmes). Les fondateurs du sionisme qui étaient majoritairement non-croyants sont allés chercher dans la Bible une justification à leur projet colonial. On sait aujourd’hui que la conquête sanglante de Canaan par Josué qui sert de « justification » aux colons installés en Cisjordanie est une pure légende. Idem pour le royaume unifié de David et Salomon que l’État d’Israël était censé ressusciter. La Palestine antique a toujours été habitée par des peuples différents. On sait que la théorie centrale du sionisme (l’exil et le retour) est une fiction. C’est la religion juive qui s’est dispersée, pas le peuple. Les descendants des Hébreux sont majoritairement les Palestiniens et les Juifs sont majoritairement descendants de convertis berbères, romains, espagnols, khazars … La diaspora n’est pas une parenthèse, c’est le centre de l’histoire, des identités, des langues et des cultures juives. C’est même le centre de ce que ces cultures ont en commun (l’héritage religieux).
Le sionisme des fondateurs s’est retrouvé en concurrence (en Europe orientale, là où vivaient en majorité les Juifs) avec les différentes branches du socialisme et avec le Bund (parti ouvrier Juif qui prônait l’autonomie culturelle des Juifs là où ils vivaient).
Dès son apparition, le sionisme tourne le dos à toute forme d’émancipation ou d’universalisme. Il proclame que l’antisémitisme est inéluctable, qu’il est inutile de le combattre, que les Juifs ne peuvent vivre qu’entre eux, que le mélange est impossible ou nuisible. Comme les antisémites, ils considèrent les Juifs comme une race à part. Pour coloniser la Palestine, ils inventent le mensonge fondateur : « une terre sans peuple pour un peuple sans terre » (Zangwill). La négation des droits, de la dignité et même de l’existence du peuple palestinien est une constante de toute l’histoire du sionisme. Pour les premiers arrivants, les Palestiniens sont des féodaux ou des fellahs arriérés. Après avoir rêvé de leur faire accepter le projet sioniste, l’objectif sera de les repousser, de les enfermer ou de les expulser (ce que les sionistes qui utilisent la novlangue appellent le « transfert »). Cet objectif n’a pas changé depuis 80 ans. Les sionistes ont rêvé que les Palestiniens soient, comme d’autres peuples autochtones aux États-Unis ou en Australie, dans l’incapacité de réclamer leurs droits. Ils en rêvent encore.
Les sionistes ont inventé aussi l’histoire des Juifs venus du monde arabo-musulman. Ils ont nié leurs origines (Berbères, Yéménites …). Ils leur ont dit : « vous viviez dans un monde de sauvages au milieu des Arabes. Le sionisme (il serait plus juste de dire les Ashkénazes) vous ont offert un pays ». Ces Juifs arabes sont venus former un prolétariat coupé de ses racines et de son histoire, une proie idéale pour tous les partis racistes.
Le sionisme a des faces multiples. C’est un nationalisme très particulier puisqu’il lui a fallu inventer la notion de peuple juif et l’idée du « retour » (l’Alya). C’est un colonialisme très particulier puisqu’il vise, non pas à domestiquer et à exploiter le peuple autochtone, mais à l’expulser et à le remplacer. C’est une idéologie qui a prétendu offrir un havre de paix aux Juifs persécutés. S’il y a bien un pays où les Juifs sont en insécurité, c’est Israël et il en sera ainsi tant que durera le projet de détruire la Palestine. Et le sionisme a besoin de l’antisémitisme pour pousser les Juifs à émigrer, son rêve fou étant de les rassembler tous dans un « État Juif ». Aujourd’hui 40% des Juifs du monde entier vivent en Israël.
Le sionisme, c’est aussi depuis 1967 la transformation d’Israël en tête de pont de l’impérialisme au Proche-Orient. Une tête de pont particulière puisque ce sont les dirigeants sionistes qui dictent (grâce à leur impunité) aux occidentaux la politique menée en faisant systématiquement ratifier leur stratégie du fait accompli.
Le complexe de Massada
Le sionisme, c’est peut-être avant tout une forme de messianisme perverti. C’est une idéologie qui a réussi, là où d’autres idéologies ont échoué, à créer un homme nouveau. Pour fabriquer l’Israélien nouveau, il a fallu tuer le Juif, le cosmopolite, le dispersé, celui qui en sortant du ghetto a lié son émancipation à celle de toute l’humanité. Le sionisme a éradiqué les langues (yiddish, ladino, judéo-arabe), les cultures et les valeurs de la diaspora. Le Juif nouveau qu’il a fabriqué est un être amnésique, coupé de ses racines et de son histoire, insensible à l’autre, militariste, colonialiste et se croyant tout permis. Le moteur de cette nouvelle identité, c’est la peur de l’anéantissement. À dire vrai, les sionistes ont peur de ne plus avoir peur. Cette peur est un trait central de l’éducation des Juifs aujourd’hui. Il faut voir « Pour un seul de mes deux yeux », le film du cinéaste israélien Avi Mograbi. On y voit entre autres comment des enfants sont amenés sur la citadelle de Massada, au-dessus de la Mer Morte, là où des zélotes (Juifs révoltés contre les Romains vers 70 ap JC) ont préféré le suicide à la soumission. On apprend à ces enfants que tout le monde hait les Juifs, qu’ils ne peuvent vivre qu’entre eux, dans un État Juif. Et bien sûr dans cet État dont les frontières ne figurent sur aucune carte, il n’y a pas de place pour les Palestiniens.
Alors que les sionistes n’ont joué qu’un rôle anecdotique dans les luttes contre l’antisémitisme et le nazisme, la récupération et l’instrumentalisation du génocide sont devenues une question centrale. Les Israéliens essaient d’oublier que les Juifs établis en Palestine ont manifesté une grande passivité et une grande indifférence pendant que le génocide se déroulait en Europe.
Dans la propagande israélienne, les Palestiniens sont les héritiers du nazisme (l’histoire officielle parle de pogrom à l’occasion des révoltes palestiniennes de 1929 et 1936) et Arafat est un nouvel Hitler. Du coup bien sûr « Israël n’a pas de partenaire pour la paix », phrase due à Ehud Barak et martelée depuis en permanence.
Dans cette éducation à la peur, les Juifs ont été, sont et seront toujours les victimes. D’où cette insensibilité totale, cet effondrement des barrières morales qui expliquent que les dirigeants israéliens comme leurs relais en Occident n’ont parlé que des 4 victimes des tirs de Qassams en ignorant totalement les 1500 habitants de Gaza victimes de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité.
Le droit international ne reconnaît que des sociétés où tous les citoyens jouissent des mêmes droits. En ce sens un « État Juif » est contraire au droit international. Cela explique que les 20% de la population israélienne qui ne sont pas juifs ont un statut de sous citoyen. Les Palestiniens d’Israël protestent d’ailleurs de plus en plus vivement contre les discriminations qu’ils subissent dans tous les domaines (emploi, logement, infrastructures, possession de la terre …). État Juif et démocratique, c’est un oxymore comme l’explique l’historien Shlomo Sand.
Mais pour les sionistes, mettre en question la notion d’État Juif ou être pour le droit au retour des réfugiés palestiniens, c’est automatiquement être pour « les Juifs à la mer ».
Si on n’est pas juif et si on critique Israël, on est forcément antisémite. Si (comme l’auteur de ces lignes), on est juif et solidaire du peuple palestinien, on est forcément un « traître ayant la haine de soi ». La propagande martèle que les guerres incessantes de l’État d’Israël (on en est à présent à une tous les deux ans) sont la seule alternative à l’anéantissement. Les bourreaux se vivent en victime. 65 ans après le génocide nazi, les Palestiniens continuent de payer pour un crime européen dans lequel ils n’ont pas la moindre responsabilité.
Le sionisme a besoin de l’antisémitisme au point même de le susciter si nécessaire. Sinon la fuite en avant de la conquête sans limite s’écroulerait.
20/03 07:42 - Gugu
c’est au moins la troisième fois que tu postes ce meme commentaire, ça t’arrive de (...)
19/03 00:02 - USA 613
L’Iran, le Hezbollah, la Syrie, le Hamas etc... sont les grands absents de cette analyse (...)
18/03 13:10 - Christoff_M
arretez de regarder Rambo ou les films paranos anti invasion américains !! les barbus ne (...)
18/03 12:52 - USA 613
Les Islamos fascistes, les gauchos et altermondialistes mêmes combats, mêmes propos... (...)
18/03 12:07 - Mouche-zélée
HAL 9000 En plus des éléments ci dessus : S’il y a une qualité que Sarkozy ne peut (...)
18/03 11:55 - Christoff_M
qui attaque ?? l’Iran l’Iraq, le Hamas, la Syrie... non ISRAEL état basé sur (...)
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