Article du Monde. 20/03/09
Au Yémen, les attentats attribués à des Djihadistes liés à Al-Qaida se multiplient.
Les deux attentats perpétrés en l’espace de trois jours au Yémen, tout d’abord contre un groupe de touristes sud-coréens, le 15 mars, puis contre les enquêteurs du même pays dépêchés à Sana’a, mercredi 18 mars, témoignent des capacités grandissantes acquises dans ce pays de la péninsule arabique par les djihadistes se revendiquant de la nébuleuse Al-Qaida et qui sont regroupés sous l’appellation Al-Qaida péninsule arabique.
Plusieurs signes précurseurs avaient déjà donné une idée de leur résurgence après la répression qui avait suivi les attentats spectaculaires organisés en 2000 contre le bâtiment de guerre américain Cole et, en 2002, contre le pétrolier français Limburg. La même année, un missile tiré par un drone américain avait tué le chef présumé d’Al-Qaida au Yémen, Qa’id Sinan Al-Harithi.
Alors que le régime du président Ali Abdallah Saleh avait donné des gages aux Etats-Unis de sa volonté de collaborer à la lutte contre le terrorisme, vingt-trois membres de groupes liés à la nébuleuse djihadiste s’étaient échappés de prison en 2006, au grand mécontentement des autorités américaines. Une partie des évadés avait pu être reprise, mais, en septembre 2008, après plusieurs attentats contre des groupes de touristes étrangers, une attaque spectaculaire avait été menée contre l’ambassade des Etats-Unis à Sana’a, provoquant la mort de Yéménites, rassemblés devant le bâtiment pour des formalités administratives.
BASE ARRIÈRE COMMODE
La résurgence de ces groupes au Yémen est facilitée par le poids du courant salafiste qui fut allié par le passé au président Saleh dans sa lutte contre les socialistes de l’ancien Yémen du Sud jusqu’au milieu des années 1990.
Par ailleurs, en dépit de son caractère autoritaire, le régime yéménite n’a jamais pu contrôler la totalité de son territoire, se heurtant notamment à de nombreux fiefs tribaux pouvant constituer autant de terrain de replis pour les rebelles.
Enfin, dans le nord du pays, notamment la province de Saada, les troupes régulières yéménites ont également été engagées jusqu’à l’été 2008 dans des combats contre la rébellion zaïdite (une forme de chiisme) sans liens avec Al-Qaida, mais qui ont détourné une partie des moyens militaires de l’Etat de la lutte contre les groupuscules terroristes.
Le phénomène djihadiste au Yémen se mesure également en Arabie saoudite, où les ressortissants yéménites figurent régulièrement parmi les membres présumés de groupes islamistes radicaux que les autorités ne cessent de démanteler.
Car l’objectif des groupes de la nébuleuse djihadiste installée au Yémen ne se limite pas à la déstabilisation d’un pouvoir considéré comme lié à Washington. Le pays constitue en effet une base arrière commode dans la perspective d’opérations contre la monarchie saoudienne, gardienne contestée des lieux saints de La Mecque et de Médine et qui reste la principale cible de l’organisation terroriste fondée par Oussama Ben Laden.
Gilles Paris
Article paru dans l’édition du 20.03.09.