Cet article m’incite à vous poser une question, celle de notre perception, car ce que je vois, ce que j’entends et touche, n’est jamais qu’un aspect de quelque chose. La perception est d’abord une perspective ; il n’y a pas de perception de nulle part.
Percevoir, c’est également deviner et transposer, tant nos perceptions sont empreintes de nos souvenirs et de nos désirs. Ce que l’on appelle courammant "les erreurs des sens" ne sont que des anticipations erronées. C’est un fait que l’art du prestigitateur, par exemple, consiste à suggérer de fausses conceptions et à transformer cette réalité que nous croyons à tort percevoir.
L’illusion est donc doublement une erreur de la perception et du jugement, accompagnée de la conviction d’être dans le vrai. Platon parlait à ce sujet "d’ignorance double". Descartes allait plus loin encore dans sa réflexion sur la perception sensible. Elle était, selon lui, toujours illusoire, parce que les qualités sensibles n’ont pas pour objet de nous renseigner sur ce que les choses sont en elles-mêmes. Les sens ne nous ont pas été donnés pour connaître la vérité des choses. Les conséquences en sont que l’erreur est une faute dont nous ne sommes pas vraiment responsables. Se tromper n’est pas penser ce qui n’est pas, ce serait de façon plus grave renoncer à penser. La certitude ne peut donc pas être totalement envisagée de manière objective. Elle est le plus souvent associée à une interprétation subjective ou intuitive. C’est la raison pour laquelle un philosophe comme Kant pointait du doigt la prétention de la métaphysique à connaître l’être tel qu’il est en soi. Il en résulte que les raisonnements qui prétendent dépasser l’expérience sont illusoires eux aussi et nous conduisent à des impasses. Aussi toute philosophie qui est une recherche du réel et du vrai comporte-t-elle fatalement une lutte contre l’erreur et l’illusion. Cela a commencé avec Platon.
Mais il n’en reste pas moins vrai que, sans l’imagination, le monde serait vite insupportable car, grâce à elle, nous atteignons un langage indirect sous lequel d’authentiques vérités se sont dissimulées. Puisque toute vérité prend son temps...