Dès 1815 des tensions diplomatique entre la France et l’Algérie sous tutelle ottomane s’étaient développées à partir d’une sordide histoire de créance entre deux maisons de crédit, Bacri et Busnach qui orientaient leurs activités vers les exportations algériennes de blé, l’État français leur débiteur depuis la période révolutionnaire et impériale avec la complicité de Talleyrand et le bey d’Alger le créancier de ces maisons.Il est à noter qu’avant la colonisation l’Algérie exporte du blé.Se sentant victime d’une tentative d’escroquerie le dey d’Alger soufflette le 29 avril 1827 le consul de France à Alger, Pierre Deval, avec un chasse-mouches. Cet événement servit de prétexte à l’aventure de la colonisation de l’Algérie. Le 14 juin 1830, un premier contingent de l’armée française débarque à Sidi Ferruch ; la guerre pour l’occupation de l’Algérie ne fait que commencer.À partir de 1832, Abdelkader seulement âgé de 24 ans s’impose à quelques tribus d’Oranie comme le chef de la résistance à l’occupation française. La France essaye de combiner la diplomatie et son prolongement la guerre, deux premiers traités sont signés en 1834 et en 1837.
En octobre 1839, Abdelkader reprend les armes contre la France, après la violation du traité de Tafna par les autorités françaises, traité qui devait assurer à Abdelkader l’autonomie des deux tiers du territoire algérien. Durant l’année 1839, le soutien du Maroc lui est apporté. Le général Bugeaud est nommé chef d’état-major en 1842. Sous son impulsion, la guerre change de nature : l’émir Abdelkader est très sévèrement battu par le duc d’Aumale qui s’empare d’une grande partie de ce que l’on a appelé la smala d’Abdelkader, en fait une ville itinérante de près de 30 000 âmes le 16 mai 1843, prise représentée en 1844 par Horace Vernet. Le conflit se déplace durant l’année 1844 vers le Maroc où s’était réfugiés Abdelkader avec une partie de ses troupes, fort de la une convention qui liait Abdelkader avec le sultan du Maroc depuis 1839 : bombardement de la ville de Tanger et de Mogador. Les troupes marocaines commandées par Mohammed fils du sultan du Maroc Abd el Rahman Ibn Hicham Abdelkader sont défaites à la bataille d’Isly le 14 août 1844.
Après la signature du traité de Lalla Maghrnia le 18 mars 1845 avec le royaume du Maroc, un calme apparent s’établit sur la frontière occidentale de l’Algérie. L’émir Abdelkader s’était retiré sur la Moulouya. À partir d’avril 1845 la guerre prend un nouveau visage, celui d’une résistance désespérée, faite de harcèlement, d’embuscades : la réaction des troupes française dépassera les normes de la guerre conventionnelle. Le résistant Boumazza qui avait maintenu sa présence sur le territoire algérien est déterminé à continuer la lutte. Il lance des actions armées. Appuyé par la tribu des Ouled Rhiah , il défait et châtie la tribu des Sendjeh en éliminant l’agha ou le représentant collaborateur des autorités françaises.
Le général Bugeaud organise immédiatement une réaction militaire : il envoie cinq colonnes en différents points du territoire concerné par l’insurrection, cinq colonnes[1] infernales qui sèmeront la désolation. Le général d’Arbouville, commandant la colonne de Sétif, le général Marey commandant la colonne qui se dirige vers Médéah. À partir d’Orléans ville, trois colonnes sont formées et confiées aux colonels Ladmiraut, Saint Arnaud et Pélissier.
Ce dernier dirige sa colonne en vue de la répression contre la tribu des Ouled Rhiah, alliés du numéro deux de l’insurrection algérienne Boumazza[2]. Après des combats violents, une partie de la tribu défaite, avec femmes et enfants soit près d’un millier de personnes se réfugie dans les grottes considérées comme inexpugnables et dans lesquelles ces tribus s’étaient déjà réfugiées durant la lutte contre la présence ottomane, les grottes de Dahra. Des plénipotentiaires arabes sous les ordres du colonel Pélissier établissent un dialogue, les chefs tribaux exigent le retrait des troupes françaises en échange de leur soumission. Durant les pourparlers des coups de feu sont échangés. Le colonel Pélissier ordonne d’amasser des combustibles devant l’ouverture des grottes. Il semble que le colonel Pélissier applique les recommandations du général Bugeaud déjà mis en pratique[3] « Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, imitez Cavaignac aux Sbéhas ; fumez les à outrance, comme des renards », le sinistre stratagème ayant déjà été utilisé. Le feu est mis aux très nombreux bûchers qui ceinturent les cinq ouvertures qui commandent l’entrée des grottes, de nombreuses fascines enflammées sont jetées du haut des rochers escarpés vers l’entrée des grottes… « alors arrivèrent aux oreilles épouvantées de nos soldats des clameurs déchirantes puis de temps à autres le bruit de la fusillade ».
Le lendemain une compagnie formée d’hommes du génie et de tirailleurs, reçoit l’ordre de pénétrer dans les grottes. Un silence lugubre entrecoupé de râlements y régne[4]. À l’entrée, des animaux dont on avait enveloppé la tête pour les empêcher de voir ou de mugir sont étendus à moitié calciné. Puis se sont des groupes effrayants que la mort avait saisi. Ici une mère a été asphyxiée au moment où elle défendait son enfant contre la rage dans l’agonie d’un taureau dont elle saisissait encore les cornes. Ailleurs, des cadavres rendent encore le sang par la bouche et par leur attitude témoignent des dernières convulsions. Ici deux époux ou amants se livrent un corps à corps dans l’asphyxie qui a resserré les liens formés par leurs bras enlacés. Des nouveau-nés gisent parmi les caisses et les provisions ; enfin çà et là des masses de chair informes piétinées forment comme une sorte de bouillie humaine. Près d’un millier d’enfants de femmes et d’hommes ont été asphyxiés, brûlés entre le 19 et le 20 juin 1845.
Le colonel de Sainte Arnoud commande la deuxième colonne qui traque Boumazza qui s’est échappé du Dahra pour se dirigé vers ténès et Mostaganem. Dans le Tenès le colonel de saint Arnoud dépeint parfaitement dans une lettre adressée à son frère les circonstances qui sont à l’origine du massacre par asphyxie de plus de 500 personnes, source inestimable d’authenticité.
« Cher frère Je voulais te faire un long récit de mon expédition, mais le temps me manque. Je viens d’écrire huit pages au maréchal[6]. La fatigue et la chaleur m’accablent, j’ai passé hier vingt quatre heures à cheval. Je t’envoie seulement une espèce de journal sommaire de mes opérations. Tu sais que j’avais dirigé mes trois colonnes de manière à surprendre le chérif, le huit, par un mouvement combiné. Tout était arrivé comme je l’avais prévu. J’ai rejeté Boumazaa sur les colonnes de Ténès et de Mostaganem qui l’ont tenu entre elles et l’ont poursuivi. Il a fini par s’échapper en passant par Claparède, Canrobert, Fleury, et le lieutenant-colonel Berthier. On m’a rapporté 34 têtes, mais c’est la sienne que je voulais. Le même jour, le huit, je poussais une reconnaissance sur les grottes ou plutôt cavernes, 200 mètres de développement, 5 entrées. Nous sommes reçus à coups de fusil, et j’ai été si surpris que j’ai salué respectueusement quelques balles, ce qui n’est pas mon habitude. Le soir même, l’investissement par le 53e sous le feu ennemi, un seul homme blessé, mesure bien prise. Le neuf, commencement des travaux de siège, blocus, mines, pétards, sommations, instances, prière de sortir et de se rendre. Réponse : injure, blasphème, coup de fusil… Feux allumés. dix,onze mêmes répétitions. Un arabe sort le onze, engage ses compatriotes à sortir ; il refuse. Le douze, onze arabes sortent, les autres tirent des coups de fusil. Alors je fais hermétiquement boucher toutes les issues et je fais un vaste cimetière. La terre couvrira à jamais les cadavres de ses fanatiques. Personne n’est descendu dans les cavernes ; personne… que moi ne sait qu’il il y a là-dessous cinq cents brigands qui n’égorgeront plus les Français. Un rapport confidentiel a tout dit au maréchal simplement, sans poésie terrible ni image. Frère personne n’est bon par nature comme moi. Du huit au douze , j’ai été malade, mais ma conscience ne me reproche rien. J’ai fait mon devoir de chef, et demain je recommencerai, mais j’ai pris l’Afrique en dégoût. »
Le massacre de la colonne de 450 hommes dirigée par le lieutenant-colonel de Montagnac les 22,23 et 24 septembre, est la réponse aux exactions commises par l’armée française durant le printemps et l’été 1845.
Le 21 septembre 1845, le lieutenant-colonel de Montagnac quitte sa garnison de Djemââ où il était en relative sécurité, victime d’une habile désinformation orchestrée par les services d’Abdelkader. Il se dirige avec trois compagnies du huitième chasseur d’Orléans et l’escadron du deuxième hussard en direction du marabout de Sidi Brahim. Dès le 22 septembre 1845, il tombe dans l’embuscade tendue par Abdelkader à la tête d’une puissante force de 3000 cavaliers. Le lieutenant-colonel de Montagnac est tué dès les premiers combats. Une poignée de soldats français se réfugie dans le marabout de Sidi Brahim. Après un siège de trois jours, une sortie désespérée est tentée, seuls treize d’entre eux arriveront vivants à Djemââ. La mort de ces nombreux soldats commandera d’autres massacres et d’autres crimes de guerre par les troupes françaises.
L’honneur de la France est incarné par le poète Lamartine, député qui dénonce vigoureusement lors de la première session de l’assemblée parlementaire de 1846 ces très nombreuses exactions : massacre de population, incendie d’habitations, destructions de moissons, d’arbres fruitiers, politique de la terre brûlée etc. On me dit la guerre est la guerre, mais la guerre des peuples civilisés et la guerre des sauvages, des barbares, sont deux guerres différentes…je dis qu’il n’y aurait dans ce temps ni dans l’avenir aucune excuse qui pût effacer un pareil système de guerre, dans l’état de force, de discipline, de grandeur et de générosité que nous commande notre situation civilisée ! Je pourrais vous parler d’autres actes qui y ont fait frémir d’horreur et de pitié la France entière les grottes de Dahra où une tribu entière a été lentement étouffée. J’ai les mains pleines d’horreur, je ne les ouvre qu’à moitié !
Chaouky Hamida
Docteur en histoire-Framespa
[1] Annuaire historique universel ou histoire politique entre 1818-1861 publié par A.Thoinier-Desplaces 1847, Paris
[2] Boumazza, le grand chef résistant qui continue le combat après que l’émir Abdelkader ait été défait. Cerné de toutes parts, il se rend le 13 avril 1847 aux troupes françaises commandées par le colonel de Saint Arnauld. Interné en France, il est en fait « choyé » par le gouvernement de Louis Philippe, on le dote d’un appartement aux Champs-Élysées, il reçoit une pension de 15 000 F. Rebelle malgré tout, durant la révolution de février 48, il essaye de quitter la France, mais il est arrêté à Brest. Il est remis en liberté par le prince Louis-Napoléon qui lui restitue sa pension. Il quitte définitivement la France en 1854 pour se réfugier dans l’empire ottoman où il intègre le corps des Bachi-Bouzouks. Il est promu colonel en août 1855.Dictionnaire universel des contemporains, Gustave Vapereau, édition hachette ; Paris 1858.
[3] Aucune source si ce n’est cette citation ne vient corroborer cette première enfumade.
[4] Histoire de la conquête de l’Algérie (1830 — 1860) par Achille Etienne Fillias- Arnaud de Vresse libraire-éditeur ; Paris 1860.
[5] Lettres du maréchal de Saint Arnoud , tome II, page 29,Editions Michel Lévy Frères, Paris 1855.
[6] Bugeaud est général au moment des faits.
29/05 01:13 - Constantin
Bien sûr que si l’Algérie existait dans ces frontières. Ce n’est pas parce que vous (...)
08/05 22:13 - phiconvers
Constantin, Merci de faire preuve d’un peu d’humilité, si cela vous est possible... (...)
08/05 05:09 - Constantin
Dire que l’Algérie n’avait pas d’identité et donc n’existait pas et (...)
07/05 21:40 - phiconvers
Bien prompt à prendre une orgueilleuse hauteur et à distribuer vos bons points (cf votre « (...)
07/05 14:12 - Massaliote
Votre commentaire est ridicule, continuez de vous voiler la face devant les crimes de vos (...)
07/05 11:24 - gaiaol
Ne serait-il pas temps de couper le cordon ombilical ? le cordon ombilical ne sera coupé que (...)
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