Plus le temps passe, plus je deviens un
vieux con. Ou plutôt vieillit ma connerie.
Il me semble que hier encore je
compulsais en ricanant Charlie Hebdo et Hara Kiri, tout abimé à ma
délectation d’articles et de rubriques vachardes, de photomontages
scandaleusement vulgaires, d’humour délibérément trash (je parle
d’y a longtemps). Je le faisais de bon cœur parce que j’avais le
sentiment que derrière la férocité et l’iniquité des plumes des
auteurs, il y avait un authentique souci égalitaire, une réelle
contestation libertaire, une utopie sincère. C’était mal de lire
Hara Kiri et Charlie Hebdo, d’ailleurs régulièrement interdits de
publication. On choquait autour de soi. Il fallait assumer, même si
on ne risquait plus le bûcher.
Mais là, non, je ne m’y retrouve
pas. Naulleau, Zemmour, Ruquier, Fogiel, Truc, Machin, et Chose,
c’est pas la même soupe. Tous ces gens sont au service de
l’audimat. On les paye pour être impertinents. En fait, on les
payait pour être impertinents. Maintenant on les paye pour
être vulgaires et arrogants, brutaux, sardoniques, cruels, iniques,
cyniques. Leur boulot : étriller l’invité, sauf si elle est
jolie. Dans ce cas, être salace suffit. Du sang, des tripes, du
sperme !
Je le jure, je n’ai rien contre une
belle baston. Mais avec des principes. Un contre un, mano a mano. Les
embuscades, les lynchages, les gauntlets, les jeux du cirque, c’est
pas mon truc. Naulleau et Zemmour confortablement retranchés dans
leur nid de mitrailleuse, arrosant tour à tour leur victime
sacrificielle piégée sous le spot, en croquant des pistaches et en
adressant des effets de manche à la foule des supporters, ça me
fout les glandes. C’est pas de la critique, c’est pas de la
justice, c’est du spectacle naze. Ca me rappelle le temps pourri du
bahut ou deux trois connards redoublants martyrisaient impunément
les gros, les binoclards, les dents de lapin et les profs fragiles.
Encore et toujours accompagnés des rires veules et complices de ceux
qui les redoutaient. Et ici, il me semble que ce sont les même
ficelles, le même public voyeur et goguenard. Des frustrés de la
vraie vie qui s’identifient à des faux durs qui ne prennent aucun
vrai risque, ni physique, ni intellectuel.
Un petit mot pour terminer avec
l’épisode Lalane. Lalane me saoule. Ses textes dégoulinent, et
son look bonapartistosoixantehuitard me crispe. N’empêche qu’il
y a quelques fractions de siècle, il s’était fait piéger par une
émission de caméra cachée. Il était au resto en compagnie de
potes, et on lui a envoyé une fausse sdf (« clochard » à
l’époque) l’importuner à sa table. Et qu’a fait l’abruti ?
Il l’a invitée à bouffer avec eux.
Naulleau et Zemmour, ils auraient
appelé la sécurité, c’est sûr. Ils sont où zorro et robin des
bois ? C’est pour ça que je regarde plus la télé. Sauf sur
agora vox.