"(...) Cette loi instaure un dispositif de sanction graduée et
prévoit, après deux avertissements, la coupure de l’accès Internet des abonnés
dont la connexion aura servi aux fins d’un téléchargement
illégal.
Le dispositif mis en place conduit à écarter
l’intervention du juge judiciaire pour lui substituer une sanction
mécanique. Cette sanction est également disproportionnée
au regard notamment de la « double peine » résultant
de l’obligation pour l’abonné dont l’accès à Internet a été suspendu de
continuer à payer le prix de son abonnement. Ce système massif de sanction
imaginé par le Gouvernement est incompatible avec le principe
constitutionnel du droit à un procès équitable.
La violation du principe de présomption
d’innocence est flagrante puisque
des abonnés pourront se voir sanctionnés alors même qu’ils n’auront commis
aucune infraction. Lors des débats à l’Assemblée nationale, la Ministre de la
culture avait elle-même reconnu que le délit de téléchargement illégal pouvait
être commis par une autre personne que le titulaire de la connexion
Internet.
Un tel dispositif implique également une surveillance
générale et constante du réseau Internet par une Haute Autorité aux
pouvoirs exorbitants et méconnaît ainsi le droit au respect de
la vie privée.
Enfin, même s’il ne revient pas au Conseil
constitutionnel d’effectuer un contrôle de conventionalité, son attention a été
attirée par la nécessaire prise en compte de la législation européenne afin
d’anticiper de futures contradictions .En effet, le Parlement européen vient
d’adopter en seconde lecture, à une très large majorité, un amendement disposant
« qu’aucune restriction aux droits fondamentaux des utilisateurs d’Internet
ne peut intervenir sans une décision préalable de l’autorité
judiciaire ».
La commissaire européenne en charge du « paquet télécom »,
Viviane Reding souligne que cet amendement est un « rappel important des
principes essentiels, du droit qui régissent l’ordre juridique communautaire et,
en particulier, des droits fondamentaux des citoyens ».
Il appartient désormais au juge constitutionnel de se
prononcer sur la compatibilité de cette loi au regard des exigences
constitutionnelles dont il assure la protection. Espérons qu’il sera plus
inspiré que dans sa précédente décision sur la loi organique réformant la
procédure parlementaire."
http://assemblee.blogs.liberation.fr/urvoas/2009/05/hadopi-notre-saisine-du-conseil-constitutionnel.html
Pour en savoir plus sur cette saisine du CC :