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Commentaire de Henri Masson

sur La bande à Ruquier s'instruit grâce à l'UE et l'espéranto


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Henri Masson 28 mai 2009 17:54

La stérilisation de bocaux de cerises au sirop (hmmmm !) me laisse un peu de temps pour ajouter quelques précisions ;

Il convient d’ajouter que Pierre Bénichou s’était déjà distingué de la même façon dans la même émission du 26 juin 2006. Il est donc indécrottable, non-recyclable, irrécupérable, et mon article à ce sujet, publié sous le titre (modifié par la rédaction d’AgoraVox) « Polémique médiatique autour de l’espéranto » avait excité l’Halloweenesque Asp Explorer et sa clique dont quelques éléments se sont manifestés ici.

Or, effectivement, Pierre Bénichou a remis ça le mardi 26 mai 2009, en étant toutefois moins grossier, mais encore plus stupide cette fois-ci. Il a certes su dire que le nom de Ludwik Lejzer Zamenhof, mal prononcé par Laurent — qui a dit en outre qu’il était Allemand, ce qui est faux —, était celui de l’homme cherché pour l’espéranto. Il a éprouvé le besoin de faire étalage de son ignorance en la matière. Entre autres âneries, sur un ton doctoral, Bénichou a dit en effet en bafouillant :

“L’espéranto, c’est un truc, faut expliquer à nos amis ce que c’est. L’espéranto, c’est une langue inventée qui prend un peu de chaque langue de tous les pays européens et du monde*... Le drame c’est que c’était fait pour simplifier la vie des citoyens européens, mais qu’en fait ça ne fait que la compliquer puisqu’il faut parler un peu d’allemand, un peu d’anglais, un peu d’italien, un peu de français, c’est pour ça, c’est une langue totalement inventée**. Ça a fait long feu, complètement***. Personne n’a jamais parlé****« ... (interrompu par Laurent Ruquier).

* Ce qu’ignore ce champion de la connerie, c’est que l’essentiel des racines de l’espéranto provient à environ 75% du latin et langues dérivées, à environ 20% de langues germaniques (allemand et surtout anglais), 5% de langues slaves et autres, en particulier du grec ancien pour les radicaux scientifiques. Comme les langues se sont interpénétrées, nombreux sont les éléments reconnaissables sans en apprendre d’autres que la sienne. Comme le russe a connu une forte influence du latin et du français, il en résulte que 40% des mots de l’espéranto sont compréhensibles sans étude préalable pour un Russe (c’est ce qui explique la réponse de Suzanne). Il s’agit de racines internationales d’emblée reconnaissables pour lesquelles la connaissance de plusieurs langues est superflue. Tout ceci est fort bien expliqué dans l’ouvrage d’un ancien fonctionnaire international, un grand polyglotte, Georges Kersaudy, dans son ouvrage »Langues sans frontières« , dans lequel il compare, avec des tableaux, 39 langues de l’Europe sur la cinquantaine (dont l’espéranto) qu’il connaît. Ce qui correspond à la définition farfelue donnée par Bénichou, c’est l’ »Europanto« , une proposition inventée pour amuser la galerie par Diego Marani, un fonctionnaire européen (voir Wikipedia).

** Des linguistes, et pas des moindres, ont reconnu que l’espéranto était viable. Le problème ne vient pas de ses aspects linguistiques mais, entre autres, de la bêtise épaisse et éternelle dont Bénichou est la parfaite illustration. Dès 1918, Antoine Meillet avait écrit, dans »Les langues dans l’Europe nouvelle« (déjà !) : “La possibilité d’instituer une langue artificielle aisée à apprendre et le fait que cette langue est utilisable sont démontrés dans la pratique. Toute discussion théorique est vaine. L’espéranto a fonctionné, il lui manque seulement d’être entré dans l’usage pratique.
(...) Une langue est une institution sociale traditionnelle. La volonté de l’homme intervient sans cesse dans le langage. Le choix d’un parler commun tel que le français, l’anglais, ou l’allemand procède d’actes volontaires. Une langue comme “la langue du pays” norvégienne a été faite, sur la base de parlers norvégiens, par un choix arbitraire d’éléments, et ne représente aucun parler local défini. (…) Il n’est donc ni absurde ni excessif d’essayer de dégager des langues européennes l’élément commun qu’elles comprennent pour en faire une langue internationale.“ (p. 278)

Le linguiste Edward Sapir avait pour sa part écrit : “La nécessité logique d’une langue internationale dans les temps modernes présente un étrange contraste avec l’indifférence et même l’opposition avec laquelle la majorité des hommes regarde son éventualité. Les tentatives effectuées jusqu’à maintenant pour résoudre le problème, parmi lesquelles l’espéranto a vraisemblablement atteint le plus haut degré de succès pratique, n’ont touché qu’une petite partie des peuples.
La résistance contre une langue internationale a peu de logique et de psychologie pour soi. L’artificialité supposée d’une langue comme l’espéranto, ou une des langues similaires qui ont été présentées, a été absurdement exagérée, car c’est une sobre vérité qu’il n’y a pratiquement rien de ces langues qui n’ait été pris dans le stock commun de mots et de formes qui ont graduellement évolué en Europe.“ (cité dans l’Encyclopaedia of Social Sciences, 1950)

*** Si l’espéranto avait réellement fait long feu, il y a lieu de se poser des questions sur les raisons, qui ne sont pas linguistiques, mais politiques et psychologiques (le harcèlement auquel se livrent quelques psychopathes en constituent — comme Bénichou — la parfaite illustration), qui ont entravé son essor.

**** Il y a lieu de se demander pourquoi l’on trouve tant de pages lorsque l’on tape le mot »esperanto« pour une recherche sur la Toile et pourquoi apparaissent tant de nouvelles applications de la langue : »L’espéranto au présent« .

Ancien journaliste, Bénichou a simplement oublié que sa profession consiste à s’informer avant d’informer.

Bon, il faut s’attendre à des aboiements et à de la bave, mais, c’est connu : »Hundo bojas..." (Le chien aboit...).

Ça y est, mes 9 bocaux de cerises sont prêts ! smiley


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