« La solidarité n’est qu’affaire de lucidité et de discipline
sociales », le livre d’une brûlante actualité, que l’auteur de cet
article vient de publier, prolonge opportunément le débat. Le fait qu’André
Pellen s’exprime régulièrement sur Agoravox - Naturavox est d’ailleurs
explicitement mentionnées en quatrième de couverture de l’ouvrage.
L’idée d’une civilisation
planétaire cohérente – à défaut de fraternelle – demeure plus que jamais une
vue de l’esprit. Même si d’aucuns veulent encore croire que les conséquences
logiques de la crise actuelle sonnent le glas de l’ère prédatrice de l’économie
mondiale, le caractère intrinsèque des conflits d’intérêts qui, depuis la nuit
des temps, jalonnent l’histoire des sociétés animales de disettes et
d’affrontements meurtriers n’est, une fois de plus, que trop souligné. Non
seulement le vivant cognitif n’échappe pas à ce tropisme, mais rien n’indique
qu’il soit un jour capable de juguler son puissant instinct d’appropriation au
nom d’une idée supérieure de l’Humanité. N’en déplaise aux disciples de
Vernadski, l’entendement humain s’accommode parfaitement d’une mentalité
primaire de l’homo sapiens, immuable depuis l’origine de sa socialisation.
Les héros de cette fresque
contemporaine en tirent la conclusion que la garantie d’un niveau de vie
élémentaire ne peut désormais plus reposer que sur la capacité des
ressortissants nationaux à veiller eux-mêmes sur leur intérêt collectif, quitte
à composer avec les préceptes politiques et les règles du jeu économique en
vigueur. Ainsi, du choix sélectif des comportements grégaires à celui des biens
de consommation, une intelligence sociale inédite découvre-t-elle le vrai
périmètre d’un humanisme débarrassé de l’hypocrisie et de la démagogie du discours
théologique. Elle révèle que la solidarité universelle est un leurre
idéologique auquel la conscience ordinaire du concept caritatif reste
indifférente. Elle a surtout fini par décomplexer ceux qui qualifient de
funeste irresponsabilité le fait d’en appeler à la conscience de citoyen du
Monde pour structurer une vie nationale.
Plus que leurs enfants, les
seniors d’aujourd’hui s’identifieront à ces deux existences emportées par la
tourmente sociale, dont le caractère chaotique fut assez commun au siècle
dernier. Les joies, chagrins et émotions intimes structurant leurs vies
affectives n’en transcendent pas moins les générations, y compris cette
exaltation toute historique, tirée de leur aventure, rapidement muée en une
poignante désillusion.
Fidèle à la vérité établie des
faits, la relation d’un des évènements ayant inspiré cette fiction ne craint
pas d’y décliner l’identité réelle des protagonistes ; celle des
responsables du sabordage du surgénérateur Superphénix,
victime sacrificielle de la conquête du pouvoir, en 1997. Témoin de son temps,
parmi les moins austères, le roman reste le plus sûr moyen de faire mieux
connaître cette trahison préméditée de l’intérêt national, au plan économique
comme au plan écologique.
André PELLEN