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Commentaire de Naja

sur Manifeste pour l'imprescriptibilité des abus sexuels sur mineurs


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Naja Naja 1er juin 2009 14:33

Pour ce qui est des arguments, je n’ai rien à ajouter puisque vous persistez à ignorer la moitié. Celle relative à ce qui peut empêcher physiquement de porter plainte, pour ramener cela à une conception proche de la deadline.
Soit. Je ne cherche pas à vous convaincre si vous campez sur votre ignorance.

Plus intéressant :
Preuve que votre opposition à l’imprescribilité n’a pas grand chose de rationnel : votre tirade de conclusion.

"Sous le prétexte de défendre les « victimes » et les enfants, vous participez à ce mouvement actuel qui imagine que l’aggravation tous azimuths de la répression (multiplication des incriminations, augmentation des peines, abaissement de l’âge de la majorité pénale, prison automatique en cas de récidive et maintenant suppression de la prescription) pourra nous guérir de nos maux."

Personne ici n’a parlé des thèmes que vous évoquez, si ce n’est l’auteur qui a rappelé plus bas qu’il n’était pas question de discuter des peines et a même précisé qu’une condamnation symbolique l’eut satisfaite.
Pour ma part, je déplore tout autant que vous la politique sécuritaire de notre gouvernement. Je suis contre la rétention de sûreté, contre l’abaissement de l’âge de responsabilité pénale et je pense que la prison, compte tenu des conditions carcérales déplorables, a perdu quasiment tout son sens. Pour ce qui est de la récidive, je ne crois pas en une solution simple et immédiate. Plutôt en la recherche en criminologie et en la mise en place de thérapies adaptées.

Mais qu’importe ! Vous préférez m’accuser d’être partisane d’une politique populiste de répression toujours plus sévère et de croire que je serais légitime à demander tout ce qu’il me passerait par la tête, de par ma situation d’ancienne victime.

Vous confondez donc le droit d’intenter une action en justice avec les éventuels désirs d’une victime quant à l’issue du jugement, que bien évidemment vous supposez extrémiste.
Et ce qui est particulièrement significatif, c’est que vous m’accusez de votre confusion.
Le retournement m’importe assez peu mais je le pense la confusion révélatrice d’une conception de l’institution judiciaire qui se trouve effectivement dans une grave dérive.

En prenant vos suppositions pour des certitudes qu’il ne vous vient même à l’esprit de questionner, vous faites disparaitre une partie du sens de la justice : Celui relatif à sa fonction réparatrice par simple reconnaissance des atteintes subies, volonté de rétablir ainsi une certaine forme d’équité.
De fait, vous ne concevez même pas que cela puisse être la seule chose qu’une victime ose espérer de la justice et que le seul droit dont elle se réclame soit celui de porter son affaire à la connaissance de l’institution qui décidera de ce qu’il convient d’en faire.

L’équité n’est pas la vengeance. Et il ne s’agit pas non plus de piétiner les droits de la défense au nom de la réparation des victimes. Simplement de ne pas oublier que les décisions et actes de justice ne devraient pas uniquement satisfaire à un but de répression et de mise à l’écart des individus dangereux mais être aussi orientés selon cet idéal d’équité. Un idéal étant par essence une direction générale qui donne un sens aux choses concrètes. Pas un objectif en soi qu’il conviendrait d’atteindre à chaque jugement, mais une orientation dont il serait judicieux de ne pas trop s’écarter.
Or cet idéal est vulgairement en train de tomber aux oubliettes.

Ce qui m’effraie moi, c’est cela :
Une politique qui en se concentrant sur la seule répression et sécurité ignore les victimes dans son obsession sur les criminels et la peur qu’ils suscitent, tout en prétendant fallacieusement oeuvrer au nom de celles-ci, pour le respect de leur droit et pour le bien être.
Des citoyens qui déplorent cette dérive sécuritaire mais tombent dans le panneau de croire ce qu’on leur dit, à savoir que l’on subvient ainsi aux besoins des personnes victimes, et concluent ainsi qu’il convient de dénigrer a priori tout ce dont une victime peut avoir besoin, tout ce qu’elle peut dire, demander, remarquer. Et vous fournissez une illustration éloquente de cette naïveté qui s’ignore.
Enfin, des victimes qui soit tombent elles aussi dans le piège en pensant que leur réparation passe par la vengeance via la justice, soit ont conscience d’être toujours autant ignorées par les uns, et à présent raillées et accusées par les autres. En conséquence de quoi le sentiment de révolte et de haine des unes et des autres ne peut qu’aller croissant.

Pas si étonnant donc que la demande d’imprescribilité soit comprise comme émanant d’un désir de vengeance, d’un sentiment de révolte de victimes qui penseraient que leur vécu leur octroie tous les droits.... quand il s’agit uniquement d’autoriser la justice à se saisir d’une affaire et en fonction de ce qui lui sera rapporté, instruire le dossier puis juger l’accusé ou le classer.
En oubliant son idéal d’équité et sa fonction symbolique, l’institution judiciaire est effectivement en train de se réduire à une arme de répression. Et paradoxalement, en m’accusant comme vous le faites de cautionner cette dérive, vous ne faites qu’entériner celle-ci en ignorant ce sur quoi elle empiète.
Car l’ennui, c’est que ce n’est certainement en prônant la nécessité d’exclure de la justice le besoin et la possibilité de réparation des citoyens victimes que ça s’arrangera. Au contraire !
Mais ça...
Sans doute est-ce plus facile de faire des individus victimes les boucs émissaires des dérives sécuritaires... qui les ignorent. Ce n’est pas par hasard que Sarkozy parle à tort et à travers des victimes qu’il met à toutes les sauces. C’est bien pratique, et il faut bien le reconnaître, très malin de sa part.

L’extrémiste en délire vous salue.


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