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Commentaire de Lisa SION 2

sur Haro sur le bouc-émissariat


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Lisa SION 2 Lisa SION 2 1er juin 2009 19:42
Le paradis n’est pas de cette terre : menaces réelles et imaginaires du recyclage de l’argent de la drogueDuvan OCAMPO (CIL 2004)Introduction

Le trafic de drogues et le blanchiment d’argent constituent des menaces majeures pour le fonctionnement de l’économie mondialisée. Qu’il s’agisse des pays producteurs de drogue, dont l’économie est essentiellement agricole, des grands pays consommateurs où l’essentiel des profits du crime organisé s’accumule, des paradis fiscaux qui recyclent l’argent « sale » ou de petits Etats placés sur les routes d’acheminement du trafic, le phénomène touche tous les Etats de la planète.

Il s’agit donc d’un problème aux dimensions économiques, sociales et politiques. Il engage les pouvoirs publics à rechercher des solutions immédiates pour freiner l’avancée d’un phénomène global, mais dont les ramifications locales défient la souveraineté et l’autorité des Etats. Il convient de s’intéresser aux méthodes employées par les Etats pour détecter l’argent en question, son origine, sa destination et ses effets destabilisateurs sur le système financier. Compte tenu de la dimension transnationale du problème, une coopération qui intègre autant les Etats que les organismes internationaux et les acteurs privés s’impose.

Après le 11 septembre 2001, les pouvoirs publics ont été alertés par le danger posé par le financement du terrorisme, parfois en collusion avec le profit des activités criminelles. Cependant, compte tenu du cadre restreint de l’étude, la référence au terrorisme ne sera que marginale, pour deux motifs. Le premier est que cela détournerait la recherche de son but principal, qui est de comprendre le fonctionnement des réseaux de blanchiment et de tenter de proposer des réponses concrètes afin de les combattre. Le second est que, étant donné que le terrorisme est financé le plus souvent par de l’argent blanchi produit des activités criminelles, il n’en est pas moins vrai que le but principal du blanchiment reste le profit économique pur et simple.

Dans cette étude, nous avons choisi de nous concentrer sur le trafic des stupéfiants, suffisamment large et complexe en lui-même pour pouvoir aborder tous les stades du processus de blanchiment. Bien que de nombreux travaux aient été écrits sur le sujet, la systématisation que sera faite par l’étude quant à l’impact de l’économie de la drogue et les modalités de blanchiment revêt une grande importance pour la compréhension des matières étudiées. En outre, elle vise à combler des lacunes théoriques quant à la compréhension des liens entre la criminalité organisée et le blanchiment, leurs dimensions globales et locales.

Bien qu’il n’y ait pas de chiffrages précis sur les montants d’argent en circulation tirés du trafic des drogues, son poids est certainement considérable. L’ONU estime que le commerce mondial de la drogue génère des profits de l’ordre de 400 milliards de dollars US par an, soit environ 8% du commerce mondial*. L’économie du blanchiment, toutes origines confondues, serait de l’ordre de 1 000 milliards de dollars par an, soit de 2 à 5% du PIB mondial, selon le FMI.** Ces estimations grossières ne reflètent pas la dimension réelle du blanchiment par rapport à l’ensemble de l’économie mondiale. Le caractère intrinsèquement souterrain de l’économie criminelle rend improbable toute vérification empirique des montants en jeu.

L’hypothèse que nous avançons est que l’argent du crime profite à de nombreux acteurs de la finance globale, même à ceux qui se placent à la tête de la croisade mondiale pour le combattre, et qui n’ont pas de réel intérêt à le faire. Ils se contentent le plus souvent de la formulation de normes de vague application ou des coups d’éclats médiatiques pour afficher leur appartenance au camp de la « transparence » face à une criminalité organisée qui monte en puissance et qui « corrompt » le système financier tout entier.

Pourquoi, sinon, avoir attendu si longtemps (les premières mesures contre le blanchiment au sens propre datent de la fin des années 1980) alors que la criminalité organisée est un phénomène aussi vieux que le commerce et que, sous sa forme moderne (« mafia »), elle dégrade depuis le dix-neuvième siècle les systèmes économiques et politiques du monde occidental autant que des pays en développement ? La réponse à cette question tient à ce qui est perçu couramment comme un coût d’opportunité à engager des procédures de transparence, alors que maints Etats et territoires font figure de cavalier seul, profitant au mieux de leur régulation financière laxiste pour attirer des capitaux de toutes origines. En d’autres termes, le principal obstacle dans la lutte contre le blanchiment est purement politique et non pas technique, au contraire de ce que les banquiers et les gouvernements ont longtemps soutenu.

Certes, des difficultés techniques subsistent, mais l’entrave majeure est l’absence de volonté réelle de la part de ces acteurs de se priver d’une ressource financière importante, dont les externalités négatives continuent d’être sous-estimées. Les gains d’efficacité économique et de sécurité pour la collectivité d’une régulation plus ferme ne semblent pas émouvoir les décideurs publiques, soumis à des contraintes politiques et administratives, ainsi qu’à l’influence de groupes financiers multinationaux qui profitent amplement des services offerts par les centres offshore. Les hésitations des membres du GAFI vis-à-vis de certains paradis des affaires, et l’absence d’un partenariat avec le secteur privé pour dégager des mesures d’application concrète, en témoignent.

Par ailleurs, les disparités en termes de régulation du secret bancaire et l’absence constatée de volonté politique font craindre un repli derrière des arguments classiques de souveraineté pour justifier du manque de coopération face à un danger qui est global, mais dont les conséquences sont ressenties de façon très différente par les pays.

Cette étude portera sur trois aspects fondamentaux : 1. les incidences économiques du trafic des stupéfiants et les stratégies mises en place pour le contrecarrer ; 2. comprendre comment agissent les blanchisseurs et identifier jusqu’à quel point les réponses données par les pouvoirs publics ont contribué à endiguer la progression de leur activité ; et 3. la recherche d’une politique publique optimale associant des acteurs publics et privés par la mise en commun de leur expertise et de leurs moyens.

Ainsi, nous nous interrogerons premièrement sur les enjeux économiques du trafic des stupéfiants, les modalités d’action des organisations criminelles, aussi bien que les avantages et inconvénients des stratégies répressives pour faire face à un phénomène de plus en plus mondialisé, qui échappe fréquemment à l’action des organes de police. Ensuite, nous décrirons les méthodes employées par les blanchisseurs, pour tenter de comprendre leur fonctionnement, et ainsi dégager des éléments objectifs de réponse qui permettront de maîtriser les distorsions financières causées par l’insertion des profits d’origine illégale dans les structures de l’économie légale. Enfin, conscients que ces menaces ne peuvent être maîtrisées qu’en faisant appel aux règles mêmes dela mondialisation, telles que la coopération en temps réel entre les services de police et de justice, certaines préconisations seront faites dans le but de définir des stratégies à court et long terme pour réussir à lutter effectivement contre les flux financiers illégaux.

* ONU, Rapport mondial sur le développement humain, 1999
** Thierry FRANCQ et Alain DAMAIS, « Comment fonctionnent les centres offshore ? », Problèmes économiques, N° 2.674, 19 juillet 2000, p.2


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